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Filière aluminium : les détails sur la fusion Alucam-Socatral

Pour l’absorption de Socatral, Alucam a dû procéder à une augmentation de son capital par l’émission de 82 724 actions nouvelles. Ces actions sont assorties d’une prime et d’un boni de fusion d’un montant global de plus de 15 milliards de Fcfa. Si cette opération s’inscrit dans une intégration verticale, elle se traduit surtout par une transmission nette d’actifs de plus de 17 milliards de Fcfa.

Dans quelques jours, l’on saura le fin mot de l’histoire sur le projet de fusion entre la Compagnie camerounaise d’aluminium (Alucam) et la Société camerounaise de transformation de l’aluminium (Socatral). Actuellement, la procédure est suspendue à la déclaration de l’opération par la Commission Nationale de la Concurrence, Autorité de la concurrence, dans le cadre du contrôle des concentrations. Il y a aussi les créanciers des sociétés fusionnantes, dont la créance est antérieure au projet de fusion qui peuvent former opposition à cette fusion dans un délai d’un mois à compter de la parution de l’Avis de projet de fusion [dans Cameroun tribune du 4 décembre 2020, Ndlr], dans les conditions prévues par l’Acte uniforme Ohada relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique.

Dans l’hypothèse d’une non opposition dans les deux cas, alors le projet de fusion entre les sociétés Alucam et Socatral sera définitivement validé. Les deux autres conditions suspensives étant déjà remplies depuis le 30 juin 2020. Il s’agit d’une part, de l’approbation de la fusion par l’assemblée générale extraordinaire des actionnaires de la Socatral, de la dissolution anticipée, sans liquidation de la Socatral et de la transmission universelle de son patrimoine à Alucam et d’autre part, de l’approbation de la fusion par l’assemblée générale des actionnaires de Alucam, de la valeur des apports, de la parité d’échange et de l’augmentation de capital de Alucam, résultant de la fusion.

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En effet, les actionnaires de chaque entreprise ont approuvé, en juin dernier, les actes signés sous seing privé le 18 juin 2020 par devant Maître Annette Eyoum, Notaire à Edéa. Selon l’Avis y relatif, « Alucam, au capital de 19 176 757 630 Fcfa et Socatral, au capital de 1 846 928 000 Fcfa ont établi le projet de fusion par voie d’absorption de Socatral par Alucam à qui Socatral fera apport de la totalité de son actif évalué à un montant de 33 611 395 587 Fcfa à charge de la totalité de son passif évalué à un montant de 15 979 366 329 Fcfa soit un actif net transmis s’élevant à 17 632 029258 Fcfa ».

Non objection

Dans l’espoir que les diligences en cours aboutissent sans oppositions, Alucam a procédé à une augmentation de capital de 2 089 442 792 Fcfa. Ceci, par émission de 82 724 actions nouvelles d’une valeur nominale de 25 258 Fcfa chacune. Cette opération vise à rémunérer l’apport effectué par Socatral. Ces 82 724 nouvelles actions sont directement attribuées aux actionnaires de Socatral, à raison de 10,8646 ’’actions Alucam’’ pour une ’’action Socatral’’. Ces nouvelles actions, entièrement libérées, sont assorties d’une prime de fusion globale s’élevant à 4 379 826 231 Fcfa et d’un boni de fusion s’élevant à 10 923 472 235 Fcfa.

En attendant, « toutes les opérations actives et passives, effectuées par la Socatral depuis le 31 décembre 2019 jusqu’à la réalisation définitive de la fusion seront prises en charge par Alucam », précise Me Annette Eyoum. De même, il y a encore quelques détails juridiques et au niveau des systèmes d’information à peauffiner, notamment par rapport aux éléments de langage en vue du plan de communication à venir. Par exemple, « il faut trouver le nom de la nouvelle entité et la composition du conseil d’administration», explique Cathy Momha de la cellule de communication.

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Géant au Cameroun, nain en Afrique

S’il aboutit, le projet de fusion par voie d’absorption de la Socatral par Alucam, s’inscrirait dans la nature même de l’activité. « Tous ceux qui ont déjà visité les installations de ces deux entreprises se sont rendus compte qu’elles occupent le même espace, partagent les mêmes installations », témoigne un employé d’Alucam, ajoutant qu’il est très difficile pour une personne externe de faire la différence entre deux ces entités. En effet, Socatral est un atelier qui se situe juste après le dernier atelier d’Alucam. « Je ne comprends même pas pourquoi on a cru devoir séparer sur le plan juridique ce qui est très intégré au plan opérationnel », explique un cadre de Socatral. « Les employés Alucam et Socatral portent la même tenue ; les deux entreprises ont le même système de management ; nous faisons les mêmes formations et participons aux mêmes réunions », commente un autre employé.

Quoi qu’il en soit, cette fusion est une bouffée d’oxygène pour Alucam qui fait face à certaines difficultés économiques ces dernières années. Selon les états financiers disponibles, les capitaux propres d’Alucam sont passés de 19,217 milliards de Fcfa en 2017 à 12,799 milliards de Fcfa en 2018. Le chiffre d’affaires a suivi la même courbe, passant de 123,4 en 2017 à 99,2 milliards de Fcfa en 2018. L’entreprise a réalisé un déficit de 10,8 milliards de Fcfa en 2018 après un résultat positif de 2,2 milliards en 2017. L’embellie n’aura donc été qu’un éclairci. En effet, Alucam accumule des pertes depuis plusieurs années déjà soit 1,870 milliard de Fcfa en 2016, contre 10,099 milliards en 2015 et 8,512 milliards en 2014.

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Intégration vertical

Cette fusion-absorption est donc une bonne affaire puisqu’elle va permettre à Alucam d’améliorer sa situation financière grâce au transfert d’actifs de plus de 17 milliards de Fcfa. Mais il s’agit surtout d’une intégration verticale qui vise la réduction des coûts grâce à une meilleure coordination des secteurs amont et aval. Jusqu’à présent, les 2/3 de la production d’Alucam sont exportés alors que le reste est transformé sur place par ses filiales Socatral et Alubassa.

Par la technique du laminage à chaud des plaques, Socatral produit des bobines qui servent à la fabrication des tôles de couverture d’une part et des disques pour articles de ménage d’autre part. Sa capacité de production annuelle est de 30 000 tonnes. Dans le souci de diversