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Comptabilité : auditeurs menacent de ne pas certifier les états financiers de 8 entreprises publiques

Dettes fiscales non justifiées, audit des créances non finalisé, incohérence entre l’état des engagements par signature et la comptabilité, absence de la comptabilité analytique, absence d’information sur la cession ou le transfert en propriété, capital social non libéré, des commissaires aux comptes ont mis à jour diverses violations de l’Acte uniforme Ohada dans une dizaine de structures. Les auditeurs menacent de ne pas certifier les états financiers de ces entreprises.

L’article 10 de la loi du 12 juillet 2017 portant statut général des entreprises publiques pose de manière claire le principe de la soumission des entreprises publiques au droit Ohada. Néanmoins, il subsiste quelques récalcitrants qui s’illustrent par une gestion opaque. « Malgré les multiples relances et mobilisations effectuées pour rentrer en possession des états financiers certifiés, il y a lieu de relever que les documents financiers auprès de 11 entreprises publiques (sur 44) n’ont pas pu être recueillis soit 25%”, lit-on dans le rapport sur les concours financiers de l’Etat aux entreprises, annexé dans la loi de finances 2021. Bien plus, l’exploitation des états financiers produits révèle des insuffisances dans la tenue de la comptabilité.

Ainsi, des commissaires aux comptes menacent de ne pas certifier les états financiers du Port autonome de Douala (PAD), du Port autonome de Kribi (PAK), du Parc national de matériel de génie civil (Matgenie), de la Mission d’aménagement et d’équipement des terrains urbains et ruraux (Maetur), de la Caisse de stabilisation des prix des hydrocarbures (Csph), de la Société de presse et d’édition du Cameroun (Sopecam), de la Commercial bank of Cameroon (CBC) et de l’Agence nationale d’appui au développement forestier (Anafor).

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Pour le PAD, le Cabinet membre Indépendant du Réseau Moore Global Network Limited prévient que “si les états financiers provisoires sont arrêtés tels qu’ils vous ont été présentés, nous serons amenés, à l’issue de l’arrêté des comptes, à formuler dans notre rapport général sur les comptes de l’exercice 2019, une opinion avec réserves adossées sur les soldes de clôture de l’exercice 2018, les suspens bancaires, les titres de participations du Chantier Naval Industriel du Cameroun, la concession entre DIT et PAD et le solde du fournisseur China Harbour.”

Information financière

Pour ce qui est du PAK, le cabinet Axys, note que la dette fiscale au 31 décembre 2019 s’élève à 6 406 539 149 Fcfa dans les états financiers du PAK. L’analyse de cette dette a permis de constater que des retenues sur salaires et autres impôts provenant de l’exercice 2018 demeuraient présents dans le solde du compte. “Les investigations sur cette situation ont conduit à constater que les retenues d’un montant de 605 776 963 Fcfa avaient été réglées au cours de l’exercice 2018 par une contrainte extérieure transmise à la Paierie Générale par l’administration fiscale”, souligne l’auditeur. Cependant, “ce paiement n’a jamais fait l’objet de comptabilisation en l’absence d’information sur la nature des ressources ayant permis de régler cette contrainte extérieure”, lit-on. Par conséquent, “le solde du compte « Dettes fiscales » tel qu’il apparaît dans les états financiers du PAK au 31 décembre 2019 n’est pas justifié”, conclut le Cabinet.

Situation juridique

En ce qui concerne le Matgenie, le Cabinet Hassanou Ibrahima relève, que l’audit des créances « clients engagés » depuis 2017 doit être finalisé et les conclusions y relatives intégrées à la comptabilité. Les dettes « fournisseurs » doivent faire l’objet d’un audit externe. Les dettes fiscales n’ont pas été justifiées, notamment la TVA sur les encaissements. Le taux d’exécution des recommandations du Commissaire aux Comptes est trop faible.” De plus, le Cabinet déclare que “le Conseil de Matgenie n’a produit aucune convention conclue au cours de l’exercice et entrant dans le champ d’application de l’article 30 des statuts du Matgenie et de l’article 438 de l’Acte Uniforme Ohada relatif au Droit des Sociétés Commerciales et GIE.”

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S’agissant de la CBC, les Cabinets Deloitte & Touche Afrique Centrale puis Eca-Ernst & Young Cameroun notent une “Incohérence entre l’état des engagements par signature et la comptabilité” et questionnent la “Situation fiscale de la Banque”.

