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Cameroun: les raisons de l’interpellation de Patrick Eeckelers, DG d’Eneo

Dans une note interne, la Direction de l'opérateur de l'énergie électrique lie cette interpellation à la campagne de lutte contre la fraude engagée depuis peu contre des employés véreux et des barons de la fraude. D'autres sources révèlent plutôt de nombreux dysfonctionnements et malversations au sein d'Eneo Cameroon. Interrogation sur une affaire qui a provoqué le courroux de la Cameroon Power Holding Actis, actionnaire majoritaire d'Eneo Cameroon S.A.

C’est une correspondance adressée à Joseph Dion Ngute, le Premier ministre, par la Cameroon Power Holding Actis (CPH Actis) qui apporte des détails sur l’interpellation de Patrick Eeckelers. Le Directeur général d’Eneo Cameroon S.A, entreprise de production et de distribution de l’électricité au Cameroun, a été interpellé le 17 août 2022, par des officiers de la Police judiciaire. D’après ladite correspondance, les faits se sont déroulés aux alentours de 7h 30 minutes, dans un restaurant de la ville de Yaoundé, où s’était installé le manager pour un petit-déjeuner. David Alderton, le Président directeur général de la CPH Actis manifeste par conséquent à travers cette lettre, «les inquiétudes» du groupe face aux faits cités. «Il a été invité sur un ton impérieux et sans ménagement à suivre ces officiers de Police judiciaire (qui n’ont pris la peine de décliner leur identité), y compris sur recommandation de responsables du Hilton. Monsieur Eeckelers n’a même pas eu la possibilité de récupérer sa pièce d’identité qui est demeurée dans sa chambre d’hôtel», relève David Alderton.

L’infortuné sera ensuite conduit de force «dans un taxi banalisé» en direction des services de la Police judiciaire de Yaoundé, au sein desquels il sera entendu, «pendant près de 2 heures», indique la correspondance. Après avoir fait «l’objet de diverses menaces (y compris d’être mis en cellule) sans le moindre égard et sans pouvoir contacter ou alerter qui que ce soit, ceci en violation de ses droits les plus élémentaires….». Patrick Eeckelers a été finalement libéré «après intervention de hauts responsables de la Police judiciaire», précise le Président directeur général de CPH Actis. D’où les inquiétudes et la vive protestation concernant «le traitement inacceptable et les conditions de cette interpellation», exprimé par le groupe industriel.

Malversations financières

Mais que reproche-t-on exactement à Patrick Eeckelers, arrivé à la tête de l’entreprise Eneo S.A, le 30 mars 2022? D’après une source, «le dossier est costaud». Elle dévoile, entre autres raisons, des soupçons de détournements organisés de véhicules de l’entreprises sous le prétexte de vols, des dysfonctionnements au niveau de l’inspection générale d’Eneo, des soupçons sur l’attribution de certains marchés et la couverture en interne de réseaux de fraude entretenus par des responsables à Eneo, la mise en cause des agissements de M. Remy Jean Plissier et la gestion de la sécurité de l’entreprise.

La même source évoque par ailleurs l’acquisition à travers une société écran de groupes électrogènes de marque «Caterpillar» inadaptés pour la centrale thermique de Bertoua en 2018, la disproportion des investissements, le projet de cession de certains barrages au motif de renflouement des caisses de l’entreprise, la situation financière et comptable de l’entreprise qui serait préoccupante, la dette de l’entreprise vis-à-vis des prestataires et en particulier de Tradex, la destination des emprunts de 100 milliards de FCFA et de 210 milliards levés par l’entreprise ou en cours de l’être, les bonus de plus de 3 milliards reversés aux employés par une entreprise qui se dit souvent en difficulté, les conditions du recrutement du cabinet étranger Orrick, et les 7 milliards qu’il recevrait à titre de frais et émoluments, les conditions de recrutement et de collaboration avec le cabinet de l’ancienne collaboratrice de l’entreprise, ou encore la réfection du domicile du Directeur général adjoint d’Eneo à 180 millions de FCFA etc….

La version d’Eneo

Les responsables d’Eneo Cameroon S.A s’inscrivent en faux contre toutes les accusations mentionnées supra. D’ailleurs, ils les considèrent comme un tissu de mensonge propagé par un employé récemment licencié. Pour sa défense, l’opérateur de l’énergie électrique convoque des faits probants, glissés dans une note interne adressée aux employés, dont Ecomatin a pu obtenir copie. Intitulée «sur les récents événements, voici ce que nous devons savoir… ». Eneo Cameroon y indique que «spécifiquement, la lutte contre la fraude se déroule tant en externe qu’en interne. Ce qui a permis de traquer des acteurs du phénomène encore plus que par le passé (….). La détermination de l’entreprise reste intacte. Elle a, ces derniers mois, sanctionné aussi des agents engagés en première ligne du front de lutte contre la fraude. Eneo Cameroon est consciente que ces mesures ont généré de la part de ces acteurs une campagne de désinformation et de dénigrement, dont notre Direction des Affaires Juridiques s’est saisie», clarifie la Direction générale de l’entreprise.

En guise de bilan, Eneo se targue d’avoir en 2021, mis aux arrêts et à la disposition de la justice 487 barons de la fraude. 162 faux électriciens ont également été arrêtés. Parmi lesquels, 15 employés Eneo et 30 des entreprises partenaires licenciés. «Le conseil de discipline suite à de nombreuses investigations a sanctionné leur implication dans des trafics qu’ils sont censés être les premiers à combattre», précise-t-on à Eneo, qui s’en remet aux pouvoirs en place pour faire toute la lumière sur cette affaire et prendre les mesures nécessaires. À suivre.

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