Jour : 4 mai 2020

  • Mesures d’accompagnement : les ménages pauvres lésés par le gouvernement

    Pour éviter un désastre éco­nomique lié à la pandémie du coronavirus, le président de la république, Paul Biya, a prescrit le 30 avril 2020, des mesures d’assouplissement et de soutien afin de soulager les secteurs durement impac­tés par cette crise sanitaire. Il s’agit de 19 mesures à carac­tères budgétaires (rembour­sement des crédits de TVA), fiscales (suspension, report d’impôts et taxes) et sociales (cotisations sociales et alloca­tions familiales).

    Selon la déclaration spé­ciale du Premier ministre à cet effet, ce train de mesures est la traduction en acte des conclusions de l’étude pres­crite par le président, dans le but d’évaluer l’impact du Covid-19 sur l’économie nationale et de déterminer les mesures d’accompagnement à mettre en œuvre pour soutenir les secteurs en difficulté, ainsi que les ménages les plus fra­giles. La déclaration spéciale de M. Dion Ngute ne donne aucun chiffre quant à la gravi­té de la situation ni les aspects les plus impactés de l’activité économique. Plus frappant encore, c’est le cas des « mé­nages les plus fragiles » qui semblent abandonnés à leur sort.

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    En effet, le bénéfice des me­sures sociales se limitent aux seuls travailleurs de l’écono­mie formelle (salariés et pen­sionnés). Or, 90% des actifs se trouvent dans le secteur infor­mel. Dans le bilan sectoriel de la mise en oeuvre du DSCE, le gouvernement reconnait que « si une légère baisse a été observée en matière de pau­vreté et d’inégalité entre 2007 et 2014 qui est passée de 39,9 à 37,5%, cette baisse reste loin de l’objectif de 28,7% en 2020. » Bien plus, « on note une hausse de la pauvreté en milieu rural, une augmenta­tion des inégalités qui se tra­duit par une hausse de 13% de l’indice de GINI. »

    Pourtant, le secteur privé et le gouvernement sont d’avis qu’il faut des mesures de sou­tien pour les ménages pauvres pour atténuer l’impact socio-économique de la pandémie du coronavirus. Sans doute des mesures spécifiques pour cet aspect sont encore à l’étude.

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  • Le covid-19 relance le débat sur la monnaie binaire

    Dans ses propositions pour limiter l’impact négatif du covid-19 sur les PME camerounaises présentées à Douala le 2 avril 2020, le patronat Entreprises du Cameroun (Ecam), propose au gouvernement d’envi­sager « la distribution aux ménages de bons publics de consommation en pro­duits de première néces­sité, convertissables auprès des institutions financières exclusivement par les entre­prises agréées à les recevoir en contrepartie des ventes de leurs produits et services. » Le transfert d’argent en monnaie électronique étant l’option la plus efficace, selon Ecam.

    L’idée de distribuer des bons publics comme moyens d’achat d’un certain type de produits locaux n’est pas nouvelle au Cameroun. Elle est notamment défendue de­puis 2007 par l’économiste Dieudonné Essomba qui l’a théorisée sous le concept de « monnaie binaire ». Du point de vue opérationnel, explique-t-il, « l’Etat du Cameroun pourrait finan­cer son développement en émettant la monnaie-trésor ex nihilo, suivant le modèle de la planche à billets ac­tuellement en vigueur aux Etats-Unis et dans l’Union Européenne, en particulier pour subventionner l’agri­culture et l’industrie locale et relancer la consommation en restaurant la bourse dans les universités, en augmen­tant les salaires et en ap­puyant les ménages pauvres. L’impossibilité d’utiliser cet argent pour importer oriente ainsi la demande sur la pro­duction locale, contraire­ment au CFA qui a des effets contraires. »

    Dans la même veine, le banquier Nicaise Amou­gou indiquait à l’occasion d’un forum économique organisé par le groupe Lothe Consulting Assurance, le 28 septembre 2019, que la monnaie binaire peut être une très bonne chose pour des pays sous -développés. Monnaie relai à une grande monnaie qui permet de trai­ter des échanges locaux, la monnaie binaire « permet de fluidifier les échanges même pour les plus petits porteurs qui n’ont rien à faire avec des réserves de changes », explique-t-il.

    Précieuses devises

    Bien plus, justifie le ban­quier, la monnaie binaire peut cohabiter parallèlement avec le FCFA sans qu’il y ait des soucis. On ne perd donc rien à essayer. « Surtout que ça permettra la véritable inclusion financière des pe­tites bourses. Par exemple, la grand-mère du village quand elle veut acheter son savon, elle n’a pas besoin du CFA parce qu’elle n’a pas de problème d’échange, de parité avec l’euro, tout ça ne la concerne pas. Elle a juste besoin d’avoir une monnaie locale ».

