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Covid-19 : le transport intra-urbain infecté

Les pertes importantes des professionnels agréés favorisent le développement du transport clandestin. Enquête dans les villes de Yaoundé et Douala.

Des milliers de centaines de camerounais continuent de perdre la vie sur nos axes routiers du fait du transport clandestin. Ce qui  en réalité  n’est que l’arbre qui cache la forêt. Le secteur des transports routiers intra urbain agréé est sérieusement concurrencé par des officines de transports clandestins mais qui pourtant, ont pignon sur rue. Dans les grandes métropoles telles Douala et Yaoundé la gangrène s’est logiquement insinuée, au grand damne des professionnels. 

Taxi en règle victime de la concurrence déloyale des transporteurs clandestins perd en moyenne la somme de 4.320.000 FCFA par an.

Depuis la survenue de la crise sanitaire,  le  manque à gagner ou l’impact sur le chiffre d’affaires est encore plus énorme. Selon jean Collins DEFFO SOKENG, président du syndicat national des employés du secteur des transports terrestres du Cameroun (Synester), même après l’assouplissement des mesures édictées par le chef de l’Etat pour limiter la propagation de la Covid-19 ; le secteur des transports se porte toujours mal. Les gens ont développé une économie parallèle en bénéficiant de certains avantages, ce qui empêche aux vrais acteurs du métier  qui investissent dans la profession de bien exercer  et de vivre de leur travail. « Les pertes sont immenses pas seulement pour l’Etat mais également pour ceux qui ont le transport comme activité génératrice  de revenus. Pour mettre un terme à cette activité nocive, il convient de lutter contre le laxisme institutionnelle et de permettre aux syndicats puissent s’exprimer». Le secteur des transports est règlementé et pour y accéder il faut respecter certains cahiers de charge.

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Les mis en cause opèrent généralement aux heures de pointe, empêchant aux vrais transporteurs de faire le ramassage. La demande étant plus grande que l’offre compte tenu des mesures prises pour arrêter les surcharges, ce sont des personnels qui desservent les nouveaux quartiers de la ville. Le phénomène s’étend jusqu’aux institutions. « Au niveau de l’aéroport  et des  hôtels,   il n’est pas normal que ce soit des voitures personnelles sans agréments qui transportent les clients parce que les propriétaires ont de hautes amitiés. Il n’est pas normal non plus que l’auto location des véhicules ne soit pas organisée. Il faut avoir des droits et des conditions d’accès à ce secteur» le comité de lutte contre le transport clandestin a échoué. Les taxis  sont interdits d’accès dans certains lieux pourtant les clandestins y vont et transportent des clients. Cela a un impact sur l’économie parce que les taxes ne  sont pas payées. L’accident se perpétue parce que les chauffeurs aux volants des voitures ne sont pas formé, n’ont pas de permis de conduire et les voutures ne sont pas assurées.

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Les cargos à l’attaque

C’est le 5 novembre 2014 que les véhicules clandestins de transport urbain ont été interdits de toute circulation dans le département du Wouri par un arrêté de Naseri Paul, le Préfet du Wouri d’alors. Suite à un grave accident survenu au lieu-dit «Kondi», dans l’arrondissement de Douala 5ème le 29 octobre 2014. Bilan, plus de 17 morts dans les eaux de cette petite rivière. Communément appelés «Clandos», ces fourgonnettes assuraient impunément les lignes Akwa-Village, Ndokoti-Pk 14 ou encore Marché central-Ndogpassi. La conséquence immédiate de la suspension des cargos sera la flambée des véhicules de 4 places assises qui assuraient illégalement aux côtés des taxis et des bus et médibus  de la Société camerounaise de transport urbain (Socatur), le transport des biens et des personnes.

Malheureusement depuis 2018, les véhicules de transport urbain cargos de type fourgonnettes sont de retour dans la capitale économique. « Sur l’axe Carrefour Ancien Dalip Akwa-Village. Nous faisons de longues files d’attente pour avoir une place, et le taxi est cher c’est la raison pour laquelle nous prenons les cargos », confie Rose Tchakam, fille d’hôtel en service à Akwa et habitant le quartier Ndogpassi. Moyennant 250 FCFA, les nombreuses populations des quartiers Village, Ndogpassi l, ll et lll, Cité Berge, Bilongue etc….embarquent dans la promiscuité à bord des cargos vétustes, insalubres, et sans aucune garantie ou assurance technique. Pour Germain Fofie, il s’agit tout simplement d’un «scandale». Ces propos du président du Syndicat national des taximen autonomes du Cameroun (Synatau), laissent sans doute entrevoir un scandale de gouvernance et de laxisme: «le Préfet du Wouri qui est aujourd’hui Gouverneur du Centre avait interdit ces cargos. Mais depuis qu’il est parti, ils ont commencé à revenir petit à petit. Ils nous prennent nos clients et font de la concurrence déloyale. Regardez comment nous devons crier pour avoir 6 places pour Ndogpassi».

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Rendu à 2020, la témérité des clandos ne faiblit pas. Les mesures de distanciation prescrites par le gouvernement depuis le 17 mars 2020 semblent ne pas décourager ces forçats du bitume. Les cargos à destination ou en provenance de Village sont de plus en plus bondés malgré la conjoncture sanitaire. Le quartier Village reste en réalité l’un des rares points de transport urbain clandestin de la ville  de Douala, avec l’axe Marché central-Bonaberi. C’est le transport interurbain qui a plutôt le vent en poupe en provenance ou à destination des régions du Sud-ouest, du Nord-ouest, de l’Ouest, ou des autres départements du Littoral. Les rotations des cargos de 15, 20, ou 30 places induit un important enjeu économique. Les taxis et bus de transport Socatur autorisés à effectuer le transport urbain enregistrent quotidiennement d’importantes pertes financières du fait du détournement de potentiels clients. Pour un clando de 30 places, la recette de trajet s’élève à 7500 FCFA. La dizaine de rotations effectuées matin et soir portent le gain journalier à 150.000 FCFA. 

Jean Donfack, régulier de la ligne Ancien Dalip-Village n’en démord pas: « ma recette aurait pu être plus élevée si ces clandos ou voitures personnelles ne faisaient pas le même travail que nous. Mais que faire? C’est certainement avec la complicité des certains agents de la police que ces personnes circulent sans être inquiétées », s’indigne le chauffeur  de taxi de 54 ans affilié au Réseau national des transporteurs urbains et interurbains du Cameroun (Renatuirc). Ce dernier avoue être obligé de négocier le «versement» avec son patron, véritable propriétaire du taxi.

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