A la UneBanques et Finances
A la Une

Abbas Mahamat Tolli : « Avec la règlementation des changes, la Beac ne veut pas causer des dommages aux entreprises du secteur extractif »

Le gouverneur de la Beac explique les points de compromis qui ont conduit à l’extension de la nouvelle règlementation des changes aux opérateurs pétroliers et miniers.

Vous sortez d’une concertation avec les opérateurs pétroliers et miniers en activité dans la Cemac. Que faut-il retenir des points de compromis qui ont été trouvés entre les parties prenantes ?

Il faut rappeler que ce dispositif est entré en vigueur en 2019. Je puis dire aujourd’hui que tous les secteurs d’activité à l’exclusion du secteur extractif, qui est composé des entreprises essentiellement minières et pétrolières, est conforme à la règlementation des changes. Les points de compromis aujourd’hui obtenus avec les entreprises de ces secteurs permettront, à l’issue de moratoire qui a été accordé jusqu’au 31 décembre 2021, d’assurer la conformité à ce dispositif mais de façon progressive. Je rappelle quand même concernant ce secteur que les rapatriements des recettes d’exportations sur les prochaines années vont se faire au taux de 35% et nous avons trois ans pour que les provisions constituées pour la restauration des sites pétroliers et miniers soient également traduites en dépôt auprès des banques de la Cemac suivant des conventions qui vont être signées. Nous avons également un délai de 3 ans déjà pour recenser toute la documentation, et signer les nouvelles conventions et ouvrir ces comptes pour avoir ces ressources dans les livres de la banque centrale en devise.

Nous sommes à presque un mois de l’application de ce dispositif à cette catégorie d’assujettis, mais seulement 38% d’entre elles ont entamé des démarches en vue d’obtenir de la banque centrale des autorisations permettant le maintien ou l’ouverture de comptes en devises. Quelles assurances avez-vous que cela sera effectif à date ?

Ce chiffre est celui de la situation antérieure aux réunions de Paris qui se sont tenues du 25 au 31 octobre dernier et à l’issue desquelles nous avons apporté des clarifications sur des points spécifiques. Aujourd’hui il y’a eu des compromis et nous savons que les demandes de régularisation de ces comptes nous parviendront bientôt. Les opérateurs pétroliers et miniers ont jusqu’à la fin de cette année pour le faire et je pense qu’aujourd’hui il n’y a pas d’entraves à cela. La conformité se fera progressivement suivant les points qui vont être traités nous en avons recensé 6 et donc la mise en application se fera de manière progressive.

Nous ne parlons pas des exemptions, mais des souplesses et des flexibilités qu’on leur accorde compte tenu du volume des opérations qui sont spécifiques à ce secteur

Pourquoi est-ce si important d’étendre cette règlementation au secteur extractif en général et pétrolier en particulier ?

Le secteur pétrolier représente une proportion importante du poids économique des pays de la Cemac. Dans beaucoup de nos pays, il représente plus de la moitié des ressources budgétaires. Il faut bien protéger cela et protéger aussi le pouvoir d’achat des citoyens. L’union Monétaire de l’Afrique centrale(Umac) en adoptant ce règlement s’est essentiellement fondé sur les clauses de rétrocession de devises issues de l’exportation des biens. Si vous émettez 100F dans l’économie, 60F vont sortir pour importer des biens car faut-il le rappeler, nous importons quasiment tout et ces importations doivent être couvertes par les devises rétrocédées. En 2018 avec l’ancien dispositif, les rétrocessions à la banque centrale représentaient à peine 3000 milliards de FCFA. Aujourd’hui, sans le secteur extractif, nous avons plus de 8000 milliards qui sont rétrocédés par les autres agents économiques. Notez que si nous avons le secteur extractif qui est également conforme à ce dispositif, nous n’aurons plus de difficultés liées à la disponibilité des réserves de changes et notre pouvoir d’achat sera encore plus solide. C’est bien l’objet qui est sous tendu par cette règlementation des changes. Les discussions nous les avons eues, les points de compromis ont été trouvés, les facilités, les flexibilités consécutives ces échanges seront traduites dans des directives qui seront bientôt publiées. Je voudrais préciser que nous ne sommes pas dans une zone où on effectue les contrôles de change et donc la transférabilité des biens est totalement libre pourvu que ça soit justifié. Nous voulons une transparence dans les flux financiers entrants et sortants ; c’est aussi un des objectifs majeurs soutenus par cette réforme.

