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Décentralisation: comment l’Etat s’accapare des recettes des communes

Initialement reversé intégralement aux collectivités territoriales décentralisées (CTD), le produit de la vignette automobile ne leur sera dorénavant reversé qu’à hauteur de sept milliards de FCFA. Les recettes « supplémentaires » reviennent désormais au Trésor public. Ce qui cause un manque à gagner de plusieurs milliards aux CTD.

« L’accélération de notre processus de décentralisation va permettre de renforcer le développement de nos régions. » Voilà le cap fixé cette année en matière de décentralisation au Cameroun. C’est donc avec optimisme que les élus locaux et leurs populations attendent à quoi va ressembler cette accélération. Du reste, les élus locaux ont déjà dit ce qui, pour eux, apparait comme le chainon manquant du processus de décentralisation au Cameroun.

Pour Emile Andze Andze, président de « Commune et Villes Unies du Cameroun (CVUC) » qui rassemble toutes les communes du pays, le ventre mou de la décentralisation aujourd’hui, c’est son financement. « Nous avons demandé que le budget de l’Etat du Cameroun contribue à hauteur de 10% par an pour le développement local. Ce plaidoyer dure depuis des décennies. De 2010 à 2016 par exemple, le gouvernement nous a plutôt donné 10% de son budget, soit 400 milliards FCFA». Dans ce contexte, et tenant compte de la difficulté des municipalités à générer les ressources, « nous demandons ces 400 milliards de FCFA par an pour assurer le bon fonctionnement local », a insisté l’élu local.

Le plaidoyer est donc clair. Comme toujours, l’argent est le nerf de la guerre. Et dans ce cadre, les collectivités territoriales décentralisées (CTD) ont même de quoi déchanter. En effet, la loi des Finances 2018 comporte certaines modifications qui sont à l’opposé des attentes des CTD. Selon l’article C 115 (1) de la loi des finances 2018, «le produit des droits de timbre automobile affecté conformément au plafond annuel arrêté par la loi de finances ».

La Circulaire signée le 02 janvier 2018 par le ministre des Finances et portant « Instructions relatives à l’exécution des lois de Finances, au suivi et au contrôle de l’exécution du budget de l’État, des entreprises et établissements publics, des collectivités territoriales décentralisées et des autres organismes subventionnés, pour l’exercice 2018», permet d’en savoir plus sur la décision du gouvernement. Désormais, «le montant des recettes du droit de timbre automobile (DTA) affectées aux Collectivités Territoriales Décentralisées est plafonné à sept milliards de FCFA. Les recettes supplémentaires sont, le cas échéant, affectées au budget de l’Etat. »

Manque à gagner

Selon les chiffres du ministère des Finances, 5,4 milliards de FCFA ont été collectés pendant les cinq premiers mois de 2017. Les simulations faites par la DGI en 2015 montrent que ces recettes avoisineraient les 9 milliards de FCFA en 2017. Les 7,2 milliards réalisés annuellement ont donc inéluctablement été dépassés nonobstant l’exonération des véhicules administratifs. Soit un surplus d’au moins 2 milliards par rapport à l’exercice 2016. Il convient de noter qu’en 2015, les assureurs regroupaient 369 950 assurés automobiles, sans compter les 150 000 souches en cours de traitement au ministère des Transports. C’est dire que les recettes attendues de cet impôt vont continuer de croitre.

Depuis le 1er janvier 2017, le droit de timbre automobile (vignette) est collecté par les compagnies d’assurance au moment de la souscription de la police d’assurance responsabilité civile. Selon la direction générale des impôts (DGI), cette disposition de la loi des Finances 2016, a permis d’accroitre le rendement de cet impôt. Sauf que ce surcroit de recettes va désormais atterrir dans les caisses du Trésor public.

Cette main basse de l’Etat sur droit de timbre automobile, une recette initialement destinée aux collectivités territoriales décentralisées, n’est pas une première puisque c’est, à peu de choses prêt, de la même manière que l’Etat s’est aussi accaparé d’une partie du produit de la taxe sur la propriété foncière.
158,7 milliards affectées aux communes en 2017

 

 

 

 

 

 

 

La direction générale des impôts (DGI) atteste de l’amélioration continue de la collecte des recettes au profit des communes au cours des dernières années. Celles-ci sont passées de 130,9 milliards de FCFA en 2016 à 158,7 milliards en 2017, soit une évolution de FCFA 27,8 milliards en valeur absolue et +21,3% en terme relatif. Selon la DGI, cette croissance est portée par les Centimes Additionnels Communaux (CAC) qui ont connu un accroissement de 28,1% passant de 95,1 milliards de FCFA en 2016 à 121,8 milliards en 2017. Les autres prélèvements qui ont également contribué à cette évolution sont la RFA (+15,6%), la patente/licence (+14,4%) et les droits de mutations immobilières (+6,4%). Par contre la Taxe de Développement Local (TDL) (-1,3%), le droit de timbre automobile (-7,9%), la TPF (-6,1%) et l’impôt libératoire (-32,4%) ont connu des baisses comparativement à 2016.

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