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Électricité : comment Nachtigal met Globeleq sous pression

La perspective de l’entrée en service du plus gros ouvrage de production au Cameroun, avec une capacité installée de 420 MW, met potentiellement l’autre producteur indépendant Globeleq (304 MW en cumulé) en position de perdant, d’autant que l’Etat est lié à Nachtigal Hydro Power Company par une obligation de consommation de son énergie, sous peine de payer 10 milliards Fcfa par mois en pure perte. En optant pour l’arrêt complet de ses centrales deux fois en un mois, le britannique tient à se faire régler son ardoise de 107,7 milliards Fcfa auprès d’Eneo avant cette échéance. Décryptage.

En l’espace d’un mois, l’opérateur Globeleq, qui exploite la centrale à gaz de Kribi (216 MW) et à fioul lourd de Dibamba Dibamba (88 MW), deux ouvrages majeurs en l’état actuel du système électrique du Cameroun (ils représentent environ 20% de l’offre nationale en électricité), pour des raisons d’arriérés de paiement de son client Eneo d’un montant cumulé de 107,7 milliards Fcfa. Entre autres effets prévisibles, le deuxième arrêt de production, qui a pris effet le 1er décembre, impose des rationnements sévères de la fourniture de l’énergie électrique dans le réseau interconnecté sud (RIS), qui couvre les régions du Centre, du Sud, du Littoral, de l’Ouest, du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, tant la production. Pour redémarrer ses groupes, l’opérateur britannique exige le paiement par Eneo d’un montant de 8,2 milliards Fcfa représentant sa dette de consommation pour le seul mois de novembre. A noter que la consommation du mois passé, d’un montant similaire, a été réglée grâce l’intervention du trésor public, si l’on en croit un communiqué du directeur général de Globeleq, dans lequel il remerciait le gouvernement « pour avoir pris à bras le corps cette préoccupation en amorçant des paiements immédiats et en organisant des solutions d’urgence de nature à réduire de façon significative les arriérés de paiement » accumulés par Eneo envers Kribi Power Development Company et Douala Power Development Company, ses deux filiales.

Lire aussi : Electricité : Globeleq met ses centrales à l’arrêt pour la deuxième fois en un mois

La durée prévisionnelle des coupures rotatives de la fourniture de l’énergie électrique est de 06 heures en moyenne. Eneo a expliqué par voie de communiqué que cette durée pourrait baisser ou augmenter en fonction de l’évolution de la situation. Le fait que le statu quo dure 6 jours montre que le producteur indépendant britannique campe sur sa position. Et cette position de fermeté et le timing de ces arrêts de production semble loin d’être le fait du hasard. Avant la fin de ce mois de décembre, le barrage hydroélectrique de Nachtigal (région du Centre) démarrera son premier groupe, d’une capacité de 60 MW. Et au plus tard en septembre 2024, elle injectera ses 420 MW de capacités dans le système électrique. Nachtigal Hydro Power Company (NHPC), la filiale du français EDF chargée de la construction et la gestion de cet ouvrage, est liée à l’Etat du Cameroun par une obligation de consommation de sa production, sous peine de payer 10 milliards Fcfa par mois en pure perte.

Globeleq  risque d’être la perdante si ses factures ne sont pas réglées avant cette échéance. Cette entreprise, dont l’Etat détient 44% des parts, a intérêt, dans cette perspective, à faire du « chantage » à Eneo et à son partenaire l’Etat par voie de conséquence, car, ses 304 MW en cumulé ne pèsent pas lourd, du moins à court terme, face aux 420 MW de Nachtigal en activité. Ce qui priverait le groupe britannique de tout moyen de pression pour recouvrer ses fonds face à un Etat qui prend généralement tout son temps pour éponger sa dette. Sauf si Songloulou (384 MW) ou Edea (276 MW) venaient par accident majeur à faire défaut. D’autant plus que Nachtigal accentuera le statut des actifs de Globeleq comme sources d’énergie alternatives, et donc relégués au second rang des priorités dans le RIS.  

Cette menace sur Globeleq est d’autant prévisible qu’en cas d’arbitrage, l’énergie hydroélectrique (Nachtigal) sera toujours privilégiée à la composante thermique (Kribi et Dibamba), dans la mesure où la première source est généralement moins chère que la seconde et, de ce fait, aura les faveurs des autorités compte des économies qu’elle engendre pour les finances publiques.

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