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Cotisations sociales : les syndicats des travailleurs réclament une augmentation en prélude à la taxation des pensions retraites

Contre l’avis de la Caisse nationale de prévoyance sociale (Cnps), à laquelle un redressement fiscal de 25,6 milliards FCfa a été infligé en 2022, le gouvernement s’emploie à mettre finalement en œuvre l’imposition du revenu des retraités, tel que prévu dans le Code général des impôts depuis 1973. Tout en tentant de faire échec à l’entrée en vigueur de cette mesure, qui s’inscrit dans la stratégie d’élargissement de l’assiette fiscale, les syndicats des travailleurs, face à la détermination des pouvoirs publics à faire appliquer cette taxation, parient aussi désormais sur une revalorisation de la pension retraite.

Au cours de l’année 2023, l’Etat du Cameroun ne mettra pas en œuvre la taxation de la pension retraite. Mieux, le redressement fiscal de plus de 25 milliards FCfa infligé à la Caisse nationale de prévoyance sociale (Cnps) par la direction générale des impôts (DGI), pour non prélèvement à la source de l’Impôt sur le revenu des personnes physiques (Irpp) sur les pensions retraite servies par cette entreprise, est annulé. C’est la quintessence d’une lettre adressée le 6 septembre 2023 au directeur général de la Cnps, Alain Olivier Mekulu Mvondo, par le ministre des Finances, Louis Paul Motazé.

« J’ai l’honneur de vous faire connaître que vos arguments ont été reconnus fondés. En effet, la loi fiscale étant d’interprétation stricte, la législation fiscale en vigueur ne fait pas de vous le redevable légal de l’Irrp sur les pensions servies, tel qu’il ressort des termes de l’article 81 du Code général des impôts. En conséquence, les impositions de montant FCfa 13,7 milliards, dont en principal 8,009 milliards et FCfa 5,7 milliards en pénalités et intérêts de retard 11,8 milliards mises à votre charge par AMR… du 1er septembre 2022 sont intégralement dégrevées. », écrit le ministre. De bonnes sources, le ministre des Finances a été amené à prendre cette décision à cause d’un vide juridique.

En effet, à la différence du prélèvement de l’Irrp sur les salaires des travailleurs en activité, qui incombe à l’employeur comme il est clairement indiqué dans les textes règlementaires, le collecteur de cet impôt en ce qui concerne les pensions retraites au Cameroun n’est pas précisé. La loi fiscale étant « d’interprétation stricte », comme le rappelle opportunément Louis Paul Motazé dans sa correspondance du 6 septembre dernier, en l’absence de toute précision claire et sans équivoque dans le code général des impôts, on ne saurait attribuer cette prérogative à la Cnps, même si c’est cette entreprise publique qui gère et paie les pensions retraites.

Loi des finances 2024

Cependant, selon nombre de fiscalistes consultés par Ecomatin, la décision de Louis Paul Motazé, en faveur de la Cnps, et au détriment de la direction générale des impôts, ne signifie aucunement un abandon du projet de taxation des pensions retraites au Cameroun. Il suffit simplement de combler le vide juridique sur lequel la Cnps a surfé, avant de pouvoir mettre la mesure en œuvre. Ce qui, de bonnes sources, pourrait être fait dès la fin de cette année 2023, dans le cadre de l’élaboration de la loi des finances 2024 de l’Etat. Car, contrairement à l’argument mis en avant par les syndicats des travailleurs, et qui consistait à dire que la taxation de la pension retraite est contraire à l’article 40 de l’ordonnance du 22 mai 1973 portant organisation de la prévoyance sociale au Cameroun, les pensions retraites ne sauraient être exonérées d’impôts.

Lire aussi : Cotisations sociales : le gouvernement veut taxer la vieillesse

Cette disposition, selon l’éclairage d’un fiscaliste, est plutôt applicable à la Cnps en tant que personne morale exempte de certains impôts du fait de la particularité de ses activités, mais assujettie au paiement des impôts dans le cadre de ses activités lucratives, tels que ses placements financiers, par exemple. « Sont imposables, les revenus provenant des traitements publics et privés, des salaires, indemnités, émoluments, des pensions et rentes viagères, lorsque l’activité rétribuée s’exerce au Cameroun. Les pensions et rentes viagères sont réputées perçues au Cameroun lorsque le débiteur est établi au Cameroun », précise d’ailleurs l’article 30 du code général des impôts actuellement en vigueur au Cameroun. Cette même disposition figurait déjà à l’article 68 du Code général de l’impôt de 1973.

Commission nationale consultative du travail

Du fait de cette disposition réglementaire sans équivoque, sur laquelle s’appuie le gouvernement pour démarrer la taxation des pensions retraites, les syndicats des travailleurs semble avoir changé de stratégie, en tentant d’obtenir une révision à la hausse des prestations sociales et des pensions retraites, ce qui pourrait amortir le choc de la taxation envisagée par le gouvernement. C’est, par exemple, ce qui transparaît dans une lettre envoyée au ministre du Travail le 11 septembre 2023 par le président du l’Union générale des travailleurs du Cameroun (Ugtc). Dans cette lettre, Issac Bissala demande au ministre Grégoire Owona de convoquer « en urgence, la Commission nationale consultative du travail, à l’effet de donner son avis sur l’augmentation des allocations familiales de 2 800 à 4 500 FCfa, l’augmentation de la pension retraite de 5,2%, l’imposition de la pension retraite et les rentes viagères par la direction générale des Impôts… ».

L’on peut cependant observer que le niveau d’augmentation souhaité par les syndicalistes est moins ambitieux que les propres prévisions de la Cnps. En effet, invité dans le cadre des cocktails-débats des promotions du programme supérieur de spécialisation en finances publiques, le DG de la Cnps a révélé son ambition de faire passer la pension la plus élevée de 409 000 FCfa actuellement à un million FCfa, ce qui correspond à une hausse exponentielle de 145%. A titre de rappel, depuis 2008, la pension la plus élevée servie par la Cnps a augmenté de 165% au Cameroun, passant de 154 000 à 409 000 FCfa, tandis que la pension moyenne a, quant à elle, progressé de 101%, passant de 52 000 à 105 000 FCfa.

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