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Cacao-café: les objectifs du gouvernement à l’horizon 2020 ne seront pas atteints

En consacrant annuellement au moins 15 milliards Fcfa d’investissement depuis 2012 pour le développement de cette filière, le Cameroun ambitionnait d’atteindre une production de 600.000 tonnes de cacao et 160.000 tonnes de café à cette échéance. Mais on est loin du compte.

Le ministre du Commerce, Luc Magloire Mbarga Atangana, a procédé le 04 février dernier à Bankim dans la région de l’Ouest, au lancement de la campagne caféière 2018-2019. Le bilan de la campagne précédente dressé au cours de cette cérémonie fait ressortir une production de 25.315 tonnes de café, en hausse de 20% par rapport à la campagne 2016-2017. A moins d’un an de l’échéance 2020 à laquelle le Cameroun ambitionnait depuis le début de la décennie 2010 de produire annuellement 160.000 tonnes de café, il est plus qu’évident que cet objectif ne sera pas atteint. Il en est de même de la production cacaoyère, qui a plafonné à 253.510 tonnes au cours de la campagne 2017-2018. Ici aussi, il y a encore un énorme fossé entre les objectifs du gouvernement de produire 600.000 tonnes de cacao à l’horizon 2020 et les  performances de la filière à la veille de l’échéance 2020. Ces chiffres qui ont du mal à se rapprocher de la moitié des objectifs des pouvoirs publics traduisent un cuisant échec de l’ensemble des politiques mises sur pied en vue de doper la production de ces matières premières qui figurent dans le top 5 des produits d’exportation du Cameroun.

Par rapport à la saison 2011-2012, où le Cameroun avait produit 228.941 tonnes de cacao,  la hausse de la production est de moins de 30.000 tonnes au cours des six dernières années

L’un des outils phares sur lequel était fondé l’espoir d’un relèvement substantiel de la production cacaoyère et caféière au Cameroun était le programme New Generation, créé en 2012 et piloté par le Conseil interprofessionnel du cacao et du café (Cicc). Celui-ci visait notamment : le rajeunissement de la force de production, la professionnalisation des jeunes producteurs, la réduction du chômage des jeunes à travers la création d’emplois en milieu rural, l’amélioration de la qualité et de la productivité et l’accroissement de la production globale. En 2016, le Cicc révélait que le programme avait permis de créer, en quatre ans d’implémentation,  de nouvelles plantations pour une superficie globale de 2651 hectares. Par rapport à la saison 2011-2012, où le Cameroun avait produit 228.941 tonnes de cacao,  la hausse de la production est de moins de 30.000 tonnes au cours des six dernières années. Or, plus de la moitié des espaces créés par New Generation était entrée en production au cours de la campagne 2014-2015. Une lente progression en somme.


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Officiellement, le Cameroun consacre plus de 15 milliards Fcfa annuellement pour le développement des filières cacao et café. Pas moins de 1,4 milliard Fcfa est alloué par le Fonds de développement y consacré, le Fodecc, pour la vulgarisation des variétés de cacao résistantes à la pourriture brune. 5,6 milliards Fcfa sont débloqués pour la multiplication et la diffusion du matériel végétal contre 3,5 milliards Fcfa pour le Projet d’appui à la lutte antifongique, 2,5 milliards Fcfa pour l’appui à l’utilisation des engrais, 2 milliards Fcfa à deux autres programmes liés à l’assainissement de la commercialisation interne, et enfin 300 millions Fcfa pour Fonds de pérennisation des filières cacao et café.

Hausse de la production: l’ambitieux plan de relance du gouvernement

C’est un plan de relance qui s’articulait en plusieurs points : l’accroissement du financement, de la recherche et du développement, de la production et de la distribution à grande échelle des plants produits à partir de semences améliorées, le traitement intégral du verger cacao-café dans le pays et la création de nouvelles et grandes plantations. Toutes ces actions, pour un financement évalué à 600 milliards de francs CFA.

Trois ans après le lancement de l’initiative, le Cameroun peinait encore à franchir les 300 000 tonnes

Le président de la Cellule technique de coordination et de suivi des filières cacao et café des services du Premier ministre, Evariste Evane, expliquait en 2014 que le financement pour l’ensemble de ces actions découlerait « prioritairement de la filière elle-même, à travers l’optimisation du prélèvement à l’exportation du cacao et du café qui devra supporter les charges afférentes à la mise en œuvre de ce plan ». Trois ans après le lancement de l’initiative, le Cameroun peinait encore à franchir les 300 000 tonnes. Bien que la production montrait des signes d’évolution en dents de scie ; les performances déjà enregistrées en trois années laissaient déjà planer le doute sur la capacité du gouvernement à réaliser son projet de relance de la filière cacao.

Au niveau du Conseil Interprofessionnel du Cacao et du Café (CICC), cette évolution en dents de scie de la production cacaoyère nationale s’expliquait par de multiples contraintes qui entravent l’exécution de ce plan de relance. Notamment, la chute du prix du cacao sous la barre de 1000 Fcfa au premier trimestre 2017, à laquelle il fallait associer la baisse de production cacaoyère due à la situation sécuritaire qui prévaut dans la région du Sud-Ouest, l’un des plus grands bassins de production du Cameroun. A titre d’illustration, le Sud-Ouest totalisait 45,5 % du total des achats de fèves lors de la saison 2016-2017. Des ventes qui ont reculé à 31,5 % au cours de la campagne cacaoyère 2017-2018.

Enfin, une autre contrainte majeure à l’intensification de la production du cacao demeure la faiblesse des financements. Alors que le Plan de relance prévoyait de mobiliser 600 milliards de FCFA pour relancer la filière, des sources au sein de l’ONCC révélaient que ce budget n’était pas totalement disponible du fait de l’insuffisance des fonds propres du Fond de Développement des filières cacao et café (FODECC), contributeur à 65%, et de la non implication massive des organes de financement externes dans le projet.

Le cacao étant l’une des grandes sources de devises dans le secteur primaire qu’est l’agriculture, les obstacles auxquels se heurtent les producteurs de cette filière pourraient, sur le long terme, nuire à l’économie nationale.

 

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