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Cameroun : en 2022, 19 % du budget a été exécuté via les lignes 57, 65 et 94 (FMI)

Dans un rapport-diagnostic de la gouvernance et de la corruption au Cameroun, produit à la demande du gouvernement et publié le 16 décembre, l’institution de Bretton Woods pointe des dérives dans la gestion de ces chapitres, du fait notamment d’une trop forte centralisation de l’ordonnancement.

Plusieurs diagnostics récents ont mis en évidence des progrès encourageants au Cameroun en matière de transparence des finances publiques. Cet avis est émis par le Fonds monétaire international (FMI), pour qui ces avancées perceptibles dans la refonte du régime financier, notamment à travers la loi N°2018/012 du 11 juillet 2018 portant régime financier de l’État et des autres entités publiques, un code de transparence, la mise en place des débats d’orientation budgétaire (DOB) et des budgets de programmes, le développement d’un cadre budgétaire à moyen terme (CBMT) et d’un tableau d’équilibre pour mieux définir le besoin de financement, etc.

Cependant, souligne l’institution de Bretton Woods, certains défis existent qui viennent perturber la mise en œuvre efficace et performante du budget de l’État. Notamment, les dérives dans la gestion des « chapitres communs », de la masse salariale et des pensions,  « qui révèlent des problèmes et des risques conséquents en matière de gouvernance, de soutenabilité, de crédibilité et de transparence budgétaire ».

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Dans un rapport-diagnostic de la gouvernance et de la corruption produit à la demande du gouvernement du Cameroun et mis en ligne le 16 décembre, le FMI dénonce une utilisation abusive des crédits budgétaires inscrits dans les chapitres communs, qui ne révèle pas moins une vulnérabilité dans la gestion budgétaire. L’existence de ces lignes gérées par le ministère des Finances (Minfi) et le ministère de l’Economie, de la Planification et de l’Aménagement du territoire (Minepat) et représentant une part importante du budget, « traduit la persistance de la centralisation de l’ordonnancement, en contradiction avec la réforme en cours de déconcentration de l’ordonnancement ». Officiellement, la direction générale du budget (DGB) du Minfi gère 8 chapitres communs, notamment les chapitres 55 (pensions), 56 et 57 (dette publique extérieure et intérieure), 60 (subventions et contributions), 65 (dépenses communes), 92 (participations), 93 (réhabilitation/restructuration) et 95 (report). Le Minepat, pour sa part, gère uniquement le chapitre 94 qui concerne les interventions en investissements.

Pressions politiques

Les chiffres émanant du rapport FMI font état de ce que les chapitres communs ont représenté entre 40 % et 45 % du budget de l’Etat dans les années 2019 et 2022, dont 19 % pour les chapitres 57, 65 et 94 en 2022, tandis que, précise le FMI, les bonnes pratiques internationales en la matière suggèrent un pourcentage entre du budget général. « En principe, commente l’institution, il n’appartient pas au Minfi et au Minepat de gérer ces chapitres à la place des ministères sectoriels, mais plutôt de s’assurer que ces derniers gèrent leurs crédits budgétaires en fonction des autorisations accordées ». Le FMI trouve que le rôle d’ordonnateur des crédits des chapitres communs devrait progressivement être confié aux ministères et entités gestionnaires. « Par exemple, chaque ministère devrait gérer ses dépenses communes et ses dépenses en capital ; les pensions pourraient être géré par une entité autonome rattachée au Minfi ou à une « Caisse autonome », et la dette publique par la Caisse autonome d’amortissement (Caa). Cela permettrait d’assurer la conformité avec les réformes engagées et la responsabilisation des gestionnaires ».

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En revanche, ajoute le Fmi, si le Minfi  à travers le Dgb ou le Minepat souhaiteraient, « de manière légitime, continuer de budgéter sur un chapitre commun les crédits correspondant à des dépenses imprévisibles ou irrégulières dans le temps (une réserve qui pourrait être limitée à 3 ou 4% de la loi de finances), des transferts de crédits réalisés en cours d’année de ce chapitre au profit des ministères gestionnaires pourraient être réalisés, sans que cela impose de maintenir un service de gestion centralisé pouvant être soumis à des pressions politiques », surtout que « les règles d’éligibilité de ces dépenses ne sont pas clairement définies, en particulier concernant les chapitres 57 (dette intérieure), 65 (dépenses communes) et 94 (interventions en investissements), qui font seulement l’objet d’une circulaire chaque année ».

Ministères de souveraineté

Le FMI l’affirme sans ambages : des dérives significatives, du reste déjà constatées par le Contrôle supérieur de l’Etat et la Chambre des comptes de la Cour suprême, « sont observées dans l’utilisation de ces crédits, en particulier par les institutions et ministères de souveraineté, pour des dépenses dont l’imputation budgétaire n’est pas définie au préalable, qui ne suivent pas la chaîne normale des dépenses, et qui génèrent des problèmes importants en matière de régularisation et de gouvernance ». Pour revenir à l’orthodoxie, l’institution de Bretton Woods suggère au gouvernement quelques actions prioritaires à mettre en œuvre, à savoir, notamment sur le court terme (2024), la prise d’un décret clarifiant les règles d’éligibilité et les conditions d’utilisation des chapitres communs, en particulier concernant les chapitres 57, 65 et 94. Les autorités compétentes devraient également établir un calendrier pour réduire progressivement les allocations à environ 3 et 5% du budget. Sur le moyen terme (2025-26), il faudrait créer une réserve dans le budget du gouvernement pour des dépenses accidentelles ou imprévues sur la base d’un pourcentage approprié, et transférer progressivement les activités d’ordonnancement de la Dgb et du Minepat sur les chapitres communs aux différents services gestionnaires concernés.

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