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Corridor Douala-Bangui : reprise du trafic sous haute surveillance

Les 500 camions bloqués à Bangui depuis près d'un mois ont repris la route pour le Cameroun. Par vagues de 30 camions, les convois sont escortés par les Casques bleus avec un important appui aérien. Les transporteurs partis de Garoua Boulaï quant-à-eux sont arrivés à Bangui.

«L’évaluation des pertes et du manque à gagner des transporteurs routiers camerounais du corridor Douala-Bangui est en cours. On ne peut pas faire une évaluation à mi-parcours car la crise se poursuit». Le Bureau de gestion du fret terrestre (Bgft), organisme répartiteur du fret terrestre et le Syndicat national des transporteurs routiers du Cameroun (Sntrc), plus important syndicat des transporteurs terrestres du Cameroun demeurent dans l’expectative. Les affrontements armés en République centrafricaine imposent malheureusement un coup d’arrêt des activités de transports, des biens ou marchandises sur le corridor Douala-Bangui.

De milliers de camions affrétés dans les localités de Garoua-Boulai et de Kentzou, deux localités de la Région de l’Est Cameroun, frontalière à la République centrafricaine attendent interminablement un hypothétique franchissement du territoire centrafricain, munis de diverses cargaisons: oignons, arachides, tomates concentrés, savons, ciment, fer, riz, farine, sucre, sel, carburant, grumes, matériel onusien, véhicules de seconde main, friperie, appareils électroménagers etc. Plus de 90% des produits de consommation centrafricains transitent par le Cameroun, du fait de l’enclavement de la République centrafricaine. Ce pays de l’hinterland est sevré depuis près d’un mois de divers produits d’approvisionnements après la prise de plusieurs localités situées sur l’axe RCA-Cameroun par des rebelles armés.

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Faute d’indications précises sur les pertes financières causées par ce blocus, le Bureau de gestion du fret terrestre annonce, après un blocus à 100% du trafic, une reprise timide des rotations de camions. De bonnes sources, un premier cortège de 33 camions a quitté la localité de Garoua-Boulai en direction de Bangui, capitale de la RCA: «la situation se décante peu à peu après une période d’immobilisme totale au cours de laquelle aucun camion n’entrait et ne sortait des deux pays. Nous avons pris des dispositions pour lancer une reprise d’activités. Mais notre souci ce n’est pas tant les marchandises, mais c’est surtout la vie de nos transporteurs qui nous préoccupe», s’exprime El Hadj Oumarou, le Coordonnateur du Bgft.

Les dispositions référées par ce dernier concernent précisément la sécurisation des biens et du personnel des transports de Garoua-Boulai au Cameroun jusqu’au PK 12 de Bangui, porte d’entrée de la ville. Décriée il y’a quelques semaines du fait de son montant élevé, les frais d’escorte sont devenues une nécessité pour les transporteurs: «nous nous sommes récemment concertés à Douala avec le Bureau d’affrètement routier centrafricain. A l’issue de cette concertation, il était question de saisir les autorités tutélaires des deux pays pour remédier au paiement des frais d’escorte de la Minusca, la Missions des Nations Unies pour la Centrafrique. Nous sommes obligés de reconnaître que nous n’avons plus le choix face à la situation d’insécurité en RCA», explique un transporteur du Groupement des transporteurs terrestres du Cameroun (Gttc).

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De bonnes sources, les frais d’escorte s’élèvent à 50.000 FCFA par camions de marchandises, valant à l’entrée et à la sortie des deux territoires. Les rebelles centrafricains ont effectivement mené des incursions dans les localités de Carnot, Yaloke, Bossembele, Bossemptele, ou Boali, situées sur ce corridor stratégique reliant le Cameroun et la République centrafricaine. Les nouvelles sont d’ailleurs rassurantes sur le corridor. Les 33 camions démobilisés depuis Garoua Balai ont effectivement rallié la capitale centrafricaine sous bonne escorte de l’armée Onusienne. Sauf que parmi les transporteurs, beaucoup hésitent à solliciter les services de la Minusca: «la présence de la Minusca et des forces armées centrafricaines rassure. Mais les rebelles sont très mobiles et sortent parfois par surprise», pense prudemment Louis Ngaissona, affréteur centrafricain basé à Douala. D’après les conventions statutaires de fret entre le Cameroun et la Centrafrique.

Plus de 3 milliards de pertes en un mois sur le corridor Douala-Bangui

Sur la base des chiffres délivrés par le BGFT, ce sont en moyenne un peu plus de 1 millions de tonnes de marchandises qui sortent du Cameroun vers la République centrafricaine annuellement. Pour 40 587 mouvements de camions: «la Centrafrique est un pays dépourvu de façade maritime. Ses marchandises transitent par le Port de Douala. C’est également un pays industriellement dépendant de la production locale camerounaise. Le Cameroun est la voie principale de ravitaillement pour ce pays. D’où cet important trafic», explique Raymond Moungang, le Président régional du Sntrc (Syndicat des transporteurs routiers du Cameroun) pour la Région du Littoral.

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Commerce international

Le secteur du transport terrestre n’a malheureusement pas échappé à la pandémie de covid-19. «L’économie du transport terrestre n’est pas épargnée par les effets négatifs de la crise sanitaire actuelle. L’on observe en effet, une importante contraction des activités dans le transport routier aujourd’hui », explique le coordonnateur du Bgft, El Hadj Oumarou.

Ainsi, au cours de la période allant du 18 mars au 30 avril 2020, le volume de trafic routier transfrontalier est passé de 205.369 tonnes en 2019 à 122.791 tonnes en 2020, soit une baisse de 82.578 tonnes de marchandises, correspondant à 40,20% de baisse de trafic. Toujours d’après le Bureau de gestion du fret terrestre, 30% des entreprises de transport de l’hinterland ont connu un arrêt partiel de leurs activités. 40% des camions de transport de marchandises ont immobilisés faute de nouvelles commandes. Mai 2020, le volume de trafic se situait à 75.297 tonnes de camions transitées du Cameroun vers la RCA. La crise pandémique a globalement perturbé le secteur du fret routier, entraînant une baisse significative de l’activité de 17,49%.

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Cargaisons périssables

Le conflit armé en Centrafrique a malheureusement stoppé net cette dynamique fébrile. Depuis le déclenchement de cette nouvelle crise, le trafic de fret est interrompu, malgré un léger redémarrage, sous escorte des éléments militaires de la Mission des Nations Unies pour la Centrafrique (Minusca). Près de 1500 camions stationnent toujours dans la localité camerounaise de Garoua-Boulai, dans l’Est du Cameroun, où transite 95% du fret terrestre en provenance du Cameroun vers la République centrafricaine. Provoquant des pertes financières estimées de plusieurs centaines de millions de FCFA.

Le prix du transport applicable sur le corridor Douala-Bangui se négocie entre 2 et 2,2 millions de FCFA par affrètement vers la RCA. A raison de quatre rotations mensuellement, le bail de fret se chiffre entre 8 millions de FCFA et 8,8 millions de FCFA. Équivalent au chiffre d’affaires mensuel d’un transporteur sur une unité de véhicule: «il existe des transporteurs propriétaires de plus de 10 camions ou 20. Leur manque à gagner est encore plus important», explique-t-on au Sntrc. Considérant 1500 camions immobilisés, les montants évadés se situe dès lors entre 3 et 3,3 millions de FCFA par unité de camion. Et entre 12 et 13,2 millions de FCFA de pertes cumulées en un mois d’inactivité.

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