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Barrage hydroélectrique : ces risques qui complexifient le transfert de Memve’ele à EDC

Ils sont d’ordre de réclamation financière par l’entreprise Sinohydro, de sinistre sur ouvrages construits, mais aussi politique. Ils ont été exposés par les responsables de l’Unité opérationnelle de Cellule d’appui à la maîtrise d’ouvrage de l’aménagement hydroélectrique de Memve’ele, lors de la série de concertations engagées la semaine dernière au ministère de l’Eau et de l’Energie, en vue de l’insertion de Memve’ele dans le patrimoine de la société Electricity Development Corporation (EDC).

Cela s’avère donc une équation pas du tout facile à résoudre : le transfert du barrage de Memve’ele dans le patrimoine de la société Electricity Development Corporation (EDC). En effet, bien que la date de début de production, qui était initialement prévue pour le début de l’année 2018, n’ait pas pu être respectée, une solution palliative a été envisagée compte tenu, dit-on, du besoin de rendre disponibles 80 MW dans le Réseau Interconnecté Sud (RIS), en attendant la fin des travaux des ouvrages d’évacuation de l’énergie. Il s’est agi d’un raccordement temporaire entre la ligne haute tension Memve’ele 225 KV et la ligne 90 KV de EDC (PRERETD) au niveau de Minlamizibi par Ngoulemakong. La jonction provisoire permet aujourd’hui de disposer des premiers MW injectés dans le RIS. Cette solution, du point de vue stratégique et économique est porteuse, reconnait-on à l’Unité opérationnelle, et c’est la traduction du démarrage effectif de la centrale en phase d’essais en attendant la finalisation selon le chronogramme des travaux de Sinohydro. Mais cette exploitation de la centrale pose problème pour le moment parce qu’elle n’est pas encadrée. L’Unité opérationnelle du projet n’ayant pas un statut lui permettant d’interagir pour les opérations de maintenance, d’exploitation de la centrale et de commercialisation de l’énergie. Il s’agit d’un point critique. C’est cette situation qui, explique-t-on a sans doute motivé les très hautes directives visant l’insertion de l’actif de Memve’ele dans le patrimoine de EDC., même si, avoue-t-on, aucune notification expresse n’a pour le moment été faite par le président de la République à l’endroit du ministre de l’Eau et de l’Energie.


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Mais cette insertion, de l’avis des responsables de l’Unité opérationnelle de l’aménagement de Memve’ele ne va pas sans risques. En effet, selon leur présentation au cours des concertations qui se sont tenues, la semaine dernière au ministère de l’Eau et de l’Energie, en rapport avec ce sujet et donc Ecomatin a eu copie, plusieurs risques rendent complexe cette opération. En effet, du fait de la réception provisoire au 31 décembre 2017 et actée le 08 février 2018, et la mise en service des groupes de l’usine qui a eu lieu en avril 2019, ces deux actes, informe-t-on, ont des risques potentiels. Notamment, ceux de réclamation financière par l’entreprise Sinohydro, de sinistre sur ouvrages construits et celui politique. Pour le premier, l’entreprise a terminé les travaux depuis juillet 2017 et la réception partielle n’a pu avoir lieu qu’en février 2018. Et donc en décembre 2018, l’entreprise devrait demander la réception définitive pour lever ses garanties et caution. L’entreprise ne peut pas avoir la réception provisoire, ni définitive des groupes de l’usine, car conditionnée par les essais sur la ligne 225 KV au poste de Ahala. Hors, les travaux de cette ligne sont en retard à cause des problèmes de paiement des décomptes, ainsi que la libération de l’emprise par l’Etat. L’entreprise est donc, indique-t-on, en droit de faire une réclamation pour ses frais financiers et son équipe maintenue sur site depuis décembre 2017 jusqu’à la fin des travaux de la ligne et des essais.

Risque de sinistre sur ouvrages construits
Les essais individuels des groupes ont été effectués par la Sonatrel et sont concluants. Ce qui permet une évaluation partielle de l’énergie produite via un raccordement provisoire qui a été effectué. Ceci présente deux risques : un risque de stabilité du réseau existant car, il n’y a pas eu d’étude de stabilité et d’intégration de cette nouvelle solution ; un risque de dommage sur les ouvrages, n’ayant pas fait d’étude de stabilité et d’intégration, et utilisant deux tronçons de ligne en chantier et non réceptionnés, il y a un risque potentiel de sinistre d’une ligne par défaut éventuel de l’autre. Il y a à noter, précise-t-on, qu’on a la ligne de Memve’ele et la ligne de EDC en chantier. Les conditions d’exploitation de ces lignes et postes ne sont pas claires, ni côté Sonatrel, ni côté entreprise et maître d’ouvrage délégué.

