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Emprunt obligataire 2022 : le Cameroun marginalise le grand public

En garantissant une prise ferme de 180 milliards sur un montant de 200 milliards les banques marginalisent les autres catégories d’investisseurs dont le grand public, pourtant considéré comme la pierre angulaire du développement du marché financier sous régional.

A l’issue de l’appel d’offres lancé le 25 mars dernier pour le recrutement d’une société de bourse devant l’accompagner sur le marché financier de la Cemac en vue de lever la somme de 200 milliards de FCFA, le Cameroun a retenu 4 intermédiaires. Il s’agit de BGFI Bourse, Afriland Bourse & Investment, Société Générale Capital Securities Central Africa(SG-Capital) et Upline Securities central Africa(Usca). Le quatuor, essentiellement composé de filiales bancaires, a garanti une prise ferme de 180,50 milliards soit un taux de couverture de plus de 90% du montant sollicité avant même l’ouverture des souscriptions aux autres investisseurs. Pour l’émetteur, c’est une bonne nouvelle car non seulement il est assuré de pouvoir mobiliser le montant qu’il souhaite (voir même plus) mais en plus les coûts de l’opération devraient être amoindris car les opérations de prospection ne devraient plus s’avérer nécessaires.

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« C’est un taux de garantie record depuis la fusion des marchés financiers d’Afrique centrale. C’est surtout la preuve que le Cameroun a une signature crédible et que les investisseurs doivent continuer à nous faire confiance », explique un cadre à la direction du trésor du ministère des Finances. S’il peut être fier que sa 6e sortie suscite tant l’intérêt des banques, le Cameroun, qui à travers ce retour sur le marché financier voulait apporter sa pierre à la dynamisation semble un peu passer à côté de ses objectifs. Sur le marché, les acteurs sont unanimes sur le fait que les prises fermes d’instituts bancaires constituent un réel handicap à l’envol du marché financier sous régional.

Prises fermes nocives

Techniquement, pour le Cameroun, il ne reste plus que 19,5 milliards de FCFA à collecter au mois de mai par appel public à l’épargne auprès des autres investisseurs de la sous-région que sont les compagnies d’assurances, microfinances, les autres banques et le grand public. Si on s’en tient aux dernières sorties sur ce marché on peut déjà conclure sans risque de se tromper que le grand public, pourtant le socle granitique du développement du marché financier, s’en sortira avec la plus petite enveloppe. Au 31 décembre 2021, les personnes physiques ne détiennent que 8% de l’encours des titres en circulation sur le marché contre près de 59,5% pour les banques et 17,9% pour les assurances. « C’est le grand public qui doit développer le marché et non un groupuscule de personnes. Tant que les sociétés de bourses et les banques continueront à proposer des prises fermes, on sera dans un cercle vicieux. La prise ferme garantit certes un volume de liquidités pour l’émetteur, mais elle suppose également que l’intermédiaire ne prospecte plus auprès du grand public qui pourtant la clé de voûte du développement de notre marché », lance un expert financier. Contactés, les sociétés de bourses ne semblent pas être contre l’idée de la prospection. Deux contraintes se posent cependant à elles, la faible inclusion financière et l’exigence des émetteurs. « Ne perdons pas de vue qu’un émetteur qui lance une opération sur le marché veut d’abord récolter des fonds et avant de recruter un arrangeur, il veut se rassurer qu’il aura les fonds escomptés à la fin de l’opération. Tenez par exemple, dans ses critères de sélection, le Cameroun, sur une échelle de 100, notait la grosseur du portefeuille de la prise ferme à 60%. En gros il suffisait juste de présenter la plus grosse garantie financière et vous étiez sélectionné », commente l’un des intermédiaires retenus dans le cadre de cette opération qui poursuit, nous y sommes un peu contraints.

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A moyen terme, la capacité des banques à soutenir cette dynamique pourrait se buter aux contraintes prudentielles visant à préserver le secteur bancaire en contenant son exposition aux risques souverains dans les limites acceptables. L’élargissement au grand public reste donc la solution médiane pour tous. «Tant que les particuliers ne sont pas impliqués, les opérations seront toujours dépendantes des banques ; ce qui ne crée pas un environnement rassurant » commente notre source. Au ministère des finances, on maintient que « l’argent investit par les banques appartient toujours au grand public ».

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