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Bourse des valeurs mobilières d’Afrique centrale : les dossiers urgents de Louis Banga-Ntolo

Sa nomination à la tête de la Bvmac fait presque l’unanimité au sein de la communauté du marché financier. Le Dr Louis Banga-Ntolo a été retenu par le conseil d’administration pour diriger pendant les 4 prochaines années, la bourse unifiée sous régionale. Celui qui cumule 15 années d’expérience sur les marchés financiers de la Cemac, hérite d’une institution qui est très loin de satisfaire les attentes. Avec seulement cinq sociétés cotées, une capitalisation boursière des titres de 909 milliards de FCFA (soit environ 1,8% du PIB de la Cemac), le volume des transactions reste encore faible et les produits proposés sont très limités. Autant de leviers qu’il faudra actionner pour mener à bien la seconde phase de dynamisation du marché financier. EcoMatin dresse les dossiers urgents sur lesquels devra se pencher le nouveau promu pour faire de la bourse unifiée, un pôle de référence pour le financement des économies sous régionales et même de l’Afrique toute entière.

L’introduction des sociétés étatiques en bourse

L’un des dossiers que le nouveau directeur général de la Bvmac trouvera sans doute sur sa table est celui de l’introduction en bourse des entreprises relevant du portefeuille des Etats de la Cemac, tel que contenu dans l’acte additionnel portant unification du marché financier de la Cemac et mesures d’accompagnements, signé le 19 avril 2018. Trois Etats sur six ont déjà mis à la disposition de la bourse les listes cumulant 09 entreprises stratégiques. Il s’agit de la Guinée Equatoriale (Banco Nacional de Guinea Ecuatorial ; Guinea Ecuatorial de Telecomunicationes ; Sociedad de Electicidad de Guinea), le Congo (Energie Electrique du Congo; La Congolaise des Eaux ; Centrale Electrique du Congo) et le Gabon (Société Commerciale Gabonaise de réassurance, Gabon Power Company, Façade Maritime du Champ Triomphal). Pour ces pays Louis Banga-Ntolo aura la charge, avec les autres parties prenantes, d’impulser une dynamique d’arrivée sur le marché de ces entreprises notamment avec leurs organes sociaux. Pour ceux des pays qui manquent encore à l’appel (Cameroun, Tchad, RCA), le travail sera celui de rappeler, sensibiliser et de mener un intense lobbying. Mais rien de plus car l’institution ne dispose pas de moyens contraignants pour amener ces pays à se conformer. « Si on se fie à l’acte additionnel, chaque Etat devrait introduire à minima 3 entreprises, cela fait 18 sociétés plus les 5 déjà cotées cela pourrait rendre le marché plus attractif, plus dynamique, on enregistrerait beaucoup plus de transactions qu’aujourd’hui. C’est un élément déclencheur dans la dynamisation de notre place boursière », commente un acteur du marché.

Incitations pour le secteur privé

Si la participation des Etats reste attendue, le secteur privé lui aussi doit jouer sa partition dans l’animation du marché financier. Et cela passe par des incitations fiscales harmonisées pour que les entreprises privilégient la bourse dans la recherche des financements. Cela passe aussi par la promotion de la culture boursière dans les habitudes entrepreneuriales. L’un des freins c’est celui de la transparence. La Bvmac devra y jouer un rôle central mais cela demande autant l’implication de tous les acteurs.

Développer un véritable compartiment des PME

Ticket d’entrée élevé, processus administratif complexe, réglementations contraignantes… Faire son entrée à la Bourse peut tourner au cauchemar pour les Petites et moyennes entreprises (PME). Pourtant, celles-ci sont un maillon essentiel de l’économie dans la sous-région. Au Cameroun par exemple, les PME représentent plus de 99% des entreprises et emploient plus de 7 travailleurs sur 10, soit 72,26% des emplois permanents. Faute de moyen, 72% d’entre elles meurent après la création. L’enjeu aujourd’hui est donc de mettre en place un compartiment consacré au financement des petites et moyennes entreprises (PME) et répondant aux réalités actuelles. Pour une introduction en bourse sur le compartiment qui leur est dédié, les PME devraient avoir des fonds propres minimum de 200 millions de FCFA, un chiffre d’affaires de 1 milliard et une capitalisation boursière minimale de 10 milliards de FCFA. Un dispositif jugé trop rigide par ces acteurs qui préfèrent se retourner vers le traditionnel financement bancaire. Louis Banga-Ntolo devra donc jouer sa partition dans l’assouplissement des conditions d’accès au marché pour ces entités.

