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Covid 19 et soutien du gouvernement au secteur productif : les explications du Ministre de l’Economie

Dans cette interview exclusive accordée à votre Journal, Alamine Ousmane Mey passe en revue les conséquences de la pandémie à court, moyen et long termes sur l’économie camerounaise tout en présentant les mesures de soutien prises jusqu’ici et celles à venir pour soutenir le secteur productif.

Le Cameroun comme plusieurs pays dans le monde, a dû faire face à la pandémie d la covid-19. Quelles en sont les conséquences économiques  pour notre pays ?

Permettrez-moi d’emblée de rappeler que la pandémie du Covid-19 qui a déclenché au Cameroun en mars 2020 a entrainé des conséquences socio-économiques importantes,  du fait des mesures de restriction adoptées par le Cameroun et d’autres pays du monde, afin de lutter contre la propagation de cette maladie. En effet, ces restrictions ont limité les mouvements des personnes et des biens, et entrainé des perturbations sensibles aussi bien sur les structures d’offre que sur la vigueur de la demande. Ainsi, notre économie  a souffert : du tassement de la demande internationale, avec ses implications sur la baisse des cours des matières premières et la limitation de nos exportations (pétrole, café, coton, cacao, banane bois etc…) ; de la contraction de l’offre internationale, induisant, la rupture des chaines d’approvisionnement en biens intermédiaires et de consommation finale en provenance de l’étranger, la diminution des transferts de fonds privés et officiels à destinations de l’économie camerounaise, et le durcissement des conditions d’accès aux marché internationaux des capitaux ; de la baisse de l’offre de la demande domestiques, en liaison avec les mesures restrictives prises par le Gouvernement pour contenir la propagation de la pandémie.

Ces différentes contraintes ont notamment induit un fort ralentissement de l’activité économique, un accroissement des dépenses publiques (notamment de santé), une baisse sensible des recettes de l’Etat, et partant une aggravation du déficit budgétaire. Cela a érodé les efforts de consolidation budgétaire consentis dans le cadre de la mise en œuvre du Programme Economique et Financier conclu avec le Fond Monétaire International sur la période 2017-2019.

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Afin de tenir compte de ce contexte particulier difficile, nous avons revu à la baisse par deux fois les perspectives de croissances et procédé à un collectif budgétaire en vue de redéfinir les priorités en matière de dépenses, mais également d’aligner lesdites dépenses aux recettes attendues. Ainsi, nos projections tablent pour 2020 sur une récession économique, avec un taux de croisse de -2.8% en retrait de 6,8 points par rapport aux projections envisagées en début d’année. Au-delà des conséquences macroéconomiques, il convient également de souligner que sur le plan micro, les entreprises et les ménages ont été significativement affectées par cette pandémie. Plusieurs évaluations réalisées ainsi bien par les pouvoir publics que par les organisations professionnelles, ont permis de mettre en exergue l’ampleur de cette crise sur ces acteurs. Il en ressort que, dans l’ensemble, les ménages connaissent une baisse sensible de leur pouvoir d’achat, et près de 90% des entreprises ont été négativement impactées, notamment à travers un fléchissement de leur production, une baisse de leur chiffre d’affaires et la réduction des effectifs de leurs employés. Cette situation est plus prononcée pour les entreprises dont l’activité est principalement orientée vers exportations ou à l’accueil des touristes (hôtels, restaurants, agence de tourisme, etc.).

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Le Gouvernement a élaboré en juin 2020 sa stratégie de riposte à la pandémie de la Covid-19.quels en sont les enjeux ?

Face à ce contexte difficile, le Gouvernement sur Très Hautes Instructions du Président de la République, S.E Paul BIYA, a élaboré une stratégie de riposte face à la Covid-19 et de résilience économique et sociale. Cette stratégie qui a structurée le collectif budgétaire du 30 juin 2020, est axée autour de 5 piliers à savoir ; le renforcement du système de santé, la résilience économique et financière, l’approvisionnement stratégie, le renforcement de la recherche de l’innovation, et la résilience sociale.  Elle est multidimensionnelle et multisectorielle, et vise notamment à assurer la riposte sanitaire et sauver des vies humaines, à renforcer la résilience des entreprises, et à préserver le pouvoir d’achat des ménages face aux conséquences socioéconomiques de la pandémie.

En particulier, quelles sont les mesures que le Gouvernement a prises pour accompagner les entreprises durement touchées par cette pandémie ?

Plusieurs mesures ont été prises jusqu’ici pour accompagner les agents économiques face aux conséquences de la pandémie sur leurs activités et leurs revenus. S’agissant particulièrement des entreprises, plusieurs mesures d’assouplissement et soutien ont été prises, parmi lesquelles certaines vont dans le sens du renforcement de la résilience des PME, des grandes entreprises et des acteurs du secteur informel. Il s’agit notamment du renflouement de la trésoreries des entreprises à travers l’allocation d’une enveloppe spéciale de 25 milliards de FCFA pour l’apurement des arriérés de dette intérieure, de l’apurement des stocks de crédits de TVA en attente de remboursement, de l’octroi de moratoires et différés de paiement aux entreprises directement affectées par la crise, ou encore de l’exonération, au titre du deuxième trimestre, de l’impôt libératoire et des taxes communales au profit des petits revendeurs de vivre (bayem sellam). Toutes ces dépenses fiscales sont estimées à 116 milliards de FCFA en 2020. Aussi, le compte d’Affection Spéciale créé dans le cadre du collectif budgétaire de juin dernier prévoit une dotation supplémentaire pour accompagner non seulement les entreprises les plus affectées par la pandémie, mais également celles qui exercent un effet d’entrainement important sur le reste de l’économie, de manière à favoriser une reprise rapide de l’activité économique.

