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Affaire Glencore : Paul Biya marque son accord pour une plainte au TCS

Dans une correspondance adressée au président de la République courant octobre 2023 consultée par EcoMatin, l’administrateur-Directeur général de la Société nationale des hydrocarbures, Adolphe Moudiki, revenant sur les déclarations de la justice américaine qui a pris le trader de matières premières anglo-suisse, la main dans le sac sur un réseau de corruption transnationale où est impliquée la SNH, fait part de son inquiétude au chef de l’Etat sur cette affaire qui salit la réputation et l’image de l’entreprise. Aussi a-t-il demandé son autorisation en vue de déposer plainte au Tribunal criminel spécial en vue de l’ouverture d’une enquête judiciaire à l’encontre de toutes les personnes impliquées dans ce scandale. Ce qui lui a été accordé.

Depuis le mois de juillet de l’année en cours, la Société nationale des Hydrocarbures, sollicite l’ouverture d’une enquête dans le cadre des révélations de corruption mettant en cause le trader anglo-suisse de matières premières Glencore. Cette multinationale du négoce, du courtage et d’extraction de matières premières avait été épinglée par la justice américaine en tout début de l’année 2022 dans un réseau de corruption transnationale et avait reconnu devant la justice américaine s’être rendu coupable de corruption des hauts responsables de la SNH et de la Sonara entre 2007 et 2018. Le montant de ces transactions occultes s’élevait à 7 milliards de Fcfa.

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Il y a quelques jours, l’Administrateur-directeur général de la SNH, Adolphe Moudiki, a une fois encore saisi le chef de l’Etat aux fins d’obtenir l’ouverture d’une enquête judiciaire sur cette affaire par le truchement d’une plainte qu’elle déposerait devant le Tribunal Criminel Spécial (TCS). Sur ce volet précis, le chef de l’Etat, Paul Biya, a marqué son accord pour le dépôt de cette plainte devant le TCS qui va ouvrir la voie à un procès contre toute la chaîne décisionnelle de la SNH, à qui Glencore soutient avoir versé 7 milliards de Fcfa de pots-de-vin en 11 ans pour favoriser les opérations du groupe au Cameroun. La justice évoque un processus sophistiqué de versements savamment dissimulés.

«Je demande au président de la République de m’autoriser à déposer une plainte auprès du Tribunal criminel spécial pour qu’une enquête judiciaire soit ouverte afin que les personnes impliquées dans ce dossier soient entendues», peut-on lire en substance dans cette correspondance consultée par EcoMatin. Et le chef de l’Etat de répondre par l’affirmative en marge: «Oui» !

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Au moment de la commission de ces faits que reconnaît Glencore, l’on sait que l’actuel Dg de la Sonara n’était pas en poste. Mais par contre, Charles Metouck aujourd’hui incarcéré à la prison centrale de Kondengui à Yaoundé était aux commandes de la raffinerie. Mais, ce dernier, depuis sa cellule dans le célèbre pénitencier, a pondu un communiqué dans lequel il nie toute implication dans cette affaire.

Cependant, Adolphe Moudiki qui a d’abord rejeté toute responsabilité de la SNH dans cette affaire avant de se rétracter, de demander et d’obtenir l’autorisation de poursuivre les coupables devant la justice, était en poste au moment des faits allégués par Glencore.

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La question sur l’identité des personnes impliquées dans ce scandale de corruption à ciel ouvert mettant en cause sur déclarations de Glencore de hauts responsables de la SNH et de la Sonara reste sans réponse pour l’instant. Mais certainement plus pour longtemps avec le tournant que vient de prendre cette affaire. La justice camerounaise lancera les auditions dans les tout prochains jours. Ce qui permettra de lever le voile sur ces visages.

Pressions de l’ITIE

D’autant plus que le Conseil d’administration de l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE) a demandé aux gouvernements concernés dans le scandale de corruption transnationale emmené par le trader anglo-suisse Glencore, «d’intervenir rapidement pour prendre les mesures adéquates». Si à ce jour au Cameroun personne n’a été mis en cause dans ce dossier où le négociant avoue avoir versé des pots-de-vin à des agents de la Société nationale des hydrocarbures du Cameroun ainsi qu’à ceux de la Société nationale de raffinage, reste que les lignes bougent après le mutisme incompréhensible des premiers jours.

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De fait, pour la première fois, le volet camerounais de cette affaire tentaculaire a été débattu longuement en session du comité national de l’ITIE Cameroun tenue en début octobre à Yaoundé. La société civile représentée lors des discussions, a demandé au gouvernement de tout mettre en œuvre pour établir les responsabilités dans une affaire criminelle qui a « terni l’image du pays et engendré des pertes importantes de revenus pour l’État».

Dans « ce système international de corruption criminelle à l’ampleur stupéfiante» selon les déclarations du procureur américain en charge de l’affaire aux Etats-Unis, la SNH a, par son représentant à la session, pour la première fois, donné des informations sur les démarches entreprises jusqu’alors. Aussi, apprend-on, l’entreprise qui s’estime victime dans cette affaire, déclare avoir saisi les juridictions britannique et américaine pour obtenir des preuves et des noms des agents qui seraient «incriminés». Elle affirme s’être rabattue sur cette piste après que, soutient-elle, Glencore lui a opposé une «clause d’anonymat». La représentante de Glencore Exploration Cameroun, présente à la session, a renvoyé toute préoccupation au siège londonien de la multinationale du négoce et de courtage des matières premières.

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Sur ces entrefaites, la présidente du Conseil d’administration de l’ITIE a rappelé que «les accusations ayant trait à des dessous-de-table effectuées par le biais d’intermédiaires dans le but d’obtenir des contrats avec des entreprises d’État» étaient « incompatibles » avec les engagements pris « en matière de transparence et de redevabilité».

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Ce raout intervient après que le Cameroun a été placé sur la liste grise des pays soumis à une surveillance renforcée par le Groupe d’action financière chargé de la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme en Afrique centrale d’une part ; et d’autre part suite aux dénonciations faites par l’avocat international Akere Muna devant les juridictions américaine, anglaise ainsi qu’à la Commission nationale anticorruption pour que les noms des coupables soient révélés et que Glencore soit puni par rapport aux pertes causées par ce scandale au Cameroun.

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