    En face, d’autres analystes doutent de l’impact positif de la monnaie binaire sur le tissu productif local. Après une série de simulations sur le marché du vêtement et de la tomate, l’économiste Mebene, observe que « la monnaie binaire, telle que décrite par M. Essomba ne sera efficace que si les cou­turiers camerounais sont déjà compétitifs, et ont eu des gains de productivité par ailleurs (avant la mon­naie binaire). La question de la compétitivité existante aujourd’hui n’est donc pas résolue par la monnaie bi­naire ». En d’autres termes, la compétitivité du tissu industriel local est un préa­lable à la monnaie binaire. Elle n’en saurait être la conséquence.

    De fait, le gouvernement classe la problématique de la monnaie parmi les « menaces, risques et hypo­thèques » de sa vision du dé­veloppement du Cameroun à long terme, Cameroun Vision 2035. « Si l’arrimage du FCFA à l’Euro permet d’imposer une parité fixe qui évite les dérives et assure sa crédibilité internationale, elle porte néanmoins deux lourdes hypothèques : tout d’abord, elle prive le Came­roun d’un instrument majeur de gestion économique, la politique monétaire, ce qui est un handicap considé­rable pour l’appropriation d’une stratégie volontariste du développement ; d’autre part, l’arrimage à l’Euro qui s’est révélée une monnaie très peu flexible entraîne une survalorisation perma­nente du FCFA, un ralen­tissement des exportations et un surenchérissement des importations qui obèrent considérablement la com­pétitivité de l’économie nationale. (…) », lit-on dans le document de travail du Cameroun Vision 2035.

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    Comprendre la monnaie binaire

    Selon Dieudonné Essomba, « l’idée de la Monnaie binaire repose sur le raisonnement suivant : lorsqu’un Ca­merounais veut acheter les habits, il va presque à coup sûr vers la friperie européenne ou les habits chinois, car ceux-ci sont moins chers ou plus per­fectionnés que les habits produits au Cameroun. Comme tous les habits se vendent en CFA, les produits natio­naux sont battus, et le développement d’une industrie nationale de l’habille­ment devient impossible. Mais, si le même Camerounais disposait en même temps du CFA normal et du CFA local, il serait obligé de consacrer le CFA lo­cal aux produits locaux et par suite, aux habits camerounais, car il ne peut rien acheter à l’étranger avec cet argent. Comme il est déjà habillé, il ne trou­vera plus intérêt à importer des habits ; il dépensera donc son CFA normal qui est convertible à l’achat des biens dif­ficiles à produire localement, du fait de leur technicité et de leurs coûts.

    Comme on peut le voir, cette seconde monnaie vise à créer un marché aux biens que le Cameroun peut fabriquer puisque conforme à son niveau tech­nique, tout en les préservant d’une rui­neuse concurrence venant de l’étran­ger. En même temps, elle oriente les Camerounais uniquement vers des biens étrangers qu’ils ne peuvent pas eux-mêmes fabriquer comme les voi­tures (…) C’est cette technique consis­tant à émettre une Monnaie qui ne sort pas, à côté d’une autre Monnaie qui peut sortir qu’on appelle ’’Monnaie Binaire’’. »

  • Caisse des dépôts et consignations : plus de 1 000 milliards en divagation pour cause d’inertie

    Dans son édition du lundi 27 avril dernier, EcoMatin déplorait dans ses colonnes l’absence de la Caisse des dépôts et consignations (CDEC) dans la lutte contre la maladie à coronavirus (Covid-19). Grâce aux res­sources financières dont elle devrait disposer, cet organisme aurait pu aider l’Etat du Cameroun à faire face à cette crise sanitaire qui met à mal l’économie du pays, en lui évitant de contracter de nouveaux em­prunts très coûteux.

    D’après la loi n°2008/003 du 14 avril 2008 promul­guée par le président de la République, La CEDC assure le service public des dépôts et consignations. C’est elle qui doit rece­voir, conserver et agréer les avoirs publics ou privés. Seulement, depuis le décret présidentiel n°2011/105 du 15 avril 2011, portant organisation et fonction­nement de cet organisme sous-tutelle du ministère des Finances, elle n’a ja­mais commencé ses acti­vités. La principale raison de cette inertie, selon cer­taines sources au sein de l’administration publique camerounaise, le dossier de nomination de l’équipe dirigeante serait bloqué au niveau de la présidence de la République, sous l’influence de lobbys dont les tentacules s’étendraient jusque dans le système ban­caire.

