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Brouille entre américains et australiens pour le contrôle du Cobalt de Lomié

La junior minière australienne Cyclone Mining a récemment annoncé qu'elle s'apprêtait à obtenir le permis d’exploitation du gisement de cobalt, Nickel et manganèse de Nkamouna. De quoi faire monter la tension avec Phoenix Mining qui détient ce titre du fait de la récente acquisition de Geovic Mining.

3 mois seulement après avoir repris les actifs de Geovic Mining pour exploiter le gisement de cobalt, Nickel et manganèse de Nkamouna localité située dans l’arrondissement de Lomié, région de l’Est du Cameroun, la compagnie américaine Cloudbreak Holding à travers sa filiale Phoenix Mining traversent déjà un premier vent de turbulence. En effet, la junior minière australienne Cyclone Metals Limited, dans un communiqué signé le 3 juin 2022, a annoncé avoir obtenu les « droits exclusifs » pour exploiter ce même gisement. L’entreprise cotée à ASX (Australian Stock Exchange) explique qu’elle a conclu un accord contraignant avec Ewaah Cameroon Ltd pour obtenir le droit d’acheter 100% du capital de sa filiale Camdu Corporation qui à son tour a sollicité auprès des autorités camerounaises un titre d’exploitation minière qui couvre la zone du projet Nkamouna-Mada (1 645 km2). Pour acheter ces actifs, la compagnie entend mobiliser des fonds par l’émission de 50 millions d’actions au prix unitaire de 0,005 dollars.

Imbroglio

Une annonce qui a laissé perplexe l’opinion nationale et la communauté des affaires en tête desquels Phoenix Mining, le désormais propriétaire de Geovic, détenteur de 60,5 % des parts de Geocam, entreprise qui possède le titre d’exploitation sur ce site. Dans une correspondance adressée le même jour à Cyclone Metals, Justin Lowe, le Directeur Général de l’entreprise dénonce « un communiqué de presse intentionnellement trompeur » qui « porte atteinte à nos droits légaux et est préjudiciable à nos actionnaires ». Le dirigeant voit derrière les propos de la junior minière une volonté d’avoir un impact sur le marché afin d’améliorer le cours de ses actions. Autre fait marquant, c’est le fait que Cyclone affirme dans son communiqué que la concession dudit site n’appartient plus à Geovic ce qui a « causé des dommages significatifs à Geovic, Geocam et ses actionnaires ». Le dirigeant américain menace par ailleurs de poursuivre en justice l’entreprise si celle-ci ne rectifie pas le tir.

Lire aussi : Cobalt de Lomié : Geovic se retire du projet et cède ses actifs à l’américain Cloudbreak

Interpellé, la réaction de Cyclone ne se fera pas attendre. Dans une réponse adressée 11 jours plus tôt, l’entreprise nie les allégations faites par Justin Lowe, mais avoue à moitié le caractère “trompeur” de son communiqué. «L’annonce indique clairement que Cyclone a obtenu des droits exclusifs sur un gisement de cobalt, de nickel et de manganèse au Cameroun en concluant un accord exclusif avec Ewaah Cameroon Ltd pour acquérir 100% du capital émis de Camdu Corporation, filiale à 100% d’Ewaah. Les termes de l’accord donnent à Cyclone l’exclusivité en ce qui concerne l’acquisition de Camdu Corporation et le droit exclusif d’acquérir le permis d’exploitation minière qui couvre la zone du projet Nkamouna-Mada si et quand il est accordé à Camdu».

Lire aussi : exploitation minière: jusqu’où ira Geovic ?

De quel gisement se prévaut donc l’entreprise si tant est que les titres de celui sus cités est déjà détenu par Geovic. «Les gisements de Nkamouna et de Mada sont situés dans les limites du permis d’exploitation minière demandé par Camdu» renchérit Cyclone sans trop d’explications. Contacté, le Ministère des Mines avoue ne pas être au courant d’une pareille opération. «Nous connaissons Phoenix Mining même si son partenariat avec Geovic n’est pas encore validé. S’agissant des autres, nous n’en savons rien» souffle un cadre au sein de ce département ministériel.

Travaux en cours

La reprise des actifs de Geovic par un nouvel acteur n’est qu’un énième épisode d’un feuilleton qui dure depuis une bonne vingtaine d’années. En effet, c’est depuis le 11 avril 2003 que Geovic a décroché le tout premier permis d’exploitation minière du pays, pour exploiter le gisement de nickel, cobalt et manganèse de Nkamouna. Malgré son étude de faisabilité bancable présentée au gouvernement, l’entreprise n’a jamais pu sortir le moindre gramme de Cobalt à Nkamouna pour le commercialiser. Elle aurait même déserté le site en 2013 avant de tenter en vain de céder tous ses actifs sur le projet minier, à la société chinoise Jiangxi Rare Metals Tungsten Group Holdings Company Ltd. Aujourd’hui sur le terrain, Geocam est à pied d’œuvre. « Nous sommes en phase du design project, et cela comprend ingénierie du site, camp de base, plan logistique (combiner de camions par jour sur les routes, traverser le Dja etc). Dans ce cadre nous avons aussi récolté des échantillons pour la fabrique ‘test’ dans nos laboratoires » explique Justin Lowe à EcoMatin. Les travaux devraient démarrer dans 21 mois et les autorités locales semblent satisfaites de l’avancement « la nouvelle équipe dirigeante nous a rendu visite à Lomié après la rencontre avec les autorités de Yaoundé. La nouvelle équipe nous a rendu visite le 13 mars dernier. Sur le site, il y’a de nouvelles personnes qui ont nettoyé le site qui était abandonné. Et s’activent à certains travaux préparatoires à leur installation définitive » réagit Gérard Lomié, le Maire de Lomié.

Cobalt : une mine prisée

Difficile de dire si cette fois sera la bonne tant les rétropédalages sur cette affaire sont récurrents.  Mais une chose est sûre, la montée de la demande mondiale du cobalt, composante essentielle dans la fabrication des batteries pour véhicules électriques mais aussi dans d’autres produits électroniques, comme les smartphones, tablettes… est un élément qui peut accélérer son extraction du sous-sol Camerounais. Jusqu’ici, l’essentiel du Cobalt utilisé à travers le monde provient en grande partie des mines situées au sud de la République démocratique du Congo (RDC). A cause de la demande croissante, de grands groupes tentent de se protéger contre une possible pénurie. La réserve du Cameroun se présente comme une opportunité à saisir. Autre avantage, c’est le caractère moins risqué du projet ; l’exploitation ayant déjà été réalisée il n’y a plus de doute sur la présence du minerai. La rentabilité du projet dépendra donc de l’évolution du cours de cette matière première ; ce qui, selon Cloudbreak, ne devrait pas chuter d’ici peu. « Nous ne contrôlons pas le prix du marché. Si ce prix est en dessous de 10 dollars, le projet n’est pas économique. La garantie que ce projet est économique c’est que le monde est obligé de passer à cette transition et certains gouvernements sont en train de faire des pieds et des mains pour passer à l’électrique. Il serait extrêmement inattendu que la demande baisse » a expliqué Justin Lowe.

Lire aussi : Exploitation minière : le groupe américain Geovic veut relancer ses activités à l’Est

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