Quoiqu’il en soit, les perspectives économiques mondiales
pour le compte de l’année 2020 seront en déroute du fait de la pandémie du
Covid-19. Selon le FMI, la croissance mondiale estimée à 2,9 % en 2019, devrait
plonger à -3,0 % en 2020 au lieu de 3,2 % initialement envisagé. Un recul
criard duquel ne seront pas exemptes les économies de la Communauté économique
et monétaire de l’Afrique centrale(Cemac). La Banque des Etats de l’Afrique
Centrale(Beac) le confirme d’ailleurs dans son rapport sur la politique
monétaire rendu publique le 27 avril. Selon l’institution d’émission, « la
chute des cours des matières, notamment du pétrole brut, entraînerait une forte
détérioration des termes de l’échange, une récession généralisée des activités
économiques, un creusement des déficits extérieur et courant, et une
dégradation de la situation monétaire ».
La Banque centrale
évalue l’impact de la pandémie sur l’hypothèse d’un scénario pessimiste marqué
par la baisse du cours moyen du baril de pétrole à 20 USD. Scénario pessimiste
qui résulte d’une propagation rapide et de grande ampleur du nouveau
coronavirus. Dans cette situation, la Beac redoute un recul de la production
pétrolière de -6,9 millions de tonnes et de -945,4 millions de tonnes métriques
pour le gaz. Une tendance baissière qui devrait se répercuter sur les recettes
pétrolières, lesquelles enregistreront un déficit d’environ 2 653,7 milliards
de FCFA, soit environ 4,43milliards USD. Conséquence directe de ce manque à
gagner, la baisse de la croissance et la détérioration des finances publiques.
« Le solde budgétaire global, dons compris, se creuserait de 6,6 % du PIB,
contre un excédent de 0,9 % du PIB dans le scénario de base initial. Cette détérioration
des finances publiques résulterait à la fois de la baisse des recettes
budgétaires (-4,7 points de PIB) et d’une augmentation relative plus importante
des dépenses publiques en pourcentage du PIB », peut-on lire dans le rapport.
Le secteur non pétrolier n’est pas en reste ; la Beac prédit pour les pays de la sous-région une diminution significative des recettes hors pétrole et une augmentation des dépenses publiques. « Compte tenu de la forte augmentation projetée des dépenses de santé et de soutien aux secteurs les plus touchés par la pandémie, les dépenses budgétaires augmenteraient de 2,9 points de PIB », indique l’institution.
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L’équilibre
extérieur de la monnaie menacée
S’agissant des réserves monétaires de la Cemac, celles-ci
connaîtront logiquement un recul considérable dans le scénario susmentionné.
Les injections massives de liquidités de la banque centrale pour compenser le
manque à gagner des exportations amoindries des pays membres y contribueront
pour beaucoup. Résultat des courses, l’on assisterait à la dégradation de la
stabilité externe de la monnaie. « Le niveau des réserves de change de la Zone
est ressorti à 3,2% d’importations des biens et services à fin décembre 2019,
soit un niveau à peine supérieur au seuil minimal de 3 mois d’importations des
biens et services, sachant qu’il est exigé un niveau de 5 mois pour les pays
exportateurs de matières premières comme ceux de la CEMAC… Les services de la
Beac prédisent un fort recul des réserves autour de 2 mois d’importations des
biens et services, voir en deçà ». Une situation qui est loin des prédictions
du FMI qui indiquait qu’au mois de janvier 2020, celles-ci devraient atteindre
l’équivalent de 5 mois de biens et services d’ici 2022.
Pour maintenir la stabilité externe de la monnaie, la
Beac mise sur une application stricte de la règlementation de change. « Il est
impératif pour la Beac de continuer à appliquer la réglementation de change de
manière stricte afin d’éviter des sorties spéculatives et injustifiées des
capitaux » précise l’institution d’émission monétaire qui met également en
garde les pays sur les risques encourus : « si les pays de la Cemac ne luttent
pas efficacement contre la pandémie du Covid-19 pour en limiter les
conséquences économiques et financières, la situation macroéconomique
deviendrait insoutenable ».
L’inévitable
dévaluation ?
Au sujet de la situation monétaire, la Beac redoute
certes une détérioration, mais sans le dire expressément, elle émet l’hypothèse
d’une modification à la baisse de la parité antérieure avec la monnaie
d’ancrage qui est l’euro. Si l’on ne devrait pas en arriver là, la sous-région
risque néanmoins se retrouver dans le scénario dépressif de 2016 où les pays
avaient choisi plutôt que la dévaluation, une reconstitution des réserves de
change dans le cadre des programmes économiques avec le FMI et d’autres
bailleurs de fonds. « Le taux de couverture extérieure de la monnaie
reviendrait de 71,6 % projeté dans le scénario de base initial à 52,7 % dans le
scénario pessimiste. Une telle évolution se traduirait par une réelle menace
pour la stabilité extérieure de la monnaie, soulignant ainsi le fait qu’en
l’absence d’ajustement budgétaire et de mobilisation conséquents des
financements extérieurs, la BEAC serait de nouveau soumise aux mêmes risques
sur la parité de sa monnaie qu’en fin 2016 ».
Pour éviter cette situation, le Comité politique
monétaire de la Beac formule quelques recommandations à l’endroit des Etats de
la Cemac. Il s’agit, entres autres, « d’identifier les mesures de soutien en
faveur des entreprises qui seront affectées par la crise et aligner la gestion
des finances publiques sur des prévisions actualisées et réalistes de recettes
budgétaires ». En direction des établissements de crédit, elle préconise «
d’approvisionner suffisamment leurs clients en signes monétaires, notamment en
s’assurant de la disponibilité et du bon fonctionnement de leur réseau, y
compris les DAB/ GAB, garantir la fourniture de l’ensemble des services et
renforcer les opérations des banques à distance et revoir à la baisse les
conditions des banques Beac prescrit en direction des Etats ».