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CNPS : la chute du nombre d’immatriculations inquiète

Malgré les efforts d’innovation fournis par le Top Mana­gement de cette entreprise et le coup de pouce de la présidence de la République, cer­tains indicateurs montrent que ses performances n’ont pas cessé de décli­ner depuis quelques années.

La Caisse Natio­nale de Prévoyance Sociale (Cnps) fait sans conteste partie des entreprises parapubliques qui ont dominé l’actua­lité ces dernières années. Entre des « révélations » sur la rémunération jugée abusive de son Directeur général, Noël Alain Olivier Mekulu Mvondo Akame, et des informations plus positives sur l’améliora­tion de la qualité des ser­vices, tout est passé dans la presse locale. Selon des données de l’entreprise et auxquels Ecomatin a pu avoir accès, l’institution a enregistré en 2019 près de 76 500 nouvelles immatri­culations de travailleurs, dont 58 000 sous le régime obligatoire, et 16 544 sous le régime volontaire.

Les nouvelles immatricu­lations des employeurs au cours de la même année quant à elles se sont mon­tées à 11 414, contre 5 349 en 2018.

Dans ces conditions, le nombre total des nou­velles immatriculations à la CNPS pour l’année 2019 est de 87 894, ce qui porte le nombre total de personnes immatriculées à la CNPS à 947 200, soit une augmentation de 86 719 personnes (Ce chiffre tient compte du nombre d’immatriculés radiés, suspendus ou réactivés) par rapport aux 860 427 personnes immatriculées jusqu’en fin 2018.

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Inquiétudes

Si on peut saluer une per­formance qui a permis d’augmenter de façon re­marquée le nombre de per­sonnes ayant un travail qui leurs garantie la protection sociale, la comparaison de ces données avec d’autres indicateurs peut alimenter un certain nombre d’in­quiétudes. La première inquiétude, c’est que le rythme de recrutement de nouvelles personnes im­matriculées s’est effondré, malgré l’introduction de la technologie dans le sys­tème de déclaration, entre 2015 et 2019. En 2014 par exemple, le nombre d’em­ployeurs immatriculés était de 70 557. En 2015, un an plus tard, il est tombé à 38 308. Et depuis, il n’a cessé de décroitre jusqu’en 2018 où il était de 35 555 avant d’effectuer une légère re­montée en 2019 à 38 620.

Le nombre d’employés et d’assurés volontaires a suivi la même trajectoire descendante. En 2014, la CNPS a immatriculé 82 052 employés. En 2015, seuls 69 985 employés ont été enrôlés. La même année, année de lance­ment des immatriculations volontaires, le nombre de personnes enrôlées au titre de l’assurance volontaire était de 85 126. Trois ans plus, en 2018, ce nombre est tombé à 16 216 avant de remonter à 18 544 en 2019. La CNPS est donc passée d’un recrutement annuel de 155 111 em­ployés et assurés volon­taires en 2015 personnes, à seulement 76 500 per­sonnes immatriculées en 2019. De manière globale, 152 609 personnes ont été immatriculées à la CNPS en 2014, avant le début de la digitalisation des ser­vices et process de l’en­treprise, contre 87 894 en 2019, après environ cinq ans de digitalisation, soit une contreperformance de 64 715 immatriculations en valeur absolue, et de 42,4% en valeur relative.

En fait, 2019 a été, sur le segment des assurés du régime obligatoire, la pire année en terme d’enrôlement de nou­velles personnes tra­vaillant dans le secteur privé, et qui sont des bé­néficiaires de la protec­tion sociale. Ce constat emmène automatique­ment à s’interroger sur le type d’emplois créés, et dont le président de la République a fait des an­nonces à chacun de ses discours de fin d’année depuis 2015. Au total, un peu plus de 3 millions de nouveaux emplois cumulés ont été annon­cés par le chef de l’Etat, soit près de 3 fois plus le nombre des personnes immatriculés. Cette lo­gique peut se voir oppo­sé le fait que les emplois annoncés comme créés ne sont pas seulement dans le secteur privé et que des recrutements se sont effectués dans le corps des forces de l’ordre et de sécurité, de l’ensei­gnement, de la médecine, qui ont des systèmes de pension propres à eux. Mais des données sur la taille et le poids de la fonc­tion publique et des entités parapubliques ne corro­borent pas cette manière de voir.

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Disparité

Cette disparité entre le nombre de travailleurs enregistrés à la CNPS et le nombre de poste de travail annoncés comme créés par le gouvernement a deux explications : la pre­mière tient aux capacités de l’entreprise, à enrôler tous les emplois décents créés. «Le système est déclaratif. Quelqu’un peut ouvrir son entre­prise sans signaler à la CNPS. C’est donc à nous de chercher à avoir l’in­formation. Et cela n’est pas facile. C’est en géné­ral l’administration fis­cale qui nous répercute l’information. Or elle-même a souffert du défi­cit de digitalisation de son système qui ne per­mettait pas d’avoir une connaissance exhaustive des assujettis», explique une source interne à la CNPS.

Pour améliorer les per­formances de l’entre­prise en matière d’imma­triculation notamment, le Top management a décidé de l’engager dans un vaste programme de digitalisa­tion depuis le milieu de la décennie en cours. Si la digitalisation est une bonne option, autant que le recours des assureurs aux technologies pour mobi­liser de nouveaux clients, les statistiques énumérées ci-dessus montrent bien qu’ils n’ont pas réussi à enrayer la chute du nombre d’immatriculés durant ces dernières années.

La question est aujourd’hui celle de savoir si la CNPS d’aujourd’hui peut corriger les choses de manière effi­cace. Il est évident que la digitalisation peut devenir une solution, autant que le recours des assureurs aux technologies pour mobi­liser de nouveaux clients. Mais cela semble deman­der une dynamique jeune dans le management d’un tel projet. Si la CNPS a beaucoup évolué dans ses méthodes, son organisa­tion semble rester encore prisonnière d’une logique conservatrice. La force de travail mise en place pour travailler à enregistrer plus de nouveaux travailleurs, principalement des jeunes, est constituée à près de 62% des personnes de plus de 45 ans, et même de 50% si on prend la tranche d’âge supérieur à 50 ans. Un renouvèlement des ac­teurs en charge de la prise et la conduite des déci­sions stratégique pourrait se montrer bénéfique.

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PNUD

Il faut en second lieu, se demander si tous les em­plois annoncés par le pré­sident de la République comme créés, sont décents. Le Cameroun a certes créé des emplois depuis 2015, mais que ces emplois sont indécents et rentrent dans la catégorie de sous-em­plois. Le gouvernement s’est engagé dans la lutte contre le sous-emploi et s’était promis de le réduire à seulement 50% à l’hori­zon 2020.

A quelques mois du terme de cette échéance, il est évident que cette promesse ne sera pas tenue, et donc que le Cameroun conti­nue de créer des emplois indécents. Selon le rap­port national sur le déve­loppement humain 2019 édité par le Programme des Nations unies pour le Développement et le gou­vernement camerounais, le secteur informel occupait encore 82,9% de l’emploi en 2014, dont 45,4% dans le secteur agricole.

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