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Énergies renouvelables : Une utopie pour l’Afrique ?

Face aux enjeux économiques, sociaux et environnementaux que présente la situation énergétique du continent africain, il est temps de développer un modèle fondé sur la compétitivité des énergies renouvelables et la participation financière des capitaux locaux. L’Afrique est à la veille d’un bond technologique dans les énergies comme elle en a connu un dans les télécoms.

Dix milliards d’euros. C’est le montant des financements publics mobilisés par les pays développés pour soutenir le développement des énergies renouvelables en Afrique et c’est incontestablement une bonne nouvelle. Mais cela ne constitue qu’une partie de la réponse. Car la solution à l’électrification propre de l’Afrique ne dépend pas tant de l’aide extérieure que de la mise en place des bons modèles d’affaires.

Pénuries d’électricité et points de croissance

La pression démographique et économique accentue chaque année l’urgence de résoudre l’équation énergétique africaine. La capacité de production électrique déjà installée de l’Afrique subsaharienne, hors Afrique du Sud, s’élève à 45 GW, soit autant que la Suède. En milieu urbain, les coupures d’électricité peuvent être sources de tensions sociales, voire d’émeutes. En zone rurale, le taux d’électrification quasi nul freine la valorisation du potentiel agricole et contribue massivement à l’exode. L’Afrique perd au moins deux points de croissance par an en raison des pénuries d’électricité.

De plus, le mix énergétique actuel – dépendant à 50 % des énergies fossiles – est inacceptable, surtout pour un continent qui dispose d’un potentiel de production gigantesque à partir de ressources renouvelables (solaire, éolien, hydroélectrique, biomasse, géothermie). Cette situation n’est pas une fatalité. Car, à l’instar de la téléphonie mobile qui a conquis le continent, l’Afrique est à même d’opérer une mue dans son mode d’approvisionnement énergétique, en particulier grâce aux solutions décentralisées.

La baisse constante du coût des énergies renouvelables, tout particulièrement dans le solaire et l’éolien, rend ce changement possible. Par exemple, avec une capacité estimée à 10 TW, la production d’électricité solaire en Afrique pourrait passer de 15 GW à 62 GW d’ici à 2030, ce à un coût compétitif. Mais seul un modèle d’affaires inclusif articulé autour de partenariats public-privé équilibrés avec une répartition équitable des bénéfices peut y parvenir.

Fenêtre d’opportunités

Une fenêtre d’opportunités s’ouvre, tant sur le mode de génération de l’énergie que sur son financement. Au Sénégal, alors que le gouvernement a mis en place un dispositif législatif qui favorise le développement des énergies renouvelables, on constate l’émergence d’une offre de producteurs indépendants. Une première centrale solaire de 20 MW financée selon ces nouvelles modalités sortira de terre au nord du pays, à Bokhol, courant 2016. Le Sénégal désire porter la part du renouvelable dans sa production énergétique à 20 % d’ici 2017. Si la centrale de Bokhol prouve son efficacité, elle en engendrera d’autres, non seulement au Sénégal, mais partout dans la région.

En parallèle, la question des financements est en passe de trouver une solution. Car, contrairement à une idée reçue, l’Afrique détient en elle-même la capacité d’investissement qui lui permettra de financer son développement. On constate notamment l’émergence de groupes d’assurance, de fonds de pension, d’institutions de prévoyance et de retraite et d’investisseurs privés. Ainsi, l’industrie des fonds de pension ghanéenne a augmenté de 400 % entre 2008 et 2014, tandis que celle du Nigeria a triplé pour atteindre 25 milliards de dollars (23 milliards d’euros) sur la même période.

Par Charlotte Aubin-Kalaidjian

Par Charlotte Aubin-Kalaidjian

Présidente la société d’investissement spécialisée dans l’énergie solaire en Afrique GreenWish Partners
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