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Exonérations : le Minfi s’attaque aux abus sur les facilités fiscales et douanières

Fraude sur le profil des bénéficiaires des privilèges et immunités diplomatiques en matières douanières, non reversement de la TVA par les entreprises attributaires des marchés à financement extérieur ou conjoint, etc. l’application du régime des exonérations fiscales et douanières s’avère de plus en plus laborieuse.

Dans son rapport d’audit du Fonds spécial de solidarité nationale pour la lutte contre le coronavirus, réalisé par la Cour des comptes des Comptes de la Cour suprême du Cameroun, les auditeurs ont révélé une opération de vente par le ministère de l’Administration territoriale (Minat) de 15 000 tests de dépistage rapide Covid-19 au ministère de la Santé publique (Minsante). S’il n’est pas rare que le Minat reçoive de tels dons en situation de crise, la haute juridiction s’étonne néanmoins de cette transaction. Non seulement la réglementation ne permet pas à une administration de vendre des biens à une autre mais la conformité de cette opération par rapport la règlementation douanière est aussi discutable. Selon le Code des Douanes Cemac les matériels et produits fournis gratuitement aux Etats de la Cemac par des Etats étrangers ou des organismes internationaux sont admis en franchise des droits et taxes à l’importation, sauf lorsqu’ils sont destinés à être revendus.

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Les entorses à la règlementation douanière sont devenues un sujet de préoccupation pour le gouvernement. Pour clarifier la situation, le ministère des Finances (Minfi) organise du 25 au 26 août une session de formation sur la problématique de l’application des privilèges et immunités en matières douanières accordés aux personnels des Missions diplomatiques, Postes consulaires et Organisations internationales. Outre les privilèges et immunités diplomatiques, le ministère des Finances souligne que le régime des marchés à financement extérieur ou conjoint, qui, bien que ne constituant pas une dépense fiscale au sens strict, n’en demeure pas moins une source de manque à gagner au regard des montants d’impôts et taxes pris en charge non apurés.

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D’une manière générale, il apparait que l’application du régime des exonérations fiscales et/ou douanières présente encore de nombreuses insuffisances. Le rapport sur les dépenses fiscales de l’exercice 2019 recense 380 mesures dérogatoires constitutives de dépenses fiscales, soit 280 en matière de TVA, 20 pour les droits de douanes, 29 en impôt sur les sociétés, 26 en impôt sur le revenu des personnes physiques, 18 en droits d’enregistrement et 04 pour les droits d’accises. L’absence de données n’a pas permis de chiffrer neuf mesures, selon le Minfi.

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Les mesures recensées se présentent sous forme d’exonérations totales ou partielles, temporaires ou définitives, d’abattements, de déductions et de franchises. Elles se retrouvent aussi bien dans le régime de droit commun que dans celui des régimes dérogatoires. En tout, les 371 mesures évaluées ont conduit à une dépense fiscale globale de 584,694 milliards de FCFA en 2019. En 2018, l’Etat avait concédé 545,144 milliards de FCFA. Un pactole que le gouvernement veut désormais gérer avec plus de parcimonie.

Comprendre la dépense fiscale

Les dépenses fiscales constituent les avantages fiscaux accordés par l’Etat en vue d’encourager des personnes physiques ou morales ou des politiques publiques, en renonçant volontairement à une partie de ses revenus pour atteindre des objectifs déterminés. Elles revêtent plusieurs formes et peuvent porter, soit directement sur l’assiette imposable, soit sur les taux d’imposition ou alors indirectement sur la trésorerie de l’entreprise. Au niveau de l’assiette fiscale, les mesures dérogatoires concernent les exonérations totales, partielles ou temporaires, les déductions, les abattements et les provisions en franchise d’impôts. Au niveau des taux d’imposition, l’écart entre les taux préférentiels accordés à certaines activités et les taux normaux est considéré comme une dépense fiscale.

Dans le cadre du programme économique et financier conclu avec le FMI en juin 2017, le gouvernement s’est engagé à rétablir la soutenabilité des finances publiques. Pour y parvenir, les objectifs de politique budgétaire consistent, entre autre, à une gestion de la TVA plus efficace ainsi que la maîtrise des exonérations. De fait, les pouvoirs publics

n’hésitent plus à reconnaitre que le secteur privé a bénéficié jusqu’à présent d’avantages fiscaux « exorbitants ».

En vue de la rationalisation des dépenses fiscales et d’en assurer un suivi strict, les différentes études menées par la DGI et la Ferdi recommandent d’évaluer l’impact des régimes dérogatoires et des codes spécifiques pour les rendre compatibles avec les politiques de mobilisation des recettes ; réformer le régime fiscal des marchés publics sur financement extérieur en systématisant la conclusion de ceux-ci, toutes taxes comprises (TTC), qui mettra un terme à l’indisponibilité des fonds de contrepartie ; d’effectuer un meilleur ciblage de la dépense fiscale destinée aux ménages les plus défavorisés étant entendu que le poste « alimentation, boisson non alcoolisées » qui bénéficie de 46% de la dépense fiscale en matière de TVA profite à hauteur de 5,8% seulement aux ménages défavorisés contre 40,8% pour les ménages les plus riches ; les dépenses de consommation des ménages étant fonction du niveau de consommation.

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