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Eurobonds, dette publique, covidgate : Louis Paul Motaze s’explique

Le Ministre camerounais des finances était, le vendredi 18 juin dernier face aux sénateurs, pour défendre le projet de loi portant ratification de l’ordonnance du 7 juin 2021, modifiant et complétant certaines dispositions de la loi du 17 décembre 2020 portant loi des finances pour l’exercice budgétaire 2021. Dans le cadre des questions orales aux membres du gouvernement, Louis Paul Motaze a été invité par la représentation nationale à s’exprimer sur trois questions qui, depuis quelques temps, suscite débats et polémiques au sein de l’opinion publique nationale. Il s'agit de l’opération de refinancement de l’eurobond de 450 milliards que le pays a engagé le week-end dernier à Paris, la soutenabilité de la dette du Cameroun ainsi que la gestion des fonds publics alloués dans le cadre de la lutte contre la pandémie du coronavirus et ses effets sur l’économie. EcoMatin fait une économie de l’argumentaire déployé pendant près de 20 minutes par le membre du gouvernement, sous le regard de Marcel Niat Njifenji, président de cette auguste chambre.

L’eurobond et la tontine

L’ordonnance du 26 mai 2021 signée par le président de la République n’a pas fini de susciter les débats au sein de l’opinion nationale. La raison ? Ce texte autorise le gouvernement à recourir « à des émissions sur le marché international pour un montant de 450 milliards de FCFA », portant ainsi l’enveloppe des prêts non concessionnels de 300 à 750 milliards. Bien plus, cette opération devrait permettre au pays de rembourser une dette similaire qu’il avait contractée en 2015 et dont les échéances de remboursement du principal sont prévues entre 2023 et 2025. Dis de la sorte, ce nouvel emprunt vient augmenter le niveau d’endettement du Cameroun, sans visibilité avérée sur son efficacité. Ce qui ne se discutait que sur les plateaux de télé et dans les chaumières a été porté ce 18 juin à l’attention du ministre des Finances, lors de son passage auprès de l’auguste chambre pour défendre le projet de loi portant modification du budget.

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Pour Louis Paul Motaze, il ne s’agit pas d’un nouvel endettement. « Nous n’allons pas à paris pour chercher encore 450 milliards de FCFA qui vont s’ajouter au 1er 450 milliards ». Utilisant une métaphore, celle de la tontine, le Minfi explique les tenants et les aboutissants de cette opération de refinancement. «Nous allons faire ce qu’on fait dans les tontines » a-t-il lancé, provoquant du sourire chez certains élus. « Dans une tontine, poursuit-il, lorsque plusieurs personnes veulent acheter l’argent, les enchères ont tendance à monter et c’est le plus offrant qui empoche finalement mais avec un taux d’intérêt considérable. Supposons que vous voulez 10 millions et vous finissez par le prendre avec un taux élevé de 10 ou 15%. Quelque temps après, il peut arriver que toujours dans la même tontine et pour le même montant, le taux d’intérêt soit plus bas parce que les gens n’ont pas beaucoup demandé. Alors vous décidez de prendre cette dette pour rembourser la précédente. Ça veut donc dire que vous n’avez pas deux dettes mais une seule. Sauf que la 2e vous l’avez à des conditions beaucoup plus favorables. C’est ce que nous allons faire ; c’est tout ! » va-t-il expliquer. Appliquée à l’eurobond, cette stratégie devrait permettre non seulement de repousser la période de remboursement et réduire le volume d’intérêts que le Cameroun paye chaque année.

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Sur l’opportunité de cette opération, le membre du gouvernement explique que le « timing est parfait et le contexte favorable ». Ce qui n’est pas faux, car les marchés financiers internationaux offrent aux investisseurs des meilleures conditions du fait du Covid-19 (taux d’intérêt faible) qui limitent les opportunités de placement des détenteurs de capitaux. De l’avis des experts, la tendance pourrait se retourner dès 2022. D’où l’onction donnée par le FMI pour un refinancement cette année. Pour le Cameroun, qui espère bénéficier de cette conjoncture favorable, l’enjeu primordial reste celui d’obtenir un taux d’intérêt en dessous des 9,5% qu’il avait lors du 1er emprunt en 2015. « Nous ne pouvons fixer un taux pour cette opération. Mais nous visons le plus bas possible et espérons l’obtenir à l’issu des discussions avec les investisseurs » relève Louis Paul Motaze.

« Il y’a de bonnes et de mauvaises dettes »

« Ici dans cet hémicycle, j’ai déjà eu à prendre la parole à plusieurs reprises pour dire que la dette du Cameroun est soutenable » lance Louis Paul Motaze devant les sénateurs. Abordant le volet de la dette publique du Cameroun en général le Minfi clame la soutenabilité de cette dette. Comme argument, il brandit le ratio dette PIB qui au 30 avril 2021 est de 44,1% du PIB soit 10 551 milliards de FCFA. Pour Louis Paul Motaze, cet encours pourrait être plus bas. «Nous atteignons ce taux parce que les méthodes de calcul ont changé. Maintenant nous ajoutons à la dette de l’Etat, la dette de certaines entreprises publiques comme la Sonara et même là nous sommes à moins de 45% du PIB », explique-t-il.

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Si pour le moment la dette du Cameroun est encore soutenable, en raison du seuil de tolérance de 70% du PIB admis dans la zone Cemac, les parlementaires dénoncent son utilité. Questionnée dans le cadre de l’évaluation et de la conduite des projets d’investissements réalisés par le gouvernement. D’après la caisse autonome d’amortissement, les entraves qui plombent l’exécution optimale des projets et par conséquent l’absorption des financements extérieurs sont entre autres, la faible maturation de certains projets, l’appropriation insuffisante des procédures d’exécution des fonds de contrepartie, les lenteurs dans la libération des emprises de certains projets… Le gouvernement en est bien conscient, c’est pourquoi il a pris des mesures pour pallier ce manquement. «Pour améliorer l’efficacité dans la gestion, il a été créé le comité national de la dette publique, présidé par le ministre des finances avec comme vice-président le Minepat. Le chef de l’Etat a accepté que le représentant du FMI soit membre de ce comité. Désormais, lorsque les ordonnateurs veulent qu’on aille s’endetter, on étudie au peigne fin le dossier avant de marquer notre accord.

Les fonds covid de la discorde

Interrogé sur l’allocation des ressources dédiées à la lutte contre la pandémie du coronavirus, l’argentier national explique que cette répartition s’est faite non seulement pour contrer la maladie, mais surtout pour relancer l’économie fortement altérée par la pandémie mondiale, d’où l’implication de la quasi-totalité des départements ministériels. « Contrairement à ce qu’on croit, la seule riposte n’était pas que sanitaire parce qu’on lutte contre le coronavirus et ses répercussions économiques et sociales. C’est pourquoi le Minresi, le Minepat, le Minmidt, du tourisme… était attributaire d’une enveloppe. Nous avons fait des propositions qui ont fait l’objet du décret de répartition ».Sur l’audit de la gestion desdits fonds, Louis Paul Motaze conseille d’attendre les résultats de l’audit de la chambre des comptes de la cour suprême qui, apprend-on, devrait être disponible cette semaine. « S’il y’a une suite pénale qui sera donnée aux enquêtes, la justice fera son travail » conseille-t-il.

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