    Cet état de choses met à mal l’Etat camerounais, d’importantes ressources financières échappant à son contrôle. La CDEC a pour vocation, entre autres, de « concourir au développe­ment économique du pays, par l’intermédiaire des structures spécialisées, se­lon les priorités définies par le gouvernement », stipule l’article 4 de la loi susmen­tionnée. Grâce à ses fonds, elle peut aider le gouverne­ment à financer des grands projets d’infrastructures, d’assurer le financement de projets et programmes économiques sectoriels, d’intervenir efficacement sur les filets sociaux, etc. Elle serait en tout cas suffi­samment fournie pour sou­lager la trésorerie du gou­vernement : on estime à des centaines de milliards de francs CFA ce que la Caisse des dépôts et consignations aurait déjà pu mobiliser de­puis une décennie.

    36 poches de mobilisation des ressources

    Quelques calculs per­mettent d’évaluer l’ampleur des fonds qui échappent au gouvernement. Selon la loi, les sommes qui doivent faire l’objet de dépôts et consignations sont réper­toriées dans quatre catégo­ries : consignations admi­nistratives, consignations judiciaires, consignations conventionnelles, et enfin, les dépôts. Dans le détail, cela constitue 36 poches de mobilisation desdites res­sources.

    S’agissant de la première catégorie, constituée de 13 types de cautionnements et consignations, on note par exemple que les « caution­nements sur les marchés publics » peuvent consti­tuer d’importants argents. Une lecture transversale du budget d’investissement public (BIP) par chapitre, programme, action et projet (assortie des objectifs, indi­cateurs et cibles) permet de constater que les cau­tionnements sur les mar­chés publics sont énormes. Ce document qui donne les détails du BIP indique que pour l’exercice 2018 près de 1 300 milliards de FCFA avaient été prévus pour atteindre les objectifs. En tenant compte des cau­tionnements versés dans le cadre de la passation de ces marchés publics, dont le taux est de 10%, on comprend très bien que la rubrique « cautionnements sur les marchés publics » aurait pu produire quelque 130 milliards de FCFA. En étalant ce calcul sur les dix dernières années, le constat est clair : la Caisse des dépôts et consignations du Cameroun aurait déjà dû être pourvue à plus de 1 000 milliards de FCFA.

    L’enveloppe devrait d’ail­leurs être bien plus impor­tante. Outre les caution­nements sur les marchés publics, d’autres postes sont également pourvoyeuses de ressources financières. On a l’exemple des caution­nements auprès des entre­prises d’eau, d’électricité, de téléphone et d’habitat. On peut également citer les fonds de contrepartie dans les projets communs. Un fait qu’une grande partie de l’opinion ignore : la Caisse des dépôts et consigna­tions se nourrit des fonds issus des comptes inactifs dans les établissements de crédit. Selon cer­tains experts, ces fonds sont importants dans l’ensemble des banques commerciales – qui les classent souvent dans le hors bilan pour ne pas les justifier – qui verraient leurs résultats au cas où ces ressources leur sont retirées pour être logées dans les tiroirs de la CDEC.

    Un service en remplace­ment

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    Globalement, les estima­tions les moins enthou­siastes parlent d’une montant situé entre 3 000 et 4 000 milliards de FCFA que la Caisse des dépôts et consignations aurait déjà mobilisé si elle avait fonctionné de­puis sa création. « Mais, il faut souligner que cet argent ne devrait pas res­ter dans les coffres forts de la caisse. Chaque an­née, ces fonds devraient être recueillis et il revient à l’Etat de les utiliser. Il ne s’agit donc pas de « stocker » de l’argent quelque part. Le seul problème étant que, comme elle n’existe pas, elle ne peut pas aider le gouvernement à financer certaines de ses actions », relève le fonctionnaire du ministère des Finances.

    La non implémentation de la Caisse de dépôts et consignations étonne d’autant plus que l’exis­tence de cet organisme fait partie des directives de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac) et même du nouveau régime finan­cier de l’Etat camerounais. Pour le moment, il existe au niveau de la Direction générale du Trésor, de la Coopération Financière et Monétaire (Dgtcfm) du ministère des Finances, un service des dépôts et consi­gnations qui joue bon gré mal gré ce rôle, sans pour autant se substituer vérita­blement à la Caisse au sens de la loi. L’on sait juste que les fonds et les valeurs sont depuis des décennies en dépôt où en consignation du Trésor public ou dans les établissements bancaires et autres établissements finan­ciers.

    En raison d’une disposition législative ou réglemen­taire, ils « doivent être re­versés à la Caisse des dépôts et consignations (…) Il en est de même, notamment, des fonds placés sous sé­questre, des fonds des pro­fessions judiciaires, et des fonds rendus indisponibles par l’effet d’une enquête ou d’une instruction judiciaire, des fonds des greffes, des fonds issus des liquidations des entreprises publiques et des fonds de contrepartie », stipule la loi de 2008. En attendant cette réglemen­tation ou cette législation, ces ressources financières existent, et profitent plutôt à d’autres entités que l’Etat.

