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Conjoncture

Don de blé russe à la RCA : Société des céréales du Cameroun (Kadji) et Africa Foods (Broli) embarrassent l’interprofession

Des tensions au sein du Groupement des industries meunières du Cameroun (Gimc) émergent suite à la décision de la Société des céréales du Cameroun (SCC) d'acquérir avec le soutien d'Africa Foods Distribution, une cargaison de blé russe destinée à la République centrafricaine. Alors que l'interprofession préconise de mettre à disposition ses installations de transformation moyennant rétribution, ces deux entreprises auraient choisi de contourner le Groupement, soulevant des inquiétudes quant à la vente ultérieure de la farine issue de cette opération sur le marché camerounais.

Publiée vendredi 12 janvier 2024 à 16:56:56Modifiée vendredi 12 janvier 2024 à 17:32:04Temps de lecture 6 minPar René Ombala

De gauche vers la droite, Vladimir Poutine le président Russe et Faustin Archange Touadera le président Centrafricain.
De gauche vers la droite, Vladimir Poutine le président Russe et Faustin Archange Touadera le président Centrafricain.

Le 29 décembre 2023, EcoMatin dévoilait en exclusivité les coulisses d'une polémique naissante au Cameroun, liée à une cargaison de 50 000 tonnes de blé généreusement offerte par la Russie à la République centrafricaine. Ce geste d'assistance humanitaire, initialement destiné à transiter simplement par le pays, a pris une tournure controversée suite à la demande du Directeur général des Douanes et Droits indirects de la Centrafrique à son homologue. Cette requête portait sur l’autorisation de vendre ladite cargaison de blé aux minoteries basées au Cameroun, avec pour objectif la transformation du produit en farine avant sa commercialisation à Bangui.

Seulement, moins d’un mois après l’arrivée d’un premier navire russe transportant une partie de ce blé, le Groupement des industries meunières du Cameroun (Gimc) se fissure. Alors que l’interprofession s’oppose formellement à la vente de cette cargaison, proposant de mettre à disposition des installations de transformation de ce blé au profit de la Centrafrique, moyennant une rétribution à convenir avec Bangui, deux entreprises locales auraient décidé de supplanter le Groupement dans ses négociations avec le ministre camerounais du Commerce. Il s’agit de la Société des céréales du Cameroun (SCC) qui est membre dudit Groupement et Africa Foods Distribution, propriétaire de la marque Broli.

D’après des informations récoltées auprès du Gimc, c’est la SCC, minoterie appartenant au groupe du milliardaire camerounais Kadji Defosso (de regrettée mémoire) qui aurait pris la résolution d’acquérir ce don de blé russe à l’effet de le transformer en farine pour ensuite la revendre à l’État centrafricain. Or, rapporte une source digne de foi, « ne pouvant supporter seul, le coût de cette opération, ni en assurer toute la logistique nécessaire, la SCC a convaincu Africa Foods Distribution, propriétaire de la marque Broli et qui a récemment installé un moulin à écraser du blé pour la production des pâtes alimentaires, à être son partenaire dans cette opération ». La SCC aurait finalisé les formalités d’acquisition de cette cargaison de blé et les opérations de déchargement auraient été lancées jeudi, 11 janvier 2024 au port de Douala.

Risque de vente de la farine de blé destinée à la RCA sur le marché camerounais

Au sein de l’interprofession, SCC est désormais peint en noir. L'entreprise , ayant choisi d’évoluer en marge du Groupement, est présentée avec Africa Foods Distribution comme des « traîtres » à l’organisation. « Ces deux entreprises ont choisi leurs intérêts personnels au détriment de celui de l’interprofession qui espérait pouvoir donner un coup de main à l’État centrafricain qui ne dispose pas d’usine de transformation de blé. C’est déplorable, surtout pour un membre qui a pris part avec d’autres, dans un cadre restreint, aux tractations visant à réceptionner le blé destiné à la RCA pour sa revente à ce pays », réagit un cadre du Gimc ayant requis l’anonymat.

Des membres du Groupement des industries meunières du Cameroun craignent qu’une fois transformée, la farine de blé destinée à la Centrafrique soit finalement vendue sur le marché camerounais à un prix relativement bas. « Avec l’acquisition de ce blé russe, souligne un autre industriel, la SCC avoisine près de la moitié de ses importations de 2023. Nous craignons qu’elle ne rétrocède pas la farine issue de la transformation à la RCA, mais qu’au contraire, elle inonde le marché national avec ce produit, à des prix défiants toute concurrence. La conséquence pour les autres producteurs de farine c'est que, pour espérer rester sur ce marché, ils devront vendre aux prix de SCC, donc à pertes, au risque de déposer le bilan avec toutes les conséquences fiscales et surtout sociales qu'une telle situation occasionnerait ».

SCC et Africa Foods Distribution en mode silence

Il faut dire que le directeur général de la SCC avait déjà laissé entrevoir une éventuelle volonté d’évaluer en marge de l’interprofession dans ce dossier. En effet, dans une lettre adressée le 5 janvier 2024 aux membres du Groupement, Yaregal Sintayehu s’opposait à la démarche du Gimc, estimant que les intérêts de son entreprise n’avaient pas été pris en compte. Une correspondance en réaction à celle envoyée le même jour au ministre camerounais du Commerce par le secrétaire général du Gimc, sur la volonté des meuniers camerounais de jouer non pas un rôle de clients de l’État centrafricain, mais celui d’accompagnateurs dans le processus de transformation de cette denrée. Contactés par EcoMatin, la direction générale et les services de communication de la Société des céréales du Cameroun ainsi que ceux d’Africa Foods Distribution n’ont pas daigné répondre, jusqu’au moment où nous mettions sous presse.

Rappelons que cette cargaison de blé destiné à la RCA est une promesse faite par la Russie qui s’était engagée lors du Sommet Russie-Afrique de juillet 2023 à partager gracieusement 200 000 tonnes de blé entre 6 pays africains, dont la RCA qui demeure l'un des pays les plus pauvres au monde. D’après les estimations publiées par la Banque mondiale en 2020, environ 71 % de la population centrafricaine vit en dessous du seuil de pauvreté international (1,90 dollar par jour, en parité de pouvoir d’achat). Alors que les Nations Unies estiment que 56% de la population, a besoin d'une assistance humanitaire et d'une protection en 2023, soit une augmentation de 10 % par rapport à 2022.

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