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Affaire Danpullo-MTN : Danpullo obtient le transfert de 140 milliards des comptes de MTN vers un compte séquestre

C’est en représailles à la vente et la saisie de ses biens immobiliers en Afrique du Sud par la banque, First National Bank (FNB), dont la maison mère a un actionnaire commun avec les maisons mères de MTN Cameroon et de Chococam.

C’est un nouveau rebondissement dans le combat à fleuret démoucheté que se livre le milliaire Baba Ahmadou Danpullo, et la filiale camerounaise de l’opérateur de télécoms MTN. En effet, en septembre 2022, après avoir obtenu trois ordonnances du président du tribunal de première instance de Douala-Bonanjo, autorisant les saisis des comptes de MTN de son actionnaire local Broadband Telecom et de Chococam (filiale du groupe sud-africain de l’agroalimentaire Tiger Brands), Baba Danpullo enregistre une nouvelle victoire. Il a obtenu en début du mois d’avril 2023 du même juge, avis favorable à sa requête pour le transfert des 140 milliards de Fcfa saisis des comptes de MTN Cameroun et Chococam pour un compte séquestre logé au greffe du tribunal de première instance de Bonanjo.

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Cette décision vigoureusement contestée par l’opérateur des télécoms, qui a de suite fait appel. « Il ne s’agit ni plus ni moins que d’un braquage. D’abord ce n’est pas une décision de justice, c’est une ordonnance d’un juge prise dans  son  cabinet à la demande du requérant, et sans avoir entendu les autres parties à savoir MTN, Chococam et Broadband», nous laisse entendre un cadre de MTN proche du dossier. «Dans la pratique, il peut arriver qu’on demande effectivement que l’argent soit transférer vers un compte séquestre, mais il faut qu’il ait un  péril, quel est le péril que cet argent a actuellement dans les mains des banquiers qui le garde depuis sept mois?», renchérit la même source.

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En effet, depuis la saisie de ses comptes en septembre dernier MTN crie à une injustice. « La saisie  des comptes a été contestée, et c’est le même juge qui doit se prononcer sur la levée de la saisie en audience et non en cabinet. Et c’est le même juge qui fait trainer le procès depuis le mois de septembre 2022, pratiquement tous les mardis il renvoie depuis 07 mois alors que nous sommes en référé. Je rappelle que le ministère public s’est prononcé en faveur de la levée  de la  saisie», rapporte notre source.

Aux Origines

Il faut remonter à la genèse du conflit pour saisir ce bras de fer entre Danpullo et MTN. Le 19 juin 2020, les biens immobiliers de Danpullo sont saisis et vendus en Afrique du Sud par la First National Bank (FNB). D’après cette banque, le Camerounais s’est retrouvé en situation d’insolvabilité. C’est-à-dire qu’il n’était plus en mesure de rembourser ses dettes depuis 2019. Mais, selon Baba Danpullo il s’agit plutôt de « spoliation » et « de croisade raciste » contre son groupe qui a investi  plus de 500 milliards dans le secteur de l’immobilier en Afrique du Sud. Ses différents recours devant les juridictions pour contrer cette action de FNB sont restés vains. «…est ce qu’on peut comprendre l’insolvabilité de quelqu’un qui doit 22 milliards de Fcfa et vous venez saisir l’ensemble de son patrimoine qui est évalué à plus de 500 milliards? Pourquoi n’avoir pas appelé à une caution pour le paiement puisque la vente d’un seul de ces biens payait largement la dette..!», laisse entendre un proche de Danpullo contacté par EcoMatin.

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Comme contre-mesure, Danpullo saisit la justice camerounaise et obtient du président du tribunal de première instance de Douala Bonanjo, la saisie des comptes bancaires de MTN, de Broadband Telecom et de Chococam, en vue de recouvrer ce qu’il considère comme des « sommes malicieusement distraites » par son banquier FNB. Il se trouve que les maisons mères de MTN Cameroon et de Chococam ont pour actionnaire Public Investment Corporate (PIC), le fonds de pension des fonctionnaires sud-africains qui est lui-même actionnaire de FirstRand Bank dont la filiale est FNB. Danpullo s’appuie donc sur ce lien pour cibler des intérêts sud-africains au Cameroun, en représailles.  

Les réclamations

L’homme d’affaires chiffre à 5 milliards de rands (200 milliards de FCFA) les actifs que la FNB lui a fait perdre en Afrique du Sud. En plus de cette somme, le milliardaire camerounais réclame le paiement de 23,8 milliards de Fcfa au titre de « loyers indument perçus (21,6 milliards) » et de « frais de recouvrement (2,2 milliards) », de même que des intérêts au taux de 3,25%.  Soit un montant global de 243 milliards de Fcfa.  

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Selon le magazine Jeune Afrique (JA), furieux d’être mis en difficulté par la justice sud-africaine où ses recours contre la vente et la saisie de ses actifs par la FNB ont été rejetés et ses sociétés mises en liquidation ou en redressement judiciaire, le milliardaire, qui dénonce un complot xénophobe, fait donc appel à ses connexions politiques à Yaoundé, au Cameroun. C’est ainsi qu’il obtient de Paul Biya qu’il écrive à son homologue sud-africain, Cyril Ramaphosa, et même qu’il dépêche à Pretoria Félix Mbayu, le ministre délégué chargé du Commonwealth. Puis, selon des sources concordantes, le chef de l’État sénégalais, Macky Sall en personne, en tant que président de l’Union africaine, va tenter une médiation. Sans succès.

Ces démarches étant restées vaines, révèle JA, c’est donc au Cameroun qu’il organise une contre-offensive. En août, puis en septembre 2022, il a obtenu, trois ordonnances  du président du tribunal de première instance de Douala-Bonanjo, qui lui permettent de saisir les comptes de l’opérateur MTN, de son actionnaire local Broadband Telecom et de Chococam.

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L’une de ces ordonnances portait sur le « compte float » de Mobile Money Corporation, filiale de MTN Cameroon dévolue à la monnaie électronique et logée chez Afriland First Bank. Et, sur ce compte, se trouve la contrepartie des unités de valeur que chaque utilisateur de ce service détient dans son téléphone. Il a fallu, apprend-on, que la Banque des États de l’Afrique centrale (Beac) proteste énergiquement, et rappelle que ce compte est insaisissable, car n’appartenant pas à MTN, pour que la saisie ne soit pas opérée. Mais la décision judiciaire demeure pendante et pourrait être exécutée dans le cadre d’un passage en force.

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Tractations et négociations

La situation n’est pas simple pour MTN Cameroon qui se voit ainsi asphyxié et privé d’énormes ressources financières. Les 140 milliards saisis représentent 700 fois le capital de cette filiale chiffré à 200 millions de FCFA (détenu à 70% par MTN International et à 30% par la société camerounaise Broadband Telecom). Ne pouvant avoir accès à ces fonds, l’opérateur se maintient grâce à la confiance des banques qui lui font des avances de trésorerie, le temps que ce conflit se dénoue. Affaire à suivre…

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