  • Appui contre le Covid-19 : le dossier du Cameroun en étude au FMI ce lundi 4 mai

    Finalement, l’examen du dossier du Cameroun devant le Conseil d’admi­nistration du Fonds moné­taire international sera en­gagé ce lundi 4 mai 2020. C’est ce qu’a appris Eco­Matin de source proche du dossier. D’abord envisagé le 22 avril, puis annoncé le 28 avril, cette session de travail avait été repoussée sine die, alors qu’elle avait été inscrite dans l’agenda du FMI une dizaine de jours plus tôt. Sa tenue permettra à l’ins­tance financière de se pro­noncer sur l’octroi ou non d’un prêt d’une valeur de 110 milliards de FCFA au Cameroun, au titre de la facilité de crédit rapide (FCR). Destiné aux pays à faible revenu qui se heurtent à un problème immédiat de balance de paiements, cet instrument financier est utilisé par le FMI pour apporter un appui aux pays africains en proie à la crise du Co­vid-19.

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    La mise du dossier du Cameroun sur la table du Conseil d’administra­tion du FMI laisse com­prendre que les lenteurs internes sont levées et que le pays a enfin pu fina­liser en urgence l’étude d’évaluation de l’impact de la maladie du coro­navirus sur l’économie, commandée par le pré­sident de la République. Outre ces lenteurs, qui avaient causé le retard de la présentation de la lettre d’intention du gouverne­ment, des sources au sein du FMI et de l’adminis­tration publique came­rounaise indiquaient qu’il s’agissait d’un désaccord sur les fonds ; le Came­roun souhaitant un peu plus que les 110 milliards de FCFA que le FMI pro­pose.

    Quoi qu’il en soit, l’exa­men du « Cas Cameroun » tombe à pic, au regard de la situation écono­mique et financière que le pays traverse à cause du Covid-19. Les fonds pro­posés par le Fonds moné­taire international au Ca­meroun devraient aider le gouvernement à mieux ju­guler les effets de la crise du coronavirus. L’impact est tel que le gouverne­ment a été contraint de prendre certaines mesures particulières pour éviter l’étouffement de son éco­nomie.

    Le Premier ministre a en effet annoncé, jeudi der­nier, un certain nombre de nouvelles mesures pour soutenir le secteur privé et les ménages. Ce n’était pas trop tôt, selon certains observateurs, qui pensent que le pays a attendu longtemps avant de réagir. « Ailleurs, dès le déclenchement de la crise, les simulations d’impacts ont commencé et très vite, des mesures ont été annoncées et le soutien de la communauté internationale s’est mani­festé », soulignait déjà une source à EcoMatin. En référence, certains pays de l’Afrique centrale à l’instar du Gabon et du Tchad ont respectivement reçu des appuis du FMI 88,2 milliards de FCFA et 69 milliards de FCFA pour financer leurs plans de riposte.

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  • Coronavirus : quel fonds de soutien pour les PME ?

    Les organisations patro­nales sont formelles : il res­sort des enquêtes menées auprès de leurs membres pour le compte du mois de mars que les petites et PME sont les plus néga­tivement impactées par la pan,n démie de Covid-19 qui sévit dans le pays officiel­lement depuis le mois de mars 2020. « La proportion des PME ayant déclaré être impactées très négative­ment est plus élevée (61%) que celle des grandes entre­prises (27%) », peut-on lire dans le rapport d’enquête du Groupement inter-pa­tronal du Cameroun, rendu public le 24 avril dernier. « Les pertes d’après les chefs d’entreprise consul­tés sont de l’ordre de 60% et peuvent atteindre par­fois 80% », précise Protais Ayangma. L’assureur dirige depuis 2009 Entreprises du Cameroun (Ecam), un groupement de PME qui revendique quelque 600 membres.

    Les PME structurent pour­tant le marché des entre­prises au Cameroun. Selon le dernier recensement général des entreprises (RGE 2016), 99,8% des plus de 230 mille entre­prises que compte le pays sont des PME (dont 79,1% de très petites entreprises). Malgré leur faible contri­bution au chiffre d’affaires total des entreprises (34%), elles génèrent 67% des emplois au Cameroun. De ce fait, à en croire Viviane Ondoua Biwolé (Lire son plus bas), auteure de « PME camerou­naises et développement durable : défis, fondements, stratégies », les petites et moyennes entreprises de­vraient figurer parmi les priorités de la réponse de l’État aux conséquences économiques de la pandé­mie de Covid-19.

    Quel type de fonds de soutien ?

