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Faillite financière : chronique d’une descente aux enfers de Comeci

Malgré l'administration provisoire mise en place pour six mois depuis l'année dernière, l’Etablissement de microfinance (EMF) affiche des pertes sèches de 8 281 milliards de FCFA au cours de l’exercice 2017.

La Compagnie équatoriale pour l’épargne et l’investissement (Comeci) vient de publier le compte-rendu de son assemblée générale. On y apprend que cet établissement de microfinance (EMF), dont le siège se trouve à Douala, a perdu 8 281 milliards de FCFA au cours de l’exercice 2017. C’est au moins huit fois son capital fixe à un milliard de FCFA, selon le procès-verbal de l’assemblée générale. Cette perte sèche est le fait de l’échec du recouvrement forcé des créances. Pour tenter un sauvetage, indique le procès-verbal de l’assemblée générale extraordinaire, quitus a été donné à l’administrateur provisoire de procéder à l’augmentation de capital de l’EMF à hauteur de 3 milliards de FCFA par phases, « en fonction de la situation et des besoins de la société ».
En difficulté depuis 2016, la Commission bancaire de l’Afrique centrale (Cobac) a décidé, le 16 janvier 2018, de mettre cette microfinance camerounaise sous administration provisoire « au regard de la situation financière et prudentielle critique de la Comeci et compte tenu de l’incapacité de ses dirigeants sociaux à restaurer la solvabilité de cet établissement ». La Cobac a alors désigné un administrateur provisoire en la personne de Bernard Mvogo, pour un mandat de six mois. Jusque-là, la situation ne semble pas s’améliorer.
Au demeurant, mis à part cette opération de recouvrement forcé, la direction générale de cette institution de microfinance, au bord de la faillite depuis août 2016, énonce des mesures visant à redresser la barre de l’entreprise. Il est notamment envisagé, une réduction des effectifs, des salaires et du nombre d’agences, dans le cadre d’une politique globale de réduction des charges. L’un des derniers subterfuges de Comeci a été, en novembre 2016, d’annoncer qu’elle a trouvé un partenaire dénommé « Suisse Credit Capital ». Que nenni ! « Suisse Credit Capital » qui se présente comme une « institution financière basée à Londres, agréée par la Banque centrale anglaise » ne s’est toujours pas portée au secours de Comeci.


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A cet effet, l’établissement financier annonce qu’après la délivrance de la lettre de confort, le 25 août 2016, et la signature d’un accord de financement le 29 août entre lui et son « partenaire financier » Grand Impex Trading Ltd pour la mise en place, au profit de la Comeci, des lignes de crédit de 50 milliards de FCFA, « les formalités de déblocage des fonds en vue de financer les micro-projets se poursuivent normalement ».
A ce sujet, renseigne la société de microfinance, une séance de travail inclusive s’est tenue le 25 octobre 2016 à Douala avec les représentants de la Comeci, Grand Impex Trading Ltd et la « Suisse Credit Capital Ltd » représentée par un certain Nabil Osman, directeur pour l’Afrique et le Moyen orient. Il ressortirait de cette réunion que « des échanges très avancés ont eu lieu avec la banque locale où seront hébergés lesdits fonds ». Ce qui rend Comeci optimiste quant à « la reprise progressive des opérations des transactions financières à ses guichets dans les brefs délais ».
Bien qu’inconnue dans le monde de la finance, la « Suisse Credit Capital », se présente comme une « institution financière basée à Londres, agréée par la Banque centrale anglaise ». Elle aurait déjà financé des projets dans plusieurs pays africains, en Tanzanie, Angola et Ghana, assure-t-on.

