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exploitation minière: jusqu’où ira Geovic ?

Alors que la société américaine avait déserté le Cameroun, il y a six ans environ, et tenté même en vain de céder tous ses actifs sur le projet minier de Nkamouna, à la société chinoise Jiangxi Rare Metals Tungsten Group Holdings Company Ltd, elle revient et annonce cette fois des investissements de 235 milliards de FCFA pour l’exploitation de son gisement de nickel-cobalt-manganèse au Cameroun.

Difficile de dire, si cette fois est la bonne, tant les rétropédalages des sociétés minières voulant exploiter le sous-sol camerounais sont récurrents. Toujours est-il que les responsables de la société américaine Geovic frappent de nouveau aux portes du Cameroun. D’abord, c’est le secrétaire général de la présidence de la République, Ferdinand Ngoh Ngoh qui, le 21 février 2018, recevait en audience, William Alan Buckvic, le fondateur de Geovic Mining Corp. Lors de cette rencontre, ce dernier avait fait part de l’intention du groupe minier de relancer son projet à Nkamouna et Lomié, qui depuis 16 ans, n’a jamais décollé. Ce dernier avait même décliné leur stratégie de mise œuvre effective du projet de Nkamouna une fois les prérequis administratifs validés par l’Etat du Cameroun. Tout récemment encore, plus précisément le 25 juillet dernier, c’est le PDG de la société américaine Geovic, Michael Mason, qui a été reçu en audience à Yaoundé, par le président Camerounais Paul Biya. La présidence de la République rapporte que le PDG de Geovic a remercié le chef de l’État du Cameroun dont « le soutien et la patience » ont été indispensables à l’heureux aboutissement de ce projet, qu’il a qualifié de « l’un des meilleurs au monde ». Michael Mason a indiqué que ce projet, dont le financement est estimé à 400 millions de dollars (environ 235,44 milliards de FCFA) pour une durée de vie de quarante ans, aura des retombées inestimables sur le développement du Cameroun.


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Le patron de Geovic promet la création d’environ 700 emplois directs, le transfert de technologies, la formation de jeunes Camerounais, le paiement des impôts et taxes divers à l’État, etc. « Le début des travaux est prévu dès la signature des accords entre les deux parties », précise la présidence de la République. Pourtant, on se rappelle que la junior minière américaine Geovic qui aujourd’hui semble enfin décidée à mettre en exploitation la réserve de cobalt, de nickel et de manganèse située dans les régions de l’Est et du Sud du Cameroun, avait déserté le pays depuis 2013 avec en poche un permis d’exploitation minière datant du 11 avril 2003. Durant cette longue période d’hibernation, Geovic a même tenté en vain de céder tous ses actifs sur le projet minier, à la société chinoise Jiangxi Rare Metals Tungsten Group Holdings Company Ltd. Jusque-là, l’entreprise Geovic ne se trouve toujours pas obligée de communiquer sur les raisons de son précédent abandon de  ce projet minier, tout elle n’apporte pas de garanties que cette fois-ci, ce projet sera  effectivement mis branle.

Grâce à ce grand espoir et à cette grande attente, Geovic aurait réussi à accumuler d’énormes sommes d’argent. Elle aurait levé environ 66 millions de dollars à la Bourse de Toronto en 2007, émis des warrants et vendu des actions sur un marché américain de gré à gré.

En effet, selon les premières estimations, Geovic sur le projet de Nkamouna devait passer d’une capacité de production initiale de 7 000 tonnes de cobalt à environ 16 000 tonnes métriques pour une durée de vie projetée à plus de 40 ans. Les droits ad valorem et les impôts sur le revenu, ainsi que les droits de bail foncier, devaient normalement bénéficier à la trésorerie de l’Etat à hauteur de 200 millions de dollars US par an (100 milliards de FCFA) de manière progressive. Ces taxes et droits devaient augmenter graduellement avec l’extension de la production à pleine capacité d’exploitation sur l’ensemble des quatre gisements. Ce projet devrait aussi soutenir le développement d’écoles géologiques, minières et métallurgiques pour l’ingénierie ; et mettre l’accent sur la création d’écoles d’artisanat et de programmes pour la formation de plombiers, soudeurs, charpentiers, machinistes, électriciens, etc.

Un passé quelque peu sulfureux au Cameroun

Geovic aurait-il surestimé les réserves minières découvertes au Cameroun, pour gagner de l’argent en bourse ? Cette interrogation vaut son pesant d’or, au regard de certaines révélations sur les actions de cette entreprise américaine. Selon certaines enquêtes, une fois Geovic en possession du permis d’exploitation minière par l’intermédiaire de sa filiale camerounaise GeoCam, la société a affirmé au milieu des années 2000 avoir découvert des niveaux de réserves de cobalt qui ont changé la donne. Grâce à ce grand espoir et à cette grande attente, Geovic aurait réussi à accumuler d’énormes sommes d’argent. Elle aurait levé environ 66 millions de dollars à la Bourse de Toronto en 2007, émis des warrants et vendu des actions sur un marché américain de gré à gré. Entre-temps, selon un dénonciateur interrogé par Mediapart, sa filiale GeoCam aurait reçu plus de 100 millions de dollars de l’État camerounais, qui détenait 20 % de la société nationale, en grande partie pour rembourser les frais d’exploration, mais l’informateur aurait déclaré que la société fraudait le gouvernement en exagérant considérablement les dépenses.


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Cependant, malgré tout l’argent qu’elle a récolté, Geovic a enregistré en 2014 une perte d’exploitation totale de 167 millions de dollars. Selon certains documents, les rapports financiers de Geovic montrent que les trois ou quatre principaux dirigeants de l’entreprise ont reçu des salaires d’environ 200 000 $ par an (plus les primes et les dépenses). De plus, selon les documents déposés auprès de la Securities and Exchange Commission, la société a dépensé plus de 96 M$ en  » frais d’exploration « , 19 M$ en  » rémunération à base d’actions  » et 50 M$ en  » frais généraux et administratifs  » entre 1994 et 2013. Cependant, les rapports de Geovic ne fournissent pas de ventilation détaillée de ce à quoi ces catégories se réfèrent. On ne sait donc pas exactement comment ces sommes énormes ont été dépensées. Et pourtant sur le site en 2014, il y avait peu de signes indiquant que des activités minières avaient été menées. Une partie de l’argent de Geovic serait donc allée à une organisation caritative qu’elle a créée, GeoAid, qui était censée mettre en œuvre des projets de développement dans les communautés voisines de la mine.

Selon les documents déposés par GeoAid aux Etats-Unis, son budget s’élevait à un total de 4,8 millions de dollars entre 2009 et 2011. Mais l’association américaine à but non lucratif a restitué une grande partie de ces fonds à des organisations camerounaises dont les budgets ne sont pas accessibles au public, notamment à GeoAid Cameroun et d’autres. Les déclarations de GeoAid révèlent que le directeur aurait reçu près de 100 000 dollars par an entre 2009 et 2012 (alors qu’il vivait aux États-Unis), et les ONG locales ont indiqué que l’un des directeurs américains avant 2009 s’était payé lui-même la majeure partie du budget de l’organisation. Mais il y a peu de signes de l’utilisation des fonds restants de GeoAid au fil des ans.

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