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Crise anglophone : l’économie camerounaise fortement menacée

Selon les estimations du Groupement inter-patronal du Cameroun (Gicam), le manque à gagner pour les entreprises qui y sont installés est estimé à environ 269 milliards de FCFA, pour près de 8 000 emplois relevant du secteur formel menacés.

Il y a donc péril sur l’économie camerounaise en général. Les entreprises basées dans la région du Sud-Ouest et du Nord-Ouest paient un lourd tribut de la crise socio-politique qui y a cours. Selon les estimations du Groupement Inter-patronal du Cameroun (Gicam), qui a mené une étude sur les conséquences économiques et les impacts sur l’activité des entreprises, de l’insécurité dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest au mois de juillet, cette crise a déjà coûté 2 153 192 651 F CFA de destructions de biens immobiliers, de matériels roulants et meubles. Pour un manque à gagner en termes de chiffres d’affaires estimé à 269 056 139 065 F CFA dans les secteurs investigués. Ce manque à gagner causé aux entreprises basées dans les régions anglophones, précise le Gicam implique de manière mécanique un manque à gagner immédiat de 5 919 235 059 F CFA de recettes fiscales pour l’Etat au titre de l’acompte de l’Impôt sur les sociétés (dont le taux est fixé à 2,2% calculé sur le chiffre d’affaires).

En termes d’emplois, les pertes sont essentiellement celles des entreprises agro industrielles. Dans l’ensemble, indique le Gicam, ce sont près de 8 000 emplois relevant du secteur formel qui sont aujourd’hui menacés en plus des 6 434 emplois déjà perdus sur les sites en arrêt de production des agro industries. Le principal regroupement syndical du Cameroun constate que les répercussions de la situation dans les régions du Sud-Ouest et du Nord-Ouest sur l’ensemble de l’économie sont particulièrement importantes compte tenu du positionnement spécifique de ces régions dans certaines filières de l’économie et surtout compte tenu du contexte spécifique dans lequel la crise est intervenue. En effet, la région du Sud-Ouest, en particulier, occupe une place économique très sensible pour certaines filières agricoles et accueille des investissements stratégiques importants. Cette crise par conséquent met profondément à mal des filières aval et se propage aux nombreux fournisseurs des mastodontes agro industrielles qui y sont installées. Les conséquences de la crise anglophone sur l’économie camerounaise sont d’autant plus néfastes que cette dernière est survenue alors que le Cameroun était dans un contexte de convalescence économique, rappelle le Gicam. En effet, le pays accusait encore le coup de la chute drastique des prix de matières premières.

Cette conjoncture internationale défavorable avait notamment fragilisé les fondements des finances publiques (déficit budgétaire passant de 2% du PIB en 2015 à 6,5% en 2016) et généré une accumulation de la dette et des arriérés de paiements de l’Etat, notamment auprès des entreprises. Ce qui a conduit le gouvernement à solliciter un appui du Fonds Monétaire International (FMI) pour un accompagnement budgétaire adossé sur un programme de réforme économique. Et, l’ajustement conduit dans ce cadre, fait remarquer le Gicam, s’est traduit en outre pas une pression fiscale de plus en plus forte sur les entreprises par la multiplication des prélèvements, l’intensification des contrôles, le durcissement des conditions de remboursement des sommes dues aux entreprises, y compris les crédits de TVA, etc. Concomitamment à cette pression, une autre difficulté avait déjà émergé et portait sur l’accès aux devises. Face à la pénurie des devises, les délais de traitements et de réponses aux demandes de devises faites par les banques commerciales à la banque centrale sont désormais incertains et vont de plusieurs semaines à plusieurs mois. Le Gicam craint même un risque de crédit crunch, vu la multiplication des limitations à l’octroi des crédits aux entreprises.

56 milliards de pertes dans la Filière café-cacao

L’agriculture est donc la principale victime économique de la crise socio-politique qui sévit dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, particulièrement la filière cacao-café.  Le Sud-Ouest et le Nord-Ouest sont notamment d’importants bassins de production de thé, de palmier à huile et surtout de cacao et de café. Le Gicam estime à 56 milliards de FCFA de pertes, soit 20% des recettes d’exportations, du fait de cette crise sécuritaire compte tenu de ses spécificités et de l’importance de ces régions dans la production de ces filières. Le Sud-Ouest représente notamment 45% de la production cacaoyère nationale, tandis que le Nord-Ouest est le principal bassin de production du café arabica avec plus de 70% de la production nationale. Dans la filière cacao en particulier, la hausse de production observée dans les autres zones de production et l’ingéniosité des certains acteurs ont réussi à maintenir un relatif flux de transaction et permettent de limiter les dégâts au cours de cette campagne 2017-2018.

Malgré tout, le Sud-ouest, relève le Gicam, a perdu sa première place dans la production nationale de cacao au bénéfice du Centre passant de 45,45% des ventes nationales de cacao à 32%, soit une perte de 43 000 tonnes sur la campagne 2017/2018. La perte financière qui en découle est de l’ordre de 56 milliards F CFA si en valeur recettes d’exportation (rapatriement de devises) dont 35 milliards de F CFA de recettes des agriculteurs du Sud-Ouest en considérant les cours du cacao sur le marché mondial. Le Gicam ajoute que la redistribution des primes aux planteurs est complètement compromise. Et, c’est près de 3 milliards F CFA de revenus des planteurs perdus. Le Gicam note que le contre-coût sera très important pour les campagnes à venir même en cas de rétablissement du climat sécuritaire car, de nombreuses plantations sont à l’abandon et une quantité considérable de l’équipement de production est désormais détruite. Le risque pour le 2018/2019, vue la situation encore plus critique qu’on constate en ces derniers mois de « mid crop » 2017/2018, est une perte entre 60 000 tonnes et 100 000 tonnes. Cela représenterait entre 78 et 130 milliards de FCFA en valeur recettes d’exportation (rapatriement de devises) dont entre 49 et 81 milliards de F CFA de recettes des agriculteurs du Sud-Ouest,  car l’insécurité et les déplacements de populations sont préjudiciables aux activités agricoles et à l’entretien des plantations. La quantité et la qualité de la production sont ainsi affectées ; l’entretien des plantations et les opérations post récolte étant réduites au minimum.

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