Risque politique et financier
Actuellement 45 MW environ sont injectés dans le réseau Eneo. L’entreprise Sinohydro demande la réception de l’usine. Or d’après le contrat, ce n’est qu’après les essais à Ahala (dans 15 mois au meilleur des cas). Elle se propose donc, apprend-on, d’arrêter les groupes qui sont sous sa responsabilité et redémarrer seulement en fin 2020. Par ailleurs, pour que Sinohydro commence à travailler au poste de Ahala où le courant de Memve’ele sera injecté, il faut démonter les équipements du Plan Thermique d’Urgence (PTU) (40 MW) par Eneo. Cet arrêt des groupes serait un risque politique et une perte financière énorme car, le Cameroun doit déjà commencer à rembourser la dette. « Même avec 45 MW, nous avons déjà plus de 34 000 MGWh injectés dans le réseau en un mois », affirme-t-on à l’Unité opérationnelle.

Nécessité de doter l’Unité opérationnelle d’un statut juridique
C’est donc un préalable qu’il va d’abord falloir lever avant toute forme de transfert de Memvé’ele à EDC. Deux options sont présentées pour rendre possible cette opération. Soit la fusion absorption qui est la forme la plus courante de ces rapprochements, mais également ce n’est pas la seule, il existe aussi des fusions par apport de titres total ou partiel. Il serait donc loisible de qualifier le type d’opération au préalable pour en retenir les effets juridiques, indique-t-on. Il s’agit d’un exercice délicat, prévient l’Unité opérationnelle, dans la mesure où, pour l’hypothèse de la fusion absorption, Memve’ele doit être une société constituée afin de valider ce mécanisme juridique et d’en implémenter les effets juridiques conformément aux principes y relatifs. La qualité de Memve’ele juridiquement constitue un frein. La création d’une société dédiée aurait été la panacée. Cette question de la création d’une entité jouissant des qualités et capacité juridiques pour le faire déjà a été adressée, informe-t-on mais c’est toujours sans réponse. Cette entité est nécessaire pour exercer dans le secteur. Mais l’on espère qu’il y a toujours de la place pour la réflexion. Elle peut notamment porter sur deux aspects : Premièrement, on peut qualifier d’Apport partiel d’actif (APA), le transfert de l’actif de Memve’ele dans le patrimoine de EDC. C’est un mécanisme qui permet de transmettre à une autre société un ensemble d’éléments de son patrimoine, tant actifs que passifs, qui constituent une branche d’activité. Ce type d’apport s’analyse comme des apports purs et simples (un apport pur et simple à EDC serait alors l’apport d’un élément d’actif de Memve’ele sans lui transmettre simultanément un passif…)

Parachever Memve’ele II
Pour ces raisons, ici, l’on supposera que l’APA porte sur le barrage et la centrale. La question de la commercialisation de l’énergie de Memve’ele qui est à la base des hautes directives, trouverait donc solution, car portée par une entité ayant un statut juridique, estime l’Unité opérationnelle de Memve’ele. En considérant que l’opération de transfert de l’actif Memve’ele est semblable à l’apport partiel d’actif, celui-ci, indique-t-on, n’entrainerait pas de dissolution de la société porteuse, en l’occurrence la Cellule et son Unité opérationnelle, parce que plusieurs autres composantes s’y trouvent et sont en cours de réalisation sous son couvert. Et dans ce cas de figure et conséquemment, compte tenu du nombre d’activités encore en cours de réalisation et considérant l’impact avenir de celles-ci, l’on suggère de reconsidérer et actualiser les missions de l’Unité opérationnelle actuelle dans son rôle d’organe d’exécution pour continuer à développer les capacités de production sur le bassin du Ntem, notamment Memve’ele II, en lui confiant un mandat comme celui en cours d’achèvement.


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Les travaux en cours de Memve’ele II, rappelle-t-on, relèvent elles aussi, de très hautes instructions du chef de l’Etat telles que répercutées au ministre de l’Eau et de l’Energie par le ministre, Secrétaire général de la présidence de la République en date du 30 septembre 2015, ayant trait à la réalisation « des ouvrages destinés à optimiser l’exploitation du fleuve Ntem, à savoir, un barrage de retenue et un deuxième barrage de production ». Les avantages sont multiples, notamment, le moindre coût de l’opération en maîtrisant certains effets juridiques liés aux mécanismes de transfert ; la complexité des modalités pour mettre en exécution les très hautes instructions du chef de l’Etat finalement contournée ; la disponibilité d’une entité ayant un statut juridique en vue d’exploiter la centrale ; la maîtrise des conséquences sociales d’un tel transfert pour le personnel de Memve’ele ; le développement de Memve’ele II ; la continuité du service pour des activités en cours de réalisation.

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