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Affaire Crtv : Amadou Vamoulke s’explique sur le paiement des 71,4 millions de Fcfa

Interrogé au TCS à l’audience du 22 octobre dernier, l’ancien directeur général de cette entreprise audiovisuelle justifie les dépenses effectuées par la nécessité de satisfaire aux exigences liées à l’élaboration du budget programme.

L’élaboration du budget programme nécessite une  expertise. « La nouveauté du budget programme était d’admettre le chevauchement et d’intégrer la possibilité d’une action entreprise en une année donnée qui puisse se poursuivre sur deux, trois ans, voire davantage». Ainsi, le directeur général de la Cameroon Radio Television (CRTV), d’alors, sollicite « à prix d’argent», un savoir-faire. Ce savoir-faire est extérieur à l’entreprise dont il a la charge. Outre les cabinets privés, les experts en provenance du ministère de l’Economie, de la Planification et de l’Aménagement du Territoire (Minepat) sont sollicités. «La maitrise de cette technique a été laborieuse et a requis plusieurs essais avant d’aboutir à la mouture finale du budget programme», contextualise Amadou Vamoulke.

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L’Ex-directeur général de la CRTV s’explique ainsi à l’audience du 22 octobre dernier au Tribunal criminel spécial (TCS). Son contre-interrogatoire est mené par l’Avocat de la partie civile. Me Hagbe interroge l’accusé sur le paiement des primes effectué dans le cadre de la confection du budget programme. A la question de savoir s’il est normal de rétribuer un employé pour un travail dont il bénéficie d’un salaire mensuel, l’Ex-Dg répond sans ambages : « Oui c’est normale pour les heures supplémentaires, même pour un travail qui rentre dans le cadre de ses attributions. Oui parce que depuis des décennies, la confection du budget de l’Etat a toujours donné lieu à des paiements d’émoluments en accord avec l’ampleur des tâches et la nécessité de tenir compte
des délais».

Rétribution

Amadou Vamoulke a lui aussi été bénéficiaire des primes querellées. Le montant total de primes payées est de 71,485 millions de  Fcfa. Appelé à se justifier, l’Ex-Dg de la CRTV évoque la nécessité de procéder à des arbitrages. Lesquels arbitrages impliquent la disponibilité du directeur général. En outre, « les états obéissent à une rationalité hiérarchique, une rationalité décisionnelle, une rationalité organisationnelle. C’est à ce titre que j’ai perçu de l’argent » L’Avocat de la partie plaignante sollicite de l’accusé la nature des paiements. « Les paiements des primes sont-ils liés aux heures supplémentaires ou il s’agissait plutôt des émoluments ? » Cette question de Me Hagbe n’aura pas de réponse concrète :« J’avoue mon incapacité à pouvoir rentrer dans ces considérations», rétorque Amadou Vamoulke.

Par ailleurs, l’accusé ne manque pas de saisir l’occasion pour faire des rappels. « Dans toutes les procédures où j’ai été impliqué, j’ai demandé au juge d’instruction s’il y a un collaborateur à qui j’ai un jour demandé 1 Fcfa pas 2. La réponse était zéro».

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Au cours de cette audition, Amadou Vamoulke revient sur les pratiques en vigueur, avant l’implémentation du budget programme : « Avant que le gouvernement opte pour la confection des budgets programme, qui couvre désormais une période triennale, le budget de la CRTV était  confectionné d’une manière routinière selon le découpage convenu en chapitres, recettes, dépenses, budget de fonctionnement, budget d’investissement pour une période annuelle». Aux dires d’Amadou Vamoulke, le paiement des primes a pour fondement légal un texte du premier ministre, ainsi que le budget de la CRTV. Les références de ce texte n’ont pas été présentées au Tribunal. L’accusé a invité la juridiction à fouiller dans le dossier de procédure.

Amadou Vamoulke dit avoir agi sous l’impulsion de ses collaborateurs. Dans sa déposition, il indique que le directeur des Affaires administratives et financières d’alors a préparé les états, « sans autorisation préalable de ma part ». Ces états précisent les sommes à verser. Ensuite, une note explicative et justificative des paiements sollicités a été rédigée à l’intention du directeur général. Il reconnait avoir ordonné ces paiements. Ce qui engage sa responsabilité.

