Désordre urbain : les marchés spontanés de nuit prospèrent à Yaoundé
Malgré le réaménagement de plusieurs marchés, la plupart des comptoirs et boutiques restent toujours sans occupants. Les commerçants, continuent d’écumer les trottoirs surtout dans la nuit et jugent les prix de la location excessifs.
Ce 18 aout 2020, il est 19h et la nuit tombe lentement sur la ville de Yaoundé. Aux carrefours Nlongkak et « Province » l’embouteillage gagne les rues mais pas seulement à cause de l’heure de pointe. En effet, des vendeurs ont installé leur marchandise, empêchant par cet encombrement le passage des personnes qui reviennent de leurs lieux de services et qui veulent plus que tout trouver un taxi. Ce sont des chaussures, sous-vêtements dans les malles arrière des véhicules et parfois de la nourriture que les commerçants des marchés environnants qui n’ont pas pu écouler présentent aux passants. Les plus courageux se sont installés sur le contrebas de l’immeuble abritant les services du gouverneur, aménages et éclairés. Sans la moindre insouciance ni peur parce que la mairie ne travaille pas dans la nuit. Ils s’installent alors comme ils veulent, et rendant la circulation difficile », se plaint un usager.
Dans les quartiers Biyem-Assi, Rond-point express et Carrefour Jouvence, la situation est tout aussi préoccupante. Ici, ce sont les vendeuses des vivres frais qu’on trouve installées sur les espaces prévus pour les piétons. « Je n’ai pas de gros revenus, pour me procurer une place dans les marchés des environs. En soirée, personne ne vient me déranger comme c’est le cas en journée avec les agents de la mairie qui viennent nous déguerpir », explique Martine.
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Raisonnement scandaleux
Les marchés diurnes sont réglementés. Paradoxalement, c’est aussi la mise en application de cette réglementation par les agents des mairies qui est source de conflits avec les commerçants. Cependant, ces problèmes diurnes ne sauraient expliquer, à eux seuls, l’existence des marchés nocturnes de rue. L’autre raison est que, le marché a attiré d’autres acteurs qui, à défaut d’espace ou de moyens d’acquisition des hangars construits par les mairies, ont envahi les voies publiques ou se sont lancés dans la vente à la sauvette. Le commerce de nourriture (beignets, poisson à la braise, maïs et plantain à la braise entre autres). Celles qui vendent les vivres dans les marchés communaux en journée se font généralement remplacer par leurs parents ou amis dans les marchés nocturnes. Certains carrefours tels que ceux de Biyem-Assi ou de Melen, offrent la possibilité à certaines vendeuses de pratiquer leurs activités du matin à la nuit. Celles-là habitent généralement non loin du marché de quartier. C’est donc de 16h à 22h environ en fonction de la densité de la clientèle, que se tiennent les marchés nocturnes de rue.
Les raisons évoquées pour justifier le choix de la nuit pour leurs activités commerciales sont: volonté de liquider le stock de marchandises, vendeurs-vendeuses scolarisés en journée et surtout éviter les taxes des marchés communaux.
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Des saisies pour limiter la prolifération
Les marchés nocturnes dans la ville de Yaoundé se caractérisent par leur spontanéité. Fruit de la débrouillardise des populations, ils entrainent également le désordre urbain car très souvent développés aux abords des routes et carrefours. La prolifération de ces marchés illicites de nuit entraine un manque à gagner pour les municipalités car les commerçants sédentaires dans les boutiques sont lésés par ces activités qui font prospérer les « hors la loi ». Cependant, du côté des mairies l’on se plaint des restrictions imposées par la hiérarchie. Du fait de la décentralisation, les municipalités ont des mains liées et ne peuvent pas continuer leurs actions de répression. « À l’époque nous avions des brigades de recouvrement que l’on envoyait avec le FME pour contraindre les commerçants à payer mais il y a eu des incidents qui ont entraîné la décision par le Préfet de surseoir à ces opérations. Le principe était simple, ils tendaient des embuscades aux commerçants et ça a entraîné des altercations », nous explique Virginie Simone NGAH, 2ème adjoint au maire de Yaoundé 6.
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Il est donc clair que les mairies sont effectivement au courant de l’existence des marchés spontanés de nuit mais faute d’une autorisation préalable, elles ne peuvent agir. Avant, la police et les agents municipaux, ont tenté de mettre un terme à ce désordre urbain, à travers des opérations régulières de déguerpissement de ces voies Publiques mais une note de la préfecture a interdit ces sorties. « C’est un gros manque à gagner pour les municipalités parce que ces gens ne paient aucune taxe », poursuit-elle désabusée. Pourtant les mairies mettent à disposition des commerçants dans le cas des marchés de l’arrondissement de Yaoundé 6, des espaces marchands adaptés à tout type de bourse et de commerce « les espaces marchands dans les marchés varient suivant l’espace que l’on occupe pour les commerçants ambulants qui vendent de manière périodique, ils paient des tickets à 100 F/jour. Ceux qui ont des comptoirs sont assujettis à un petit impôt libératoire de 2 000 F/trimestre et les grandes boutiques paient des loyers communaux et impôt libératoire qui varient de 10 000 à 15 000 F le trimestre selon la catégorie », précise Virginie NGAH.
Au marché Mokolo, le loyer mensuel officiel pour un comptoir d’un mètre carré est de 10 000 FCFA. En ce qui concerne les boutiques, il varie de 30 000 FCFA à 70 000 FCFA. Selon les superficies. La gestion de ces espaces a été concédée à des sous-traitants, ce qui oblige les commerçants à la clandestinité. De plus, ceux des commerçants qui investissent dans ces boutiques, ont du mal à réaliser des bénéfices, les clients tardant encore à s’y rendre. Le problème selon l’adjointe au maire ne vient donc pas des municipalités. La mise en œuvre de la décentralisation leur enlève dès lors, le droit d’intenter une quelconque action pour décourager les récalcitrants. En somme, aucune action ne peut être entreprise pour mettre un terme au désordre urbain si le Préfet n’a pas donné son aval. Une situation suffisamment problématique si l’on la laisse perdurer. Pourtant dans un premier temps, seule l’obscurité qui s’installait au coucher du soleil, obligeait les commerçants soit à quitter les marchés communaux peu ou pas du tout éclairés, soit à investir les abords des routes et carrefours où l’on retrouve des lampadaires.
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