Le grand bluff d’Impex Trading pour recapitaliser Comeci
La société de microfinance comptait sur une « lettre de confort » de « Impex Trading LTD », une société dite « spécialisée dans l’intermédiation financière », qui promettait de renflouer ses caisses avec une perfusion financière de 50 milliards de FCFA. Pour autant, Comeci n’est pas sortie de l’auberge car Impex Trading Ltd ne jouit pas d’une bonne réputation. A preuve, en 2012, cette société avait mis sur pied un concept baptisé « World Dream » dont la composante culturelle promettait de faire venir des stars de renommée mondiale (Eminem, Gary Dourdan, Manu Dibango, etc.) au Cameroun. Des billets de concerts avaient même été mis en vente. Mais en vain. vendredi 26 août 2016, des épargnants avaient pris d’assaut les agences de Comeci Douala. Après plusieurs heures d’attentes infructueuses, Martin Kemogne, le président du conseil d’administration (PCA) de la Comeci avait tenté d’apaiser la colère des épargnants. « Nous tenons à rassurer nos clients et nos partenaires de la poursuite sereine des activités et les prions de ne pas céder à la panique », avait affirmé le PCA.
Des sources proches de la microfinance indiquaient que tout est parti du fait que des cadres de Comeci à Bafoussam, dans la région de l’Ouest, avaient discrètement soufflé à leurs proches que l’institution serait à court de liquidités et qu’il fallait se hâter de vider les comptes. Ce qui avait provoqué des retraits d’argent à tout vent en un laps de temps très court. Incapable de satisfaire tous ces clients, le chef d’agence de Comeci à Bafoussam avait même été séquestré dans son bureau. Il avait eu la vie sauve grâce à la présence des forces de l’ordre.
Comeci s’était entichée d’un partenaire, pour dire le moins, suspect. Et pour cause, « Grand Impex Trading », cette société dite de trading, qui a promis de faciliter un prêt de 50 milliards de FCFA à la microfinance traîne, elle-même, un passé tellement sulfureux que des doutes pèsent sur sa capacité à aider Comeci à sorti du rouge. Et pour cause, en 2012, cette Impex avait lancé un programme d’investissement baptisé « World Dream » dont la composante culturelle vendait le rêve de faire venir au Cameroun de grosses pointures mondiales du showbiz (Manu Dibango, Eminem, 50 Cents, EVE, Jermaine Dupri, Shontelle, etc.) dans l’optique d’organiser un méga concert initialement fixé au 28 avril 2012.
Ce qui allait donner, selon Impex et son promoteur Junior Abraham Ngosso, une visibilité au pays et par conséquent attirer des investisseurs. Dans le fond, l’idée n’est pas mauvaise. Elle est même audacieuse. Sauf que les notes musicales de concert vont rester dans le domaine de la science-fiction. Sans obtenir l’accord de Manu Dibango et Cie, l’équipe de « World Dream » se met à diffuser des spots publicitaires sur les stars du concert qui avait, entre temps, été repoussé sine die. Claire Diboa, manageuse du chanteur d’origine camerounaise va le dénoncer violemment dans un mail le 30 avril 2012.


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Deux jours avant, le 28 avril 2012 à 15h 29, c’était déjà la réaction de Georges Williams de l’agence Next-Level basée aux Etats-Unis et spécialisée dans le booking d’artistes qui comptait dans son CV, l’organisation des stars comme Sean Paul, Eve, Jarule, T-Pain, Jermaine Dupri, etc. « Pourquoi avez-vous communiqué et annoncé la participation de Manu Dibango sans autorisation et sans même vous être acquitté des 70 000 euros que vous lui devez toujours en violation flagrante des accords signés avec Next Level Agency », s’était interrogé Georges William. Qui poursuit que : « Il est donc inutile ici Junior, d’utiliser des méthodes dilatoires, méthodes condamnables et dont je ne suis pas dupe de la finalité. Acquittes-toi de toutes tes dettes auprès des artistes internationaux et artistes Camerounais. Paye les dettes relatives aux engagements souscrites auprès des hôtesses dont la plupart sont de jeunes et innocentes filles qui ont travaillé pour vendre vos tickets de tombola. Remboursez à ces hôtesses les 3000 FCFA que vous avez exigés à celles-ci, comme seule condition pour leur embauche. Vous savez pertinemment que c’est illégal au regard du droit du travail pour une société qui dit avoir des milliards et immoral de faire payer de jeunes filles qui sont vos petites sœurs, sous prétexte qu’elles vont en retour avoir un emploi qui sera rémunéré à 100 000 FCFA à condition qu’elles vendent chacune 75% des billets de tombola que vous leur avez remis ».

Le démenti d’Attijariwafa de UBA
La filiale camerounaise d’Attijariwafa dément formellement n’être pas en affaire avec Suisse Credit Capital le partenaire douteux de Comeci. Et SCB de déclarer qu’elle « se réserve le droit d’engager une telle action juridique qu’elle jugerait nécessaire, pour se prémunir contre tout impact négatif que cette fausse nouvelle pourrait provoquer ». Une semaine avant la sortie musclée de la SCB, la banque UBA avait fait publier un démenti dans des termes quasiment similaires. De fait, les démentis presque synchronisés de la SCB et UBA découlent d’un malaise. Celui d’être associé à une société inconnue de la place financière suisse, présentée il y a quelques mois comme le sauveur de la microfinance « Compagnie équatoriale pour l’épargne et le crédit d’investissement » (Comeci) dans l’incapacité de restituer les épargnes de milliers de personnes, parce que ses comptes sont au rouge. La manœuvre de Comeci était pourtant de rassurer ses clients.
A cet effet, l’établissement financier avait alors annoncé par voie de presse en octobre 2016 qu’après la délivrance de la lettre de confort, le 25 août 2016, et la signature d’un accord de financement, le 29 août, entre lui et son partenaire financier Grand Impex Trading Ltd, des lignes de crédit de 50 milliards de FCFA lui avaient été promises par Crédit Capital Suisse. Et que « les formalités de déblocage des fonds en vue de financer les micro-projets se poursuivent normalement ».

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