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Crise des ordures : pourquoi le modèle Hysacam ne fait plus recette ?

Pour n’avoir pas investi dans les filières de valorisation des déchets, l’entreprise qui dépend fortement de l’Etat semble au bout du rouleau.

Près d’une semaine après l’entrée en grève des employés de la société Hygiène et salubrité du Cameroun (Hysacam), grève qui plonge les villes de Yaoundé et Douala dans une nouvelle crise d’rdures, c’est le statu quo. Accumulation des ordures dans les points de ramassage, les rues et les marchés, pollution de l’air, etc., contrairement à l’arrêt d’activités observé par la même entreprise à l’approche du Championnat d’Afrique des nations (Chan) que le Cameroun a accueilli l’an dernier – les autorités publiques avaient pris des mesures urgentes pour un retour à la normale -, le gouvernement qui attend pourtant la Coupe d’Afrique des nations (Can) dès janvier prochain ne semble pas se presser pour régler ne serait-ce qu’une partie de ses créances vis-à-vis de cet opérateur. Dans une correspondance datée du 1er octobre, le Pdg de la société, Michel Ngapanoun, faisait pourtant savoir à son personnel qu’il avait entrepris des démarches auprès des « plus hautes administrations concernées » en vue du recouvrement des créances sus-évoquées, accumulées « à un niveau intenable » selon ses propres termes, afin de régler les trois mois de salaires impayés à l’origine de ce nouveau débrayage. 

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En effet, les prestations d’Hysacam n’ont pas été payées depuis huit mois sans discontinuer. Et sur l’ensemble des derniers exercices budgétaires, les impayés dus à cet opérateur par l’Etat (85% des factures) et les communautés urbaines (15%) cumulent à environ 12 milliards Fcfa. Pour sauver sa Can qui a lieu dans deux mois et quelques jours, l’Etat est obligé de délier les cordons de la bourse. Mais en raison des tensions de trésorerie auxquelles il fait lui-même face, il ne pourra parer qu’au plus pressé, avec le risque que la crise reparte de plus belle après la compétition. C’est la preuve, s’il en était encore besoin,  que la crise des ordures au Cameroun est plus structurelle que conjoncturelle. Elle traduit non seulement un manque de vision de la part de l’Etat marqué par le refus de transférer cette compétence exclusivement aux collectivités territoriales décentralisées, mais aussi et surtout l’incapacité d’Hysacam qui fonctionne en situation de quasi-monopole depuis plusieurs décennies à développer une filière de valorisation des déchets. L’un de ses projets phares annoncé au début de la décennie 2010, à savoir la construction et l’exploitation de centrales de captage et de traitement du biogaz dans ses décharges de Yaoundé et Douala, fonctionne en mode fantôme alors qu’elle avait dit y avoir consenti un investissement de 3 milliards Fcfa.

Economie circulaire

En février 2020, l’entreprise avait également annoncé un gigantesque projet de production de l’électricité à base de déchets ménagers enfouis à Douala (60 Mw), Yaoundé (10 Mw) et Bafoussam (2 Mw), soit une capacité cumulée de 72 Mw directement destinés aux ménages de ces trois villes. Ce dernier tarde également à prendre corps. Pour tout dire, Hysacam n’est pas parvenue à s’adapter aux nouvelles réalités de son secteur pour créer de la valeur ajoutée sur son activité, dans un monde où le concept d’économie circulaire est plus que jamais à la mode (fabrication du compost pour l’agriculture, production du biogaz, de l’électricité et, en fonction du tri, des pavés à base du plastique, etc.). Un maire d’arrondissement de Yaoundé signale pourtant que les financements dans ce domaine pullulent. A en croire ce dernier, une dizaine d’offres en la matière a été faite par des organismes européens et chinois à la communauté urbaine de Yaoundé. Mais celle-ci n’y a manifestement pas encore vu son intérêt.

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Plus avant-gardiste, la commune de Dschang (région de l’Ouest) est pour le moment la seule collectivité territoriale au Cameroun et même en Afrique subsaharienne, à disposer d’une station de tri modulaire et autonome des déchets. L’infrastructure inaugurée en juin 2021 a bénéficié de financements de la France (600 millions Fcfa), du gouvernement (100 millions Fcfa) et des fonds propres de la commune à hauteur de 100 millions Fcfa. Soit un coût global de 800 millions Fcfa. Dans une perspective de décongestionnement de l’activité de collecte et de traitement des déchets ménagers, toutes les communes camerounaises devraient tendre aujourd’hui vers cet objectif.

Jean Omer Eyango 

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