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Comptes publics : les receveurs municipaux à l’école des comptes

Des receveurs de 150 communes élaborent leurs comptes de gestion de l’année 2019. L’exercice se fait sous l’encadrement des ministères en charge des Finances et de la Décentralisation ainsi que de la Chambre des comptes de la Cour suprême.

La fonction locale se consolide au Cameroun. Les communes (360) et les communautés urbaines (14) prennent le chemin de la Chambre des comptes de la Cour suprême où elles devront déposer leurs comptes de gestion de 2019. La rédaction de ces états financiers s’est fait  sous l’encadrement des représentants des ministères en charge des Finances, de la Décentralisation et du Développement local ainsi que de la Chambre des comptes et le soutien technique du Programme national de développement participatif (PNDP). 150 communes ont suivi un coaching afférent à leur clôture budgétaire et comptable du 19 au 29 août sur l’ensemble des dix régions. Courant juillet 2020, 224 municipalités avaient déjà pris part à ce coaching inédit.

Les collectivités territoriales décentralisées avaient jusqu’ici fait figure de mauvais élèves en matière de reddition des comptes. Seules 10% d’entre elles se pliaient à cette exigence, selon le rapport 2016 de la Chambre des comptes de la Cour suprême. L’on y apprend qu’après avoir franchi la barre de 88 comptes présentés entre 2014 et 2015, le nombre de collectivités engagées dans cet impératif avait chuté à 41 en 2016. Une courbe que le gouvernement tente de redresser. En 2019, une première session de coaching organisée en faveur de 150 communes avaient permis de porter à 46,26% le nombre de collectivités conformes aux principes étatiques de redevabilité. L’objectif poursuivi cette année est 100%.

«Quand une commune a reçu de l’argent des contribuables, des bailleurs de fonds et de l’Etat, le rôle du receveur c’est de recenser toutes ces entrées et démontrer qu’il les as dans sa comptabilité. Maintenant quand il y a des dépenses, chaque acte doit avoir des pièces justificatives. Le rôle du receveur est de présenter tout ce qu’il a pris en charge durant une année », souligne Sylvestre Chegue, chef comptable du PNDP pour le Littoral.

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Incompétence et boulimie

La reddition des comptes est un impératif pour les gestionnaires des biens publics qui est réitérée dans la loi de 2018 portant Code de transparence et de bonne gouvernance dans la gestion de la fortune publique. Ledit texte dispose que les comptes de gestion soit retransmis à la chambre des comptes chaque année à fin août au plus tard pour des opérations de contrôle.

Les pièces attendues sont notamment : l’état de recettes (10 milliards de Francs CFA de dotation générale de la décentralisation, 15 milliards de Francs CFA de centimes additionnels et les fonds propres des communes) et des dépenses et l’ensemble des pièces justificatives. Entre renouvellement des receveurs comptables, peur des mises en débets et ignorance des procédures, les receveurs municipaux ne rendent pas toujours leurs copies. « On se rend compte que plusieurs ne maitrisent pas la nomenclature. Il y a des textes mais ils ne prennent pas souvent le temps de les lire. Du coup quand les comptes de gestion arrivent à la Chambre des Comptes, on se rend bien compte que plusieurs ne maitrisent pas le travail auxquels ils sont appelés», explique Fany Ngoupe, représentante de la Chambre des Comptes.

Dans les communes, le poste de receveur municipal est très convoité. Il est d’usage de voir des agents communaux passer de secrétaire général à receveur municipal, l’inverse ne se produisant que très rarement. Avant la mise sur pied de l’Ecole d’administration locale le 02 mars dernier, les recrutements de receveurs se faisaient au gré de pots de vin et de jeu de relations dans les hautes sphères des ministères de la Décentralisation et des Finances. Les nominations issues de ce processus ne tiennent pas toujours compte des compétences et les actions de ces gestionnaires de fonds publics sont souvent entachées de mauvaise volonté. Ainsi depuis 2011, des communes comme celles du Banyo, Esse, Afanloum, Okola, Batchenga, Evodoula, Ebebda, Ntui, Limbe 3, Muyuka, Mundemba, Ekondo Titti, Mamfe, etc, n’ont jamais présenté de compte de gestion. D’autres mairies à l’instar de Ngoumou, Yaoundé 7, Yaoundé 5, Yaoundé 3, Yaoundé 2, Yaoundé 1 se sont pliées à la clôture budgétaire et comptable pour la première fois en 2019, au terme de la phase pilote du coaching du PNDP.

Dans le cadre de la reddition, les communautés urbaines font office de bons élèves. Elles ont produit plus de 33 compte-rendus de leurs gestions financières depuis 2011. Sur place, le service est géré par des diplômés de l’Ecole nationale d’administration et de magistrature (Enam), souvent des sous-préfets ou préfets. C’est le cas notamment des communautés urbaines de Yaoundé et Douala qui pourtant n’ont soumis au contrôle que 6 et 5 comptes de gestion à ce jour.

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A quand les sanctions ?

La Chambre des comptes est chargée du contrôle et du jugement des comptes. Elle produit chaque année un rapport de ses travaux. Seulement, depuis 2016, l’institution n’en est qu’à son 11e rapport. Dans son édition de 2016 portant sur l’exercice 2015, l’on note totalise dix arrêts de débets. Tous se rapportant à des affaires de 2010 à 2013 pour lesquelles des sanctions n’ont pas encore été prises, de nombreux mis en cause étant encore attendus avec des justificatifs. L’insuffisance de magistrats de compte à la Chambre des Comptes explique en partie ces lenteurs dans les jugements. Un problème que l’insertion de centaines de magistrats de compte formés à partir de 2015 à l’Ecole nationale d’administration et de magistrature (Enam) ne semble pas résoudre. Une solution des plus efficientes reste la création de tribunaux régionaux de compte, exclusivement dédiés à l’examen des comptes des communes telle qu’institué par la Loi n°2006/017 du 29 décembre 2006.

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Réaction

« La Chambre des compte dispose de tous les moyens pour contrôler les comptes publics »

Fany Ngoupe, assistante de vérification à la Chambre des comptes de la Cour suprême

La loi a prévu des sanctions pour ceux qui ne produisent pas leurs comptes de gestion à temps et pour ceux qui ne le font pas du tout. Pour le premier groupe, il y a des amendes qui se calculent sur la base du montant de l’indemnité de responsabilité qui et divisé par deux et ensuite multiplié par le nombre de mois de retard. Pour ceux qui ne déposent pas leurs comptes, la Chambre des comptes à tous les moyens pour contrôler ces comptes qui n’ont pas été déposés. Parmi ces moyens, nous avons les descentes sur le terrain. Lorsque nous faisons ces descentes sur le terrain et que nous sommes en possession du compte administratif, nous y retrouvons toutes les dépenses qui ont été payées par le comptable et nous lui imputons le paiement de tout ceci. C’est pourquoi il est mieux pour eux de produire leurs comptes parce que lorsqu’il y a des descentes sur le terrain, ça devient plus délicat. Il y aura un rapport non seulement pour la Chambre des comptes, mais un autre qui sera adressé au procureur de la République qui à son tour va saisir le ministre de la Justice en vue d’une procédure pénale. 

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