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Comment Banque Atlantique Cameroun a fait annuler les sanctions de la Cobac

Le régulateur du secteur bancaire dans la Cemac avait en octobre 2021, dans le cadre d’une procédure disciplinaire ouverte contre la filiale du groupe AFG, démis d’office les membres du conseil d’administration et blâmé la banque de même que ses dirigeants sociaux. 7 mois après, ces décisions viennent d’être purement et simplement annulées par la cour de justice de la Cemac. EcoMatin revient sur les multiples cas de violations de la Cobac sur lesquels s’est appuyée la banque pour tourner la balance en sa faveur. Violation de ses propres textes, procédures disciplinaires non respectées, infractions non motivées…

On pourrait parler d’une victoire à la Pyrrhus pour Bernard Koné Dossongui, l’homme d’affaires ivoirien et patron d’Atlantic Financial Group(AFG). Le 12 mai dernier, la Cour de justice de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale(Cemac) a annulé toutes les sanctions que le régulateur du secteur bancaire avait prises à l’encontre de Banque Atlantique Cameroun(BACM), filiale locale de AFG, et ses dirigeants. Une décision motivée par plusieurs vices de formes, de procédures et des défauts de bases légales retrouvées dans les sanctions de la Commission bancaire d’Afrique centrale(Cobac). La Cobac se voit ainsi désavouée pour la deuxième fois dans la même affaire. En décembre 2021, le juge communautaire avait rétablis dans leurs droits les administrateurs, alors démis d’office par le régulateur qui accusait la banque de blanchiment d’argent et financement du terrorisme.

Violations sur le fonds et la forme

Pour soutenir son recours en nullité de la décision de la Cobac, Me Athanase Mbaigangnon, agissant au nom et pour le compte de BACM a introduit au total 11 moyens dont 9 ont été retenus par le tribunal. On peut relever entre autres, la violation par le Secrétaire général de la Cobac, le camerounais, Halilou Yerima Boubakary, du principe du contradictoire car apprend-on, la procédure disciplinaire contre la banque a été ouverte avant l’établissement du rapport définitif de la mission de contrôle. De même, le tribunal a jugé l’ouverture de cette procédure précipitée car selon l’article 17 du règlement Cobac, elle ne devrait être ouverte que lorsqu’un établissement de crédit « n’a pas tenu compte d’une mise en garde, n’a pas déféré à une injonction… ». Or après avoir prononcé une injonction, la Cobac, sans en attendre les effets, s’est empressée d’ouvrir la procédure.

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Autre vice de forme relevé par BACM et retenu par le juge, c’est le fait de rattacher des griefs à des infractions camerounaises sans les désigner clairement, ni indiquer les textes de loi se référant à ces griefs en violation du Règlement Cobac R-2017/01 relative aux modalités de convocation des dirigeants d’un établissement de crédit. Dans le détail, apprend-on, les lettres de convocations adressées aux dirigeants annonçaient des faits imprécis notamment « les dispositions en vigueur au Cameroun » et au tribunal de conclure sur ce point, « en ayant pas précisé les infractions dont il s’agit, ainsi que les textes qui prévoient et répriment lesdites infractions, la Commission bancaire ne peut s’appuyer sur les faits ainsi incriminés pour asseoir quelques griefs que ce soit ; que cela constituerait une violation du principe du contradictoire et des droits de la défense » écrit l’arrêt consulté par EcoMatin. La Cour de justice, basée à N’Djamena, retient également la non convocation des 9 membres du conseil d’administration   qui ont pourtant été sanctionnés, une faiblesse notée par la Cobac elle-même lors du réexamen du dossier, le 22 décembre apprend-on, les PCA, le DG et le DG étant les seuls ayant été entendus en session disciplinaire. De même la Cobac est accusée d’avoir prononcé des sanctions inégales à l’encontre de la banque, le conseil d’administration et la direction générale pour les mêmes faits, les mêmes griefs et la même motivation alors même que les attributions de ces entités sont bien distinctes.

Blanchiment d’argent et financement du terrorisme

Au-delà des questions de forme, le point central des sanctions de la Cobac à savoir la violation du règlement relatif à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme a également été débouté par le tribunal pour défaut de base légale. En effet, selon la décision de la Cobac, Banque Atlantique a « enfreint gravement la règlementation relative à la LBC/FT, en mettant en place une pratique dite d’apporteurs d’affaires qui s’est traduite par une spoliation des ressources des sociétés publiques et parapubliques concernés ». Un avis que ne partage pas le juge car le contrat dudit apporteur d’affaires avait été transmis au secrétaire général en février 2020 et les éléments constitutifs de l’infraction n’ont pas été présentés de même que l’énumération des textes violées ne comporte pas les textes relatifs à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme. « La Cobac n’a pas cité de manière précise les éléments constitutifs de l’infraction ni visé les textes qui prévoient et répriment ladite infraction de sorte que cette infraction soit déclarée ou établie » précise le juge qui in fine annule toutes les décisions de la Cobac pour « vice de forme, de procédure et défaut de base légale ».*

Lire aussi : Affaire Banque Atlantique/Cobac : la Cour de justice de la Cemac suspend les sanctions du régulateur

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