Dynamiser le compartiment actions, et maintenir le cap sur le compartiment obligations

Dans son plan d’action 2020, Jean Claude Ngbwa dévoilait un plan fort ambitieux pour la Bvmac. Le Directeur général sortant nourrissait l’ambition d’atteindre en fin d’année, une capitalisation minimum de 1200 milliards de F CFA sur le compartiment des actions. Le moins qu’on puisse dire est que cet objectif est loin d’être atteint. Avec seulement 5 sociétés cotées et une capitalisation de 35 milliards de FCFA le compartiment actions semble moins dynamique que celui des obligations. Pour Louis Banga Ntolo, le défi est de taille, lui qui a participé au premier plan à l’introduction en bourse de 4 des 5 sociétés actuellement cotées. « Il sait quelles sont les difficultés des sociétés de bourse à amener les émetteurs sur le marché, il connaît un peu leur réticences. C’est pourquoi nous fondons beaucoup d’espoir en lui pour qu’il implique davantage la bourse dans ce processus », relève un Directeur de société de bourse.

Lire aussi : Qui est Louis Banga-Ntolo, le nouveau Directeur Général de la BVMAC ?

Avec une capitalisation de 736 milliards, les compartiments obligation semble avoir pris son envol mais il faudra maintenir le cap, non seulement en créant des conditions favorables pour les privées mais aussi et surtout en signer avec les Etats des memoranda afin qu’ils réservent au marché au moins une levée de fonds par an sous forme d’appel public à l’épargne. Cela permettrait de réduire la dépendance des pays africains à l’endettement en devises étrangères.

Diversification des produits financiers

« Le marché est le lieu de rencontre de l’offre et de la demande. Pour le cas du marché financier sous régional, nous n’avons pas suffisamment de produits pour que les investisseurs affluent », indique un expert du marché financier. Pour l’instant, le cadre général des valeurs mobilières, en vigueur dans la Cemac se limite essentiellement aux actions et obligations. Pas très attrayantes pour le grand public. Pour cela, des experts pensent qu’il faudrait par exemple, des valeurs mobilières composées qui, non seulement instaurent une passerelle entre les actions et les obligations, mais permettent également l’émission de titres de capital et de dette plus complexes, donnant plus de choix aux acteurs du marché pour leurs financements et leurs placements. A cela il faudrait ajouter les produits financiers digitaux, qui s’imposent de plus en plus dans le monde et auxquels la bourse sous régionale ne saurait échapper. « C’est en augmentant la gamme des produits qu’on pourra faire qu’il y ait plus de transactions et naturellement plus d’investisseurs » souligne un expert.

Renforcer la visibilité de la Bvmac à l’international

L’unification des deux bourses sous régionales a été un grand pas pour la sous-région Afrique centrale. Mais de l’avis des experts l’intégration des places boursières africaines est une solution pour réduire le recours systématique aux emprunts en devises et de diminuer le coût des opérations qui s’y traitent. La Bvmac devrait à cet effet accroître sa présence au sein de l’African Securities Exchange Association (ASEA). Par ailleurs, la mise en place d’un indice boursier (groupe d’actions utilisé pour mesurer la performance générale d’un marché) est également de mise. « C’est un instrument essentiel de la gestion de portefeuille qui sert souvent de référence pour mesurer les performances des secteur », explique un expert financier. Cela permettrait de renforcer la visibilité internationale de notre marché.

Lire aussi : Bvmac : le Conseil d’administration proroge de six mois le mandat de Jean-Claude Ngbwa

Bio express : Louis Banga-Ntolo

-1964 : Naissance

-1989 : Licence en Analyse et Politiques économiques – Université de Yaoundé, Cameroun

-1990 : Maîtrise en Gestion des Entreprises, Université Louis-Pasteur de Strasbourg – France

-1991 : Maitrise de Sciences économiques, Option : Théories et Politiques économiques de Grenoble

-1992 : DEA en Monnaie, Finance, Banque – Université Pierre Mendès-France de Grenoble

-1998 : Doctorat d’Université en Banque, Monnaie et Financement – Université Lumière Lyon II

-1999-2009 : responsable à Société Générale Cameroun

-11/2009 – 03/2018 : Directeur Général Adjoint Société générale Cameroun (Mandataire social agréé Cobas/Minfi)

-Depuis le 30 Octobre 2018 : Directeur Général de la société de Bourse Société Générale Capital Securities Central Africa

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