    Considérant le difficile accès des PME au marché financier et au crédit ban­caire, le patronat demande à l’État de mettre en place un fonds de soutien aux petites et moyennes entreprises. Mais les contenus donnés à cet instrument par les deux principales organisations patronales du Cameroun ne sont pas les mêmes. Le Gi­cam, qui parle précisément d’un « fonds de soutien aux PME et à l’artisanat », de­mande la mise en place d’un dispositif complet d’aide publique aux PME (soutien technique, appui financier direct et en garantie). Pour sa part, Ecam appelle à la constitution d’« un fonds de garantie souveraine per­mettant de couvrir les enga­gements compromis auprès des banques pendant la crise et d’en assurer le suivi et le recouvrement après la crise ».

    Un dispositif d’aide pu­blique aux PME existe déjà. Selon Viviane Ondoua Biwolé, l’agence des PME, les Centres de formalité et de création des entreprises (CFCE) et l’agence de pro­motion des PME apportent déjà l’appui technique et la banque des PME est « cen­sée apporter l’appui finan­cier direct ». Par contre, soutient l’ex numéro 2 de l’Institut supérieur de ma­nagement public (ISMP), « il n’existe pas de fonds de garantie ». Un fonds de garantie souveraine vien­drait donc combler un vide alors que fonds de soutien aux PME et à l’artisanat, tout court, empièterait sur l’ac­tion des structures déjà existantes. « Il est contreproductif de se passer de l’ex­périence et du capital de ces structures en pleine crise. Si on es­time qu’elles ne sont pas assez efficaces, il est préférable d’amé­liorer leur action », commente un haut cadre au ministère des PME, de l’Éco­nomie sociale et de l’Artisanat.

    Quelle entreprise doit en bénéficier ?

    « Toutes les PME ne peuvent pas être éligibles à ce mécanisme et tous les engagements ne peuvent pas être concernés », répond sèchement Viviane Ondoua Biwolé. Pour la professeure associée à Yale Univer­sity (États-Unis), il faudra privilégier les secteurs en difficulté du fait de la crise du Covid-19. De ce point de vue, selon le diagnostic du patronat, il s’agirait des secteurs comme le transport urbain et interurbain, l’hô­tellerie, les activités liées au divertissement notamment toute l’économie nocturne, la restauration, les bars, l’événementiel, l’esthé­tique (coiffure, massage, onglerie…), considérés comme les plus impactés par la pandémie.

    Mais pour Ecam, le fonds devra aussi supporter le « programme de relance globale de l’économie post crise sanitaire ». Pour cela, il faudra inscrire dans les critères économiques (ren­tabilité), sociaux (créations d’emplois), de souveraineté et d’indépendance (limiter notre dépendance vis-à-vis de l’extérieur), budgétaires (balance commerciale) dans la sélection. Sur cette base, « les secteurs pri­maires et surtout industriels devraient être priorisés », estime Protais Ayangma. « Nous pensons qu’on pour­rait structurer les PME en chaines de valeur et déve­lopper certaines filières. Ce qui pourrait d’ailleurs per­mettre d’inclure le secteur informel. Nous pensons par exemple à certaines filières comme la pisciculture et certaines céréales comme le riz et le maïs, l’économie numérique, les énergies re­nouvelables… », explique le président de Ecam.

    Quel modèle de gouver­nance ?

    « La gestion d’un tel fonds devra être coordonnée collégialement par les représentants des autori­tés publiques, des autori­tés monétaires, du secteur privé et des partenaires au développement », indique le regroupement des PME. « Ce n’est pas la multipli­cité des acteurs qui assainit le dispositif c’est la qualité de leurs actions. Il convient d’avoir dans le cadre de la gestion d’un capital, les ac­teurs qui assument le risque résiduel (qui assument la perte ou le gain) », soutient l’experte en management publique, Viviane Ondoua Biwolé.

    Pour l’enseignante, en l’état actuel de la gouvernance dans le pays, « au lieu de disposer d’un fonds de ga­rantie, l’État peut servir de garantie auprès des banques commerciales à la même hauteur ». C’est d’ailleurs cette option qui a été rete­nue en France. Mais plu­sieurs PME n’étant pas ca­pables de monter un dossier bancable, cette perspective est redoutée par beaucoup de dirigeants de PME.

    Comment financer ?

    Ecam estime que le fonds de garantie souveraine de­vrait être doté d’un budget de 1000 milliards de FCFA. Selon l’organisation patro­nale, ce chiffre représente les deux tiers des finance­ments à injecter annuelle­ment dans 11 filières jugés stratégiques dans le plan di­recteur d’industrialisation. Pour Ecam, il devrait être alimenté par « une monnaie binaire électronique », a indiqué l’un de ses admi­nistrateurs sur le plateau de la CRTV. C’est-à-dire par la création d’une monnaie qui ne pourra acheter que des biens locaux.