Redevance audiovisuelle : Vamoulke sur les traces de Mendo Ze

La Cameron Radio Television jouit de financements
multiples. Ces ressources financières proviennent des activités diverses, à savoir : la vente des espaces publicitaires effectuée par filiale, la CMCA (CRTV Marketing and Comunication Agency). Les revenus de l’entreprise audio-visuelle proviennent de la location de ses pilonnes. De plus, la présence de la CRTV sur le bouquet africain lui vaut des rémunérations.

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La source de financement la plus importante de cette entreprise est la Redevance  audio-visuelle (Rav). Les ressources financières engrangées dans le cadre de la Rav sont logées au Trésor public. Cet argent est contenu dans un compte d’affectation dont la gestion exclusive est du ressort du comptable du Trésor, le Trésorier payeur général (Tpg). « S’il manque de l’argent, ça devrait être de la responsabilité du Tpg et lui seul».

A l’audience du 22 octobre dernier, Amadou Vamoulke parle fonctionnement de ce compte. L’Ex-Dg de la CRTV note qu’en cas de besoin, l’entreprise fait parvenir au Trésorier payeur général un ordre. Après réception, ce dernier lui met à disposition les sommes demandées. Lesdits ordres peuvent être les virements (salaires du personnel). « Le comptable du Trésor l’exécute comme le ferait un banquier. Dans ce cadre, le comptable du Trésor effectue même les virements à l’étranger».

La gestion du compte dédié aux ressources de la redevance audiovisuelle est régie par la loi. « La loi ne donne aucune autonomie au Tpg. C’est lorsque le Dg dit fais ceci de l’argent que le Tpg s’exécute. Le Tpg ne doit en aucun cas débiter le compte de la CRTV sans que le Dg le lui ait autorisé. » Dans son développement, Amadou Vamoulke précise avec insistance : « le compte Rav a pour particularité de ne jamais, au grand jamais être au rouge. Ce qui signifie que le Tpg ne peut que donner à la CRTV l’argent dont elle dispose».

Cependant, la gestion dudit compte n’échappe au formalisme en vigueur en matière de finances publiques. En l’occurrence, le principe de l’unicité des caisses : « Lorsque le Dg demande qu’une transaction soit faite, il arrive qu’en raison des sollicitations venues des 4 coins de la Républiques, il soit impossible de mettre à disposition les sommes demandées. A ce moment, le Tpg envoie à la CRTV ce qu’il peut. Ce qui morcelle le paiement. »Amadou Vamoulke reconnait au Trésor un ensemble de compétences : « le Trésor peut prendre l’initiative de modifier l’intitulé du compte ou les rubriques. » Toutefois, cette compétence est limitée : « Ce qui ne signifie pas toucher à l’argent», nuance-t-il.

Contrôle

La préoccupation relative au contrôle du compte de la Rav se pose. L’Ex-Dg de la CRTV évoque la difficulté jointe à cet exercice : « Ce n’est pas contrôlable. Pour danser le tango, il faut à être deux. Seul, c’est difficile. Vous trouverez de nombreuses correspondances sans réponses en provenance de la CRTV, demandant qu’il y ait des rapprochements. Il n’y a pas eu moyen de contrôler parce que les paiements sont morcelés ».

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La situation du compte Rav est présentée chaque mois à la CRTV. De l’avis de l’accusation, les opérations de débit enregistrées à la Trésorerie dans ce compte et les opérations de sortie de fonds n’existent pas dans les livres comptables de la CRTV. « Il faut demander au Tpg qui a débité le compte ? Quand est-ce qu’il a envoyé l’argent ? Il n’y a pas 8 milliards Fcfa qui sont arrivés à la CRTV », réplique Amadou Vamoulke. En sa qualité de directeur général de l’entreprise audiovisuelle, il dit avoir reçu au quotidien un journal. Ce journal lui rend compte de la situation de la trésorerie dans les banques et au Trésor. Ceci, avec une sommation et un solde de Trésorerie. Cependant, il dit n’avoir jamais été informé de l’opération de débit de la somme 10 milliards Fcfa dont il est incriminé.

Les ressources de la redevance audio-visuelle sont l’objet de querelles à la CRTV. Cette source de financement de la CAMEROON RADIO  TELEVISION est à l’origine  de l’incrimination duprédécesseur d’Amadou Vamoulke. Le professeur Gervais Mendo Ze est reconnu coupable de détournement de biens publics. Le montant du préjudice est de près de 33 milliards Fcfa. A l’audience du 19 mars 2019, il est condamné à 20 ans de prison. La poursuite de son successeur devant le Tcs pour les mêmes faits invite au questionnement.

René Ombala

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