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Cemac: polémiques autour de la notation financière du Port Autonome de Douala

Alors qu’elle a engagé le processus de notation du Port autonome de Douala, l’agence de notation ivoirienne est accusé d'exercer illégalement dans la Cemac par les intermédiaires du marché financier régional.

Stanislas Zézé ne l’avait sans doute pas vu venir. En déplacement au Cameroun le 11 octobre dernier, le PDG de Bloomfield Investment Corporation avait amorcé la première étape de notation du Port Autonome de Douala(PAD), l’entreprise publique qui gère la plateforme portuaire éponyme. Une décente qui intervient quelques temps seulement après que le comité de la commande du PAD ait validé le dossier technique et la proposition financière de l’agence pour cette prestation. L’opération semblait bien engagée au moment où le financier quittait le Cameroun. Sauf que le 18 octobre, la Commission de surveillance du marché financier en Afrique Centrale(COSUMAF) va adresser au patron de l’agence de notation ivoirienne, une correspondance dans laquelle elle lui signifie très clairement le caractère illégal de cette opération.

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Le régulateur du marché s’appuie notamment sur le nouveau règlement portant organisation et fonctionnement du marché financier d’Afrique centrale en vigueur depuis juillet 2022. « En vertu des dispositions de l’article 242 du Règlement du 21 juillet 2022 précité, toute agence de notation souhaitant intervenir en zone CEMAC doit préalablement solliciter et obtenir l’agrément de la COSUMAF », peut-on lire sur la correspondance signée de Danielle Bunduku-Latha. Le secrétaire général de l’institution sous régionale invite à cet effet Bloomfield à régulariser sa situation « dans les meilleurs délais ». Ce qui suppose le dépôt d’un dossier de demande d’agrément en qualité d’agence de notation sur le marché financier régional.

 Ce qui coince

Seulement, le cadre juridique sus cité ne précise pas les conditions d’octroi d’agrément, celles-ci devant être précisées dans un texte particulier. L’invitation de la COSUMAF est donc clairement une fin de non-recevoir. Une décision que partagent à plus d’un titre les intermédiaires boursiers agrées dans la sous-région. Dans une correspondance qu’il a adressée le 21 octobre dernier au président de la COSUMAF, Serge Yannick Nana, Président de l’Association des Sociétés de Bourse d’Afrique centrale(ASBAC) dénonce cette démarche de Bloomfield de manière très crue. « Nous remarquons avec consternation qu’une institution à la fois non agréée et extérieure à la région CEMAC puisse cavalièrement approcher les entreprises publiques pressenties, et se prévaloir d’un rôle d’agent de notation, en indiquant par ailleurs comme un prérequis pour ces entreprises dans leurs processus d’introduction en Bourse » écrit le Patron de Financia Capital.

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L’agence de notation ivoirienne n’est pourtant pas à sa première expérience dans la sous-région où elle a déjà noté CAMTEL, BGFI Cameroun, Alios Finance Cameroun. Pour l’ASBAC, la COSUMAF devrait mettre fin aux « activités illégales de la Société Bloomfield Investment Corporation en Zone Cemac ». Joint par EcoMatin, le PDG de Bloomfield dit avoir saisi la COSUMAF pour lui signifier les contours de son action de notation qui ne nécessite pas un agrément préalable. « …une agence de notation financière est une société commerciale avant tout, et qui n’a pas besoin d’agrément pour noter une entité, quel que soit le territoire. Cependant pour que ses notes soient reconnues par un régulateur de marché financier, celui-ci doit l’agréer au préalable ; ce qui veut dire que l’agrément concerne des opérations spécifiques du marché financier qui tombent dans le périmètre du régulateur» réagit-il avant de poursuivre «Il y’a eu une mauvaise compréhension et interprétation de l’opération avec le PAD. Maintenant que nous avons donné les informations correctes je présume qu’il s’agit désormais d’une affaire réglée »

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Notation financière : mais pour quoi faire ?

Sur les marchés financiers la notation financière (rating, en anglais) consiste à évaluer la solvabilité d’un emprunteur ou d’une entreprise, et, plus largement, les risques liés aux actifs financiers. Qu’il s’agisse d’actions, d’emprunts ou encore de l’endettement d’un État (notation souveraine), la notation financière apporte aux investisseurs les éléments d’information dont ils ont besoin avant d’investir. L’action de notation engagée par Bloomfield intervient quelques jours seulement après que l’État du Cameroun a annoncé son intention de céder une partie des actions du PAD à la Bourse des valeurs mobilières d’Afrique centrale(BVMAC). Une simple coïncidence a en croire Stanislas Zézé . « Le Port Autonome de Douala, avec lequel nous avons commencé les négociations depuis 2017 pour établir sa qualité de crédit, a finalement accepté de le faire en 2021 et a inscrit cette notation dans son budget 2022. Cette opération est une notation volontaire et n’est pas liée à la cotation du PAD à la BVMAC, qui a été décidée après le premier semestre 2022» réagit-il. 

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Un avis que ne partage pas l’ASBAC: « Nous, Sociétés de Bourse, constatons que la Société Bloomfield anime cette confusion auprès des émetteurs potentiels de la sous-région CEMAC, avec pour corollaire le renchérissement des coûts de sortie pour les opérations d’introduction à la Bourse pour les sociétés pressenties… tout rapport de notation que produirait aujourd’hui la société Bloomfield ne pourrait être utilisé par les sociétés de Bourse dans leur document d’information destiné au public dans le cadre d’un appel public à l’épargne en zone CEMAC», écrit Serge Yanic Nana.

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