De son côté, le Cabinet Bekolo & Partners a formulé trois réserves sur la comptabilité de l’Anafor. Dans un premier temps, le Cabinet réitère sa précédente recommandation suivant laquelle “l’Anafor doit régulariser sa situation juridique, comptable et financière, avec l’appui de sa tutelle financière, afin de se conformer aux textes en vigueur ; en conséquence, cette observation est maintenue”, lit-on. Ensuite au cours de l’audit de l’exercice 2019, “l’acte de cession ou de transfert en propriété ou en jouissance des biens de l’ex-Onadef à l’Anafor ne nous a pas toujours été présenté ; en conséquence, cette réserve est maintenue” indique l’auditeur. Enfin, au cours de l’audit de l’exercice 2019, le Cabinet note qu’il subsiste un écart de 3 553 165 Fcfa entre les livres comptables et le procès-verbal de la caisse détenue par l’Agent-comptable au 31 décembre 2019. En conséquence, cette réserve est maintenue.”

Comptabilité analytique

A la Csph, la Cabinet Come Tienta & Partners attire l’attention sur le “prêt Csph à Camair-Co et l’avance de trésorerie à l’Etat de Cameroun 2,5 milliards.” L’auditeur signale aussi l’inexistence de la comptabilité analytique. En effet, la loi du 12 juillet 2017 portant statut général des établissements publics au Cameroun prévoit en son article 50 que chaque établissement public doit tenir trois types de comptabilités à savoir : une comptabilité budgétaire de recettes et des dépenses, une comptabilité générale et une comptabilité analytique. Lors de la réorganisation de la Csph, survenue en 2019, un nouvel organigramme a été mis en place en créant un nouveau service de comptabilité analytique et de contrôle de gestion. “Toutefois, et du fait de la Jeunesse du service, nous constatons que la comptabilité analytique n’est pas encore opérationnelle au sein de la Csph. Ce manquement a été porté à la connaissance de la Direction Générale qui a décidé de prendre des mesures nécessaires pour régler cette situation”, indique le Cabinet.

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A la Sopecam, la Commission financière “déplore une fois de plus la transmission tardive des états financiers et de la DSF à la Commission Financière.” Ce qui n’a pas permis “de procéder à toutes les vérifications possibles de ces états financiers.” Par la passé, la Commission financière avait recommandé à l’entreprise de continuer à renforcer sa capacité de recouvrement des créances d’une part, et améliorer sa productivité d’autre part, dans le but de continuer à améliorer sa trésorerie. Ceci pour répondre à ses besoins en fonds de roulement sans avoir à recourir systématiquement à un endettement. De plus, l’entreprise devait stabiliser, voire réduire, ses charges sociales pour ne pas freiner ses efforts pour l’amélioration de sa capacité financière. Mais à date, “la première recommandation n’a pas été mise en œuvre car, le volume des créances a plutôt augmenté.”

Filouterie financière

A la Maetur, le Cabinet Cabinet Okalla Ahanda & Associes. JP Akalla Ahanda a formulé cinq séries d’observations. D’un solde débiteur de 287 069 727 Fcfa au 31 décembre 2018, les comptes d’attente affichaient plutôt un solde créditeur de 214 957 228 Fcfa à fin décembre 2019. De même, l’écart de réévaluation légale des immobilisations au 31 décembre 2014 d’un montant de 690 202 263 Fcfa n’a pas été incorporé au capital (fonds de dotation) comme prévu dans les dispositions légales en vigueur. “La direction de la Maetur a adressé le 20 octobre 2015 une correspondance N/Réf/DG/DAF/DEM/MLV n°001692 au Minfi relative à l’incorporation de l’écart de réévaluation des immobilisations aux fonds de dotation. A la date de rédaction du présent rapport, aucune réponse n’a encore été reçue du Minfi”, indique l’auditeur. Le Cabinet constate des titres de participations d’un montant de 30 millions de Fcfa au 31 décembre 2018, constitués des actions NCC pour un montant de 15 millions et des actions SPI/Unicam pour 15 millions. Cependant, “la Maetur ne dispose ni des états financiers, ni des procès-verbaux de délibération des organes sociaux desdites entreprises. Ses titres sont provisoires à 100%.” Au niveau de la vente des parcelles de terrains, le Cabinet révèle qu’à avoir perçu 83 millions auprès de ses clients, au titre de la vente de douze parcelles de terrains dans la zone dite « Centre Administratif Madagascar » à Douala, la Maetur n’a pas recasé, comme prévu, certaines familles qui occupent illégalement les lieux et empêchent ses clients de jouir de leurs lots plus de 25 ans après. Les sommes versées par les clients n’ont pas été restituées. De plus, le capital social de 3 milliards entièrement détenu par l’Etat, unique actionnaire, n’a pas encore été libéré.

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