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Douala : batailles juridiques autour du paiement de la redevance publicitaire

L’affichage publicitaire dans la ville de Douala fait l’objet de querelles entre les principaux acteurs opérants dans le secteur. En effet, les régisseurs en publicité et la Mairie de la ville expriment mutuellement leurs désaccords concernant certains aspects de la législation encadrant la filière.

A Douala, capitale économique du Cameroun, les acteurs du secteur de l’affichage publicitaire n’ont jamais autant été en désaccords. Le débat se fait houleux entre d’une part les régisseurs en publicité et d’autres part, la Mairie de la Ville. Les premiers contestent la légalité de cet « impôt » reversé auprès du second et qui oscille généralement entre 20 et 23% du montant (hors taxe) global d’une campagne publicitaire. « La loi de 2009 sur la fiscalité locale précise de façon exhaustive toutes les taxes et redevances communales. La taxe sur la publicité qui y figure a été annulée et la redevance publicitaire ne figure nulle part » réagit un régisseur joint par EcoMatin.

Autre récrimination, c’est la délégation par le maire de la gestion locale de la publicité à un privé, en l’occurrence, le cabinet conseil Quantum A&A dirigé par l’Expert- comptable Brice Meilo. Sur ce point précis, les publicitaires, iront même jusqu’à saisir le 29 mars 2022, le ministre de la Communication(Mincom) pour dénoncer l’activité de cet opérateur. En réaction, le membre du gouvernement va écrire au maire Roger Mbassa Ndine pour avoir des éclairages. « J’ai l’honneur de vous faire connaître que j’ai reçu une correspondance du président de l’Association des régisseurs en Publicité du Cameroun(ARPC), par laquelle il dénonce la présence dans la ville de Douala, d’un opérateur mandaté par vos soins, pour exercer les activités de régulation de la publicité ». René Emmanuel Sadi sollicite du maire « toutes les informations utiles sur cet opérateur ainsi que ses missions, afin de me permettre d’avoir une compréhension claire de la situation » peut-on lire.

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Clarification règlementaire

En réalité la correspondance du ministre vise à lever l’équivoque sur un sujet crucial. La Mairie de ville a-t-elle le droit de confier la gestion et le contrôle du secteur à un opérateur privé ? A priori non car, de l’avis des régisseurs, « il n’existe pas de disposition légale qui consacre expressément la délégation de la publicité par les CTD à un privé ».

Difficile cependant d’arracher une réponse au maire Roger Mbassa Ndine au centre de la polémique. Un cadre de l’exécutif municipal de la capitale économique va néanmoins nous apporter quelques éléments de réponse en convoquant l’article 46 de la loi de 2019/024 du 24 Décembre 2019 portant code général des collectivités territoriales décentralisé, qui, selon notre interlocuteur, donne la possibilité aux CTD de déléguer la gestion d’un service public à une autre personne morale. La disposition précise : « La gestion délégué consiste pour une Collectivité Territoriale à confier la gestion d’un service public à une autre personne morale. Les modes de gestion délégués sont: la concession; l’affermage; la régie intéressée; la gérance; les sociétés d’économie mixte ». Et notre interlocuteur de renchérir « l’option de la délégation de la gestion locale de la publicité par les CTD s’explique entre autres, par l’engagement des Maires à lutter contre l’évasion fiscale et l’affichage anarchique, est-elle aussi, conforme aux dispositions pertinentes des articles 42 et suivants du Code Général des CTD. Ces prescriptions légales autorisent et encadrent la gestion du service public par le mode de la régie indirecte ».

Sur la légalité de la redevance versée aux communes également contestée par les régisseurs, notre vis-à-vis, qui a préféré requérir l’anonymat, brandi l’article 20 de la loi de 2006 sur la publicité au Cameroun qui consacre le paiement de la redevance publicitaire auprès des régisseurs qui la reverse ensuite aux CTD (Mairie d’arrondissement ou Communauté Urbaine). « Tout affichage publicitaire, tel que défini par la présente loi …donne lieu au paiement des taxes et des redevances sur l’achat d’espaces publicitaires » peut-on lire sur cette disposition. A la question de savoir si la Ville peut fixer le prix de concession des emplacements publicitaires, notre interlocuteur répond sans ciller par l’affirmative. « La circulaire conjointe N°00001/ MINDCAF/MINATD/MINFI/ MINCOM du 8 novembre 2014, stipule qu’« En matière fiscale, l’instauration dans la circonscription communale des taxes déjà créées par la loi et la fixation des taux et tarifs dans les limites des fourchettes prévues par la loi par le conseil municipal lors de la session budgétaire annuelle…» Joint au téléphone pour apporter sa version, le président de l’ARPC n’a pas voulu s’exprimer sur la question.

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Au-delà du débat  règlementaire…

Pour l’exécutif municipal de la Ville de Douala, ces multiples soubresauts tiennent plus d’une volonté d’échapper au paiement de cette redevance auquel il devient de plus en plus difficile d’échapper grâce au mécanisme de géolocalisation mis en place par le régulateur. Le cabinet conseil que dirige l’Expert-comptable Brice Meilo a, en effet, procédé à la dématérialisation de l’ensemble du processus de contrôle et de suivi de l’activité publicitaire à travers une plateforme dénommée RegulPub. Ce qui a permis d’instaurer de la transparence dans le secteur publicitaire à Douala, La mise à jour du tarif de la redevance publicitaire (Décision  N°025/1M/CUD/CAB-MM/ 2020) qui « omettait » plusieurs catégories plébiscitées par les annonceurs et rendait ainsi impossible la collecte de la redevance par la Communauté Urbaine de Douala. En clair, avec cette réforme difficile pour les régisseurs véreux de se soustraire à la réglementation. De quoi susciter le courroux de certains et les encouragements des autres. Le match est pourtant loin d‘être terminé ce d’autant que les régisseurs ont récemment écrit à plusieurs entreprises leur demandant de « cesser toute collaboration en matière de publicité avec des sociétés ou individus se prévalent du titre de régulateur de la publicité ». Pour sa part, le Mincom leur a demandé de « pour besoins d’interprétation », de lui fournir « plus d’amples informations sur les actes posés par ces opérateurs privés exerçant des activités de régulation, dont vous décriez la présence et les agissements ». Affaire à suivre !

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