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Arrêt d’activités de la Sonara : La Scdp, grande bénéficiaire

L’incendie qui a ravagé la raffinerie nationale et la conjoncture actuelle sur le marché international du pétrole profitent largement à l’entreprise de stockage.

L’adage est bien connu : « Le malheur des uns fait le bonheur des autres. » L’arrêt des unités de production de la Société nationale de raffinerie (Sonara), suite à l’incendie qui a ravagé une partie des installations le 31 mai 2019, ne sont pas forcément une mauvaise nouvelle pour tous les acteurs de la filière au Cameroun. L’adoption d’un nouveau mécanisme d’approvisionnement du marché et la conjoncture favorable sur le marché internationale du pétrole donnent des marges de manœuvre au gouvernement.

Dans une interview au quotidien gouvernemental, le 1er juin 2020, le ministre de l’Eau et de l’Energie (Minee), Gaston Eloundou Essomba, explique que la mise en œuvre de ce mécanisme d’approvisionnement du marché a permis à l’Etat de faire des économies budgétaires dans l’année de l’ordre de 150 milliards de FCFA. Outre le Trésor public, la Société camerounaise des dépôts pétroliers (Scdp) a aussi part aux bénéfices. « Le chef de l’Etat a autorisé un prélèvement de 2 FCFA [par litre] pour la construction de nouvelles capacités de stockage des produits pétroliers en vue de contenir les stocks de sécurité de l’Etat », précise le ministre.

« La Scdp dispose actuellement d’une capacité de stockage de 241 000 m3 dont 234 000 m3 en hydrocarbures liquides et 7 000 m3 en GPL », indique l’entreprise. Mais, révèle le Comité technique de réhabilitation (CTR) des entreprises du secteur public et parapublic dans un rapport, « les stocks de sécurité de la Scdp sont de 110 000 m3 (soit 20 jours d’autonomie au lieu de 30 jours réglementaires) tandis que les stocks outils sont de 55 000 m3 (soit 10 jours d’autonomie au lieu des 15 jours réglementaires).

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Capacités insuffisantes

Le Minee précise que les stocks de sécurité des produits pétroliers sont des stocks constitués par l’Etat à travers la Société Nationale des Hydrocarbures (SNH) représentant en permanence, par catégorie de produits (supercarburant, carburéacteur, pétrole lampant, gasoil et fuel oil) au moins 30 jours de consommation évalués sur la base des quantités mises en consommation au cours de l’année précédente. Ils sont destinés à garantir l’approvisionnement du pays en cas de force majeure.

Dans le cadre du développement de l’entreprise, la Scdp s’est dotée d’un programme pluri annuel d’augmentation des capacités de stockage, pour répondre à l’évolution du marché local et se conformer aux normes des stocks réglementaires. Ce programme a prévu une augmentation tant sur les dépôts existants que pour de nouveaux sites à construire. A l’intérieur des dépôts existants, souligne l’entreprise, les espaces disponibles permettent d’y contenir 40 000 m3 supplémentaires pour les produits divers (GPL, Super, Gasoil, Jet A1). Au-delà, il est prévu la construction d’un dépôt pétrolier de 15 000 m3 à Bakassi (région du Sud-Ouest) et d’un terminal à hydrocarbures au port de Kribi (région du Sud).

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Mauvaise affaire pour l’économie

Dans son rapport sur la politique monétaire paru en juillet 2019, la Banque des Etats de l’Afrique centrale (Beac) présente une analyse de l’impact de l’incendie de la Sonara sur le cadre macroéconomique du Cameroun. Selon les auteurs, cette simulation s’explique par l’importance de cette entreprise publique dans l’économie nationale. La Sonara étant considérée comme une entreprise de grand standing, conformément à la classification Commission bancaire de l’Afrique Centrale (Cobac). Cet exercice a ainsi d’évaluer l’impact de cet accident sur les différents comptes macroéconomiques.

Ainsi, pour ce qui est du secteur réel, les analystes de la Banque centrale notent que D’après les comptes nationaux arrêtés pour l’année 2017 par l’INS-Cameroun, la branche raffinage représente 0,35 % du PIB à prix constant (2005) et 0,53 % du PIB nominal du pays. Sa contribution à la croissance réelle du PIB était par ailleurs de 0,2 point au cours de cette année, avant la prise en compte de l’incendie. En considérant qu’en 2019, la Sonara a opéré pendant cinq mois, avant la catastrophe, il a été estimé que cet incident induirait une perte de croissance de 0,1 point. A moyen terme, l’impact sur la croissance serait d’environ 0,2 point et 0,1 point, respectivement en 2020 et 2021, en supposant que la Sonara ne reprendrait ses activités que dans deux ans.

Au niveau du Secteur extérieur, il ressort des simulations que l’impact sur le compte extérieur, bien que marginal, ferait passer le déficit prévisionnel du compte courant, dons compris, de 2,9 % du PIB à 3,0 % du PIB en 2019. Il résulterait principalement des importations des biens d’équipement nécessaires aux travaux de réhabilitation, ainsi que de la hausse des importations des produits pétroliers (produits blancs), en substitution du pétrole brut habituellement importé et raffiné par la Sonara.

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Entreprise stratégique

L’impact sur le compte extérieur, bien que marginal, ferait passer le déficit prévisionnel du compte courant, dons compris, de 2,9 % du PIB à 3,0 % du PIB en 2019. Il résulterait principalement des importations des biens d’équipement nécessaires aux travaux de réhabilitation, ainsi que de la hausse des importations des produits pétroliers (produits blancs), en substitution du pétrole brut habituellement importé et raffiné par la Sonara.

S’agissant des finances publiques, la Beac estime qu’en sa qualité de principal actionnaire de la Sonara, l’Etat du Cameroun pourrait faire face aux dépenses de réhabilitation de la raffinerie, à la prise en charge de la mise en chômage technique du personnel, aux charges financières sur ses engagements courants et à des coûts d’opportunité liés au renchérissement des produits pétroliers plus onéreux que le pétrole brut. En conséquence, la situation des finances publiques pourrait se détériorer, entraînant un accroissement de l’endettement public.

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Quant au Secteur bancaire et financier, les informations disponibles avant l’incendie montrent que les crédits bruts à la Sonara sont estimés à 119,3 milliards à fin avril 2019, soit 3,3 % du volume total des crédits bruts. En supposant que la Sonara ne pourrait plus faire face à ses engagements financiers en raison de la suspension de ses activités, en dépit des dépôts de près de 87 milliards à fin avril 2019 et qui seraient prioritairement utilisés pour des cas urgents, le taux des créances en souffrance du système bancaire camerounais s’élèverait à 19,6 % au lieu de 16,2 % à fin avril 2019, traduisant une dégradation plus importante de la qualité du portefeuille de la clientèle.

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