A vous entendre, les dérogations que la banque centrale a accordées à ce secteur a causé un manque à gagner colossal sur les réserves de changes. Est-ce que vous avez une évaluation chiffrée de ce manque à gagner ?

La règlementation des changes n’a jamais été appliquée et de façon spécifique au secteur extractif. Ça fait des décennies que le pétrole est exploité globalement dans la zone Cemac. Je ne serai pas en mesure de vous donner le chiffre exact de ce que le manque à gagner pourrait constituer sur une période de 50 ans par toutes les entreprises qui exploitent. C’est déjà une chose aujourd’hui que d’assurer la conformité à ce dispositif important et je crois que c’est de cela qu’il faut se réjouir aujourd’hui. Avec l’extension des effets de la règlementation des changes, au secteur extractif, nous aurons l’ensemble des acteurs économiques qui vont être conformes.

Si nous avons le secteur extractif qui est également conforme à ce dispositif, nous n’aurons plus de difficultés liées à la disponibilité des réserves de changes et notre pouvoir d’achat sera encore plus solide

A combien évaluez-vous le volume de rétrocessions sur une année par exemple ?

Je ne vais pas conjecturer encore sur ce que cela va représenter lorsque tout le monde se conformera à la réglementation des changes. Les discussions sont encore en cours, il y’a des sites qui sont encore en exploration. Ce qui est quand même possible de dire avec peu de risque de se tromper c’est que ça va substantiellement augmenter le volume des devises de la banque centrale pour la communauté et consolider notre position extérieure.

Au rang des allègements que vous avez consenti en faveur du secteur extractif, il y’a celle liée à l’apurement des dossiers d’importations de biens et services. Y a-t-il un mécanisme de contrôle qui a été mis sur pied pour que cet apurement soit effectif ? 

Nous ne parlons pas des exemptions, mais des souplesses et des flexibilités qu’on leur accorde compte tenu du volume des opérations qui sont spécifiques à ce secteur. Nous mettons en place un circuit parallèle pour permettre que le traitement de ces dossiers d’export-import soient accélérés et cela se justifie compte tenu de la nature des contrats qu’ils ont avec leurs clients, compte tenu des risques de pénalités consécutives au respect de ces conventions. Avec cette règlementation, nous devons donner les garanties suffisantes afin qu’il n’y ait pas de retard qui puisse apparaître dommageable pour ces entreprises ; d’où les flexibilités au plan strictement administratif.

Lire aussi : Réglementation des changes : pas de nouveau moratoire pour pétroliers et miniers

Le processus de traitement de ces dossiers est totalement automatisé car se faisant en ligne. Nous avons plusieurs services, en commençant par les directions nationales, qui s’occupent de l’aspect règlementaire, de la conformité. Ils vérifient si les pièces qui sous-tendent ces opérations de transferts sont suffisantes ; pareils pour les apurements s’ils sont effectifs ; si les liquidations à la douane sont faites… Donc les contrôles se font à plusieurs niveaux ; ceux qui les font ne sont pas les mêmes que ceux qui exécutent les opérations de transferts au niveau de la banque centrale. Tout cela se fait aujourd’hui 24 et 48h. Pour rendre cela possible, nous avons dû renforcer nos équipes, recruter beaucoup de personnel et mettre en place des outils pour permettre que ce travail se fasse avec sérénité.

Le secteur pétrolier représente une proportion importante du poids économique des pays de la Cemac

Vous parlez des industries extractives mais il y’a une autre catégorie d’acteurs qui sont les gouvernements et les entreprises publiques évoluant dans le secteur extractif national. Ont-ils joué le jeu ?

Je puis vous informer que les Entreprises publiques et privées sont assujetties à la règlementation des changes. Les Etats, tout ce qu’ils reçoivent en dividendes ou en impôts de la part de ces sociétés même si c’est payé en devise, rétrocèdent à la Banque centrale. S’agissant des conventions pétrolières et minières, nous en avons reçu 139 conventions que nous avons exploitées et c’est à la suite de ce travail que nous sommes arrivés à comprendre les spécificités qui sont liées à ces secteurs et que nous leur avons accordé des souplesses.

Afficher plus

Articles similaires

Bouton retour en haut de la page