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    « La monnaie binaire est séduisante sur le plan théo­rique, mais en pratique cela ressemble aux Bitcoins et autres monnaies électro­niques », indique un ancien cadre de la Banque des États de l’Afrique centrale (Beac). « Nous avons des exemples dans le monde ou des pays fonctionnent avec 2 monnaies et je peux vous assurer que ce n’est pas évident », ajoute-t-il. Des banquiers estiment par ailleurs qu’il ne s’agit pas d’un mécanisme de finan­cement correspondant aux besoins d’un fonds de ga­rantie souveraine.

    Pour ces experts, il ne s’agit pas d’avoir du cash, mais de fixer juste un seuil d’ex­position de l’État pour évi­ter d’exploser son niveau d’endettement. Les crédits garantis compromis pour­raient alors être transformés par un processus de titrisa­tion en obligations souve­raines, c’est-à-dire en titre de reconnaissance de dette émis par l’État. Ces obliga­tions feraient partie des ac­tifs de banque et pourraient être utilisées sur le marché monétaire (et même rache­tés par la Banque centrale, puisque les titres publics sont éligibles à son por­tefeuille), en attend que l’État, emprunteur en der­nier ressort, rembourse.

    « L’État devrait commencer par payer tous les aérés de factures des PME »

    VIVIANE ONDOUA BIWOLÉ

    Auteure de « PME camerounaises et développement durable : défis, fondements, stra­tégies », l’ancienne directrice générale adjointe de l’Ins­titut supérieur de management public (ISMP) a évalué les aides publiques à l’entre­preneuriat au Ca­meroun entre 1970 et 2000. À partir de cette expérience, la professeure associée à Yale University, aux États-Unis, irrigue la réflexion sur les appuis que le gou­vernement pour­rait apporter aux PME fragilisées par la pandémie de Covid-19

    En temps ordinaire, les PME ont déjà une du­rée de vie très limitée. À quoi peut-on s’attendre avec le ralentissement de l’activité écono­mique dicté par la pan­démie de Covid-19 ?

    Il est évident que l’un des impacts économiques du Covid-19 est la fail­lite ou au moins les dif­ficultés financières des entreprises. Cette réalité valable pour les grandes entreprises, l’est encore plus pour les PME déjà fragilisées par la nature de leurs activités dont la proximité est l’une des caractéristiques. Elles sont le plus sou­vent sous-traitantes des grandes entreprises ou productrices des biens et services dans un terri­toire précis. La proximi­té qui est leur première caractéristique est celle qui est combattue pour éviter la propagation du virus : fermeture des frontières, annulation de plusieurs évènements sportifs et culturels, fonctionnent à temps partiel de certains com­merces, respect d’une distanciation sociale dans l’offre de service, autant de décisions qui impactent directement sur le chiffre d’affaires des PME.

    Que peuvent faire les chefs d’entreprises pour limiter la casse ?

    À l’évidence, il y a des pans d’activités qui pourraient disparaître, il y a des PME qui pour­raient réorienter leurs activités, il y en a éga­lement qui vont conti­nuer leurs activités ha­bituelles. Quoi qu’il en soit, la PME étant très marquée par la person­nalité de son dirigeant aura un destin à la hau­teur de ses capacités et de son ambition.

    Dans la littérature, l’on distingue l’entrepreneur PIC préoccupé par la pé­rennité de son entre­prise tout en conser­vant l’indépendance de son capital. Sur les trois priorités rete­nues par Marchesnay, il présentera la prio­rité suivante : péren­nité, indépendance et croissance. Par réflexe, pour éviter la casse, ce type d’en­trepreneur va fidéli­ser ses clients et ses fournisseurs. Il aura une démarche qui tend à protéger les acteurs de sa péren­nité. Ce type d’entre­preneur est différent du CAP qui donne la priorité à la crois­sance, à l’autonomie et enfin à la pérenni­té. Ses premières ac­tions seront de savoir quels sont les « bons coups » qu’il peut réaliser. Plus enclin à ouvrir son capital et plus flexible, ce type d’entrepreneur aura tendance à s’ouvrir aux nouvelles oppor­tunités d’affaires et mobiliser les fonds de toutes parts pour maintenir l’activité.

    Reconnaissons qu’il s’agit de deux profils différents qui vont se déployer avec des motivations différentes. Alors que le premier (PIC) pourrait accepter des appuis qui visent à rassurer ses princi­paux partenaires avec l’obsession de garder l’autonomie de son acti­vité, le deuxième (CAP) visera les offres finan­cières et les opportunités d’affaires. Quoi qu’il en soi, en période de crise comme c’est le cas, les entrepreneurs ont besoin d’appui et le plus sou­vent c’est la demande en appui financier qui fait grand écho.