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Comment organisez-vous la relance de l’économie camerounaise post Covid-19 ?

Comme on a pu le constater, les mesures prises jusqu’ici sont essentiellement des mesures immédiates de résilience, qui visent notamment à contenir la crise et préserver la tissue production nationale et les ménages face aux conséquences de la pandémie. Par conséquent, il est important de probablement renforcer l’efficacité de ces mesures en vue de favoriser une relance rapide de l’activité économique pour une croissance forte, durable et inclusive, compatible avec nos objectifs de développement.

En outre, la pandémie du Covid-19 est certes une crise aux conséquences multiformes, mais constitue également une opportunité à saisir pour mieux adapter notre modèle de développement. Ce processus d’adaptation devrait se faire en tenant compte des risques et menaces exogènes auxquels est exposé le secteur productif camerounais, remédiant à certaines tendances lourdes de notre économie, notamment notre dépendance vis-à-vis de l’extérieur, par une abondante production locale, construisant des bases solides pour conquérir efficacement les marchés sous régionaux, régionaux et mondiaux, mettant en œuvre les réformes ambitieuses et profondes pour une transformation structurelle. Aussi, est –il envisagé la mise en place d’un système de veille et d’alerte aux futures crises (économiques, sanitaires, sociales, environnementale, etc…)

Ces différentes options ont guidé la formulation, en relation avec le Ministre des Finances, et en exécution des Très Hautes Instruction du Chef de l’Etat, d’un plan triennal de relance économique post Covid-19  qui sera mis en œuvre dès 2021.

Quatre principales articulations constituent l’ossature dudit plan :

  • Un  soutien accru à la production et à la transformation des produits de grande consommation. A cet effet, il est envisagé d’accompagner et de renforcer la production et la transformation agricole des spéculations jugées sensible dans la mise en œuvre de la politique d’import-substitution et de préférence nationale. Il s’agit notamment des spéculations comme le riz, le maïs, le soja, mil/sorgho, le poison et l’huile raffinée ;
  • La mise en place des dispositifs adaptés et dédiés au financement des entreprises. L’objectif étant de favoriser un plus grand accès de ces dernières aux financements à moindre cout pendant cette période. Ceci permettra de résoudre les difficultés d’accès au financement du haut et du bas du bilan des entreprises, à travers des lignes spécifiques de financement logés dans les établissements de crédit ou établissement de micro finance ;
  • Le renforcement du dynamisme des filières de croissance. Il s’agira  de renforcer l’offre locale avec des actions prioritaires en faveur de la restructuration de l’activité des entreprises des filières les plus affectées par la pandémie, dans la perspective de satisfaire la demande intérieure et conquérir les marchés internationaux. Un accent devrait être mis sur le développement d’une industrie pharmaceutique locale et de l’économie numérique ;
  • Le renforcement de la compétitivité des entreprises. A cet effet, l’accent sera mis notamment sur des mesures visant à alléger les couts de facteurs des entreprises, de renforcer les capacités de mobilisation de l’épargne privée pour le financement de ces entreprises et d’améliorer leur accès au marché national à travers la commande publique.

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Ces axes doivent nécessairement être prolongés par la mise en œuvre des leviers de transformation structurelle durable de notre économie. Et parmi ceux-ci :

–          Nos politiques publiques doivent davantage placer le capital humain au centre des préoccupations en matière de santé, éducation, formation et insertion professionnelle dans un monde en proie à des changements rapides et aux exigences de compétence plus élevées en matière d’emploi ;

–          Les investissements dans le numérique, l’énergie et les infrastructures   routières sont indispensables à l’avènement d’une économie compétitive et une administration plus productive ;

–          L’intégration sous-région ale  et la mise en place rapide de la Zone de libre-échange Continentale Africaine sont des atouts pour accélérer la croissance, préserver la résilience face aux chocs exogènes et ouvrir de nouveaux marchés ;

–          L’amélioration du climat des affaires et de la compétitivité participe à rehausser l’attractivité de l’espace économique et à augmenter les investissements directs étrangers. Priorité sera donnée sous la forme aux partenariats Public-Privé ;

–          La promotion des investissements privés sous la forme des dépenses fiscales devrait davantage être ciblée dans les secteurs prioritaires ou stratégique pour plus d’efficacité ;

–          La promotion et l’approfondissement des marchés de capitaux nationaux et sous-régionaux pour faciliter l’accès aux financements ;

–          La mise en œuvre des reformes pour libérer le potentiel de croissance dans les secteurs des télécommunications, de l’énergie et de l’agro-industrie est un secteur catalyser pour l’économie camerounaise en quête d’industrialisation, de diversification et d’intégration plus poussée des chaînes de valeurs régionales et mondiales.

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Voilà les perspectives de l’économie camerounaise face à la crise de la Covid-19, et à la nécessité de retrouver rapidement les niveaux de croissance compatible avec notre Stratégie Nationale de Développent 2020-2030. Toutefois, l’atteinte des objectifs assignés par le Chef de l’Etat dans cet environnement, exige une place grande rigueur dans la rationalisation des chois budgétaires. Nous devons pour cela, faire mieux avec moins de ressources. Il nous faudra donc optimiser et rationaliser pour être efficients.

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