    Gel des engagements, exonérations fiscales, création d’un fonds de garantie souve­raine… les appels en direction de l’État se multiplient. Quel est l’appui le plus effi­cace que celui-ci peut apporter aux PME ?

    Une question à se poser est de savoir pourquoi le recours à l’État ? Bien qu’évi­dente, la réponse à cette question n’est pas si simple. Il n’existe pas d’enca­drement juridique à ma connaissance qui indique l’appui que l’État est en droit d’apporter aux PME en situation de crise. Toutefois, il faut re­connaître qu’il s’agit d’une catégorie par­ticulière d’acteurs économiques dont la fragilité ne facilite pas les transactions avec le marché (marché financier ou banque commerciale) mû par le gain financier. Les préoccupations des PME posent la ques­tion du financement de l’entrepreneuriat en contexte de développe­ment et pour le cas ac­tuel, en contexte de crise sanitaire.

    Dans ce contexte, ce sont les outils de la finance entrepreneuriale qui sont mobilisés, les acteurs économiques concernés ne remplissant pas tou­jours les conditions qui leur permettent de solli­citer l’appui du marché. L’objectif de la finance entrepreneuriale est de tenir compte des spéci­ficités de l’entrepreneur et de la PME dans les problématiques finan­cières. Elle s’oppose aux hypothèses de la finance classique dont le but est d’optimiser le portefeuille d’actifs de l’entreprise à travers le principe d’allocation optimale des ressources dans un marché parfait et dans un contexte de gestion avec une sépara­tion entre propriétaires et dirigeants. Bien plus, les entrepreneurs solli­citant l’appui de l’État ont des profils divers. Il ne s’agit pas toujours de l’entrepreneur schumpé­térien innovateur. C’est cette spécificité qui jus­tifie que l’État soit inter­pellé considérant que la promotion des PME est une politique publique prônée par l’État.

    Tous les appuis solli­cités par les PME sont nécessaires, mais n’ont pas la même effica­cité. L’évaluation de la politique d’aide aux PME de 1970 à 2000 a démontré que les aides les plus efficaces sont celles qui apportent un appui aux charges de la PME et notamment les exonérations fiscales. En ce qui concerne les enga­gements, il faut bien savoir de quels engagements il s’agit. Si l’État peut en faire des gels ou exonérations ce serait intéres­sant. Mais s’il s’agit des enga­gements vis-à-vis des tiers (personnels, fournisseurs, banques…), le mécanisme serait plus complexe. L’État peut aussi se porter garant auprès des banques commer­ciales pour accompagner l’ac­tivité des PME.

    Justement, Ecam demande la création d’un fonds de garantie souveraine « per­mettant de couvrir les enga­gements compromis auprès des banques pendant la crise et d’en assurer le suivi et le recouvrement après la crise ». Pensez-vous qu’un tel dispo­sitif est pertinent ?

    C’est une idée intéressante, mais toutes les PME ne peuvent pas être éligibles à ce mécanisme et tous les enga­gements ne peuvent pas être concernés. S’il faut rester strict et adresser les difficultés du fait de la crise du Covid-19, une analyse des engagements des PME sera faite. Il sera difficile de vouloir résoudre les problèmes structurels des PME à travers cette crise. Par contre, la crise donne l’oppor­tunité d’amorcer une véritable réforme dans ce domaine.

    Sans vouloir comparer les contextes qui sont sans doute différents, il est difficile de résister à l’envie de ne pas apprécier le dispositif d’aide publique aux PME qui avait cours dans les années 70 à 90. Il s’agissait d’un bouquet complet qui allait de l’appui à la création, au démarrage, au développement. Les appuis fi­nanciers directs ou en garantie n’étaient qu’une partie du dis­positif. Aujourd’hui, l’agence des PME et les Centres de for­malité et de création des en­treprises (CFCE) remplacent l’appui technique (montage du dossier, aide à l’élabora­tion des plans d’affaires, à la compréhension de la fiscali­té). Cette action est complétée par les activités de l’agence de promotion des PME. La banque des PME était censée apporter l’appui financier di­rect, il n’existe pas de fonds de garantie et très peu d’exonéra­tions fiscales. Pour améliorer la capacité de financement des PME, à l’époque l’État avait obtenu des banques qu’elles offrent aux PME des crédits aux taux préférentiels. La po­litique d’incitation à l’inves­tissement est moins agressive et son impact mitigé.

    Quelles devraient être les conditions pour bénéficier d’un tel instrument ?

    Un tel instrument relève d’une volonté de l’État d’apporter un appui exceptionnel aux PME. Il s’agit donc plus d’une décision politique que tech­nique. En effet, l’investisse­ment dans ce secteur vise des objectifs qui ne sont pas ceux de la rentabilité financière. Il s’agit d’une politique visant à sauver les emplois d’un sec­teur, à faire du sauvetage peut être à fonds perdus. Mais c’est tout à fait envisageable. Si on peut construire des stades de football à coup de milliards de FCFA, il est fort pertinent que l’État consacre des efforts d’une égale importance voire plus pour un secteur aussi vital à son économie. C’est donc une question de priorité et d’engagement politique. La crise sanitaire nous impose sans doute de revoir nos vraies priorités.

    Aux regards des expériences antérieures, quels types de défis managériaux posent ce type d’instrument ?

    L’évaluation du dispositif des aides publiques à l’entre­preneuriat de 1970 à 2000 a révélé que deux défis mana­gériaux sont à prendre en compte : l’opportunisme des acteurs (entre­preneurs et agents publics) et le dis­positif de contrôle. Qu’il s’agisse des garanties ou des prêts directs, l’on a observé des com­portements déviants qui ont contribué à plomber le dispositif. L’environnement actuel est ressemblant à celui de cette période à bien des égards.

    Ecam propose que la ges­tion de ce fonds soit « coor­donnée collégialement par les représentants des autori­tés publiques, des autorités monétaires, du secteur privé et des partenaires au déve­loppement ». Cela est-il suffi­sant pour garantir l’efficacité d’un tel instrument ?

    Pourquoi s’encombrer d’au­tant d’acteurs ? Ce n’est pas la multiplicité des acteurs qui assainit le dispositif c’est la qualité de leurs actions. Il convient d’avoir dans le cadre de la gestion d’un capital, les acteurs qui assument le risque résiduel (qui assument la perte ou le gain). À mon sens, et en l’état actuel, au lieu de dis­poser d’un fonds de garantie, l’État peut servir de garan­ties auprès des banques com­merciales à la même hauteur. L’opportunisme des décideurs et des entrepreneurs, d’une part, et la qualité du contrôle, d’autre part, ne garantissent pas le succès de cette initia­tive.

    Que faut-il faire d’autre ?

    Si nous sommes d’accord que nous ne pouvons pas nous pas­ser du facteur de production et que les PME constituent l’es­sentiel du tissu économique, alors il faut en faire une priori­té. Je pense que l’État devrait commencer par payer tous les aérés de factures des entre­prises et particulièrement des PME et prendre l’engagement de les payer dans les délais réduits (45 jours). C’est une décision qui peut être prise à court terme. L’on observe que la commande publique mobi­lise plusieurs PME, ce serait plus important pour les PME qui sont déjà en activité et qui réussissent à avoir un marché. Cette attention est une prio­rité qui devrait figurer parmi les décisions de la riposte au Covid-19.

    De même, il conviendrait de mener une véritable lutte contre la corruption et la concussion qui plombent le dispositif de la commande pu­blique. Pourquoi mobiliser un fonds de garantie supplémen­taire alors qu’il est possible de mobiliser plus d’argent en limitant la corruption dans le secteur de la commande publique ? C’est le moment d’engager des réformes struc­turelles au lieu d’envisager de mettre en place des méca­nismes simplistes qui contri­buent à plomber le budget (de plus en plus réduit).

    À moyen terme, l’État pour­rait revoir l’ordre de ses prio­rités, après la santé et la sécu­rité on verrait bien les PME avant l’éducation. Il serait souhaitable que le disposi­tif actuel d’accompagnement des PME soit plus connecté et mieux structuré. En effet, il y a un lien entre l’entrepreneu­riat et les niveaux de dévelop­pement. L’entrepreneuriat de premier stade qui caractérise une majorité d’entrepreneurs par « nécessité » serait le cas des pays en développement (comme le Cameroun) ; le stade intermédiaire représente les pays émergents tandis que la phase ultime représente les pays industrialisés caractéri­sés par l’entrepreneuriat d’op­portunité.

    Il est alors suggéré aux pays en développement de concen­trer leurs efforts à instaurer des environnements institu­tionnels et macroéconomiques stables et engager des poli­tiques publiques qui facilitent l’absorption des transferts de technologie et des savoir-faire. Les pays émergents devraient agir sur les poli­tiques d’innovation et les pays industrialisés gagneraient à stimuler l’éducation entre­preneuriale, l’investissement et le commerce international. Si on peut nuancer cette hié­rarchisation des priorités, il apparait néanmoins nécessaire de cibler, à chaque étape, les actions qui assureraient plus d’efficacité.

    >LIRE AUSSI- Les Pme camerounaises livrés à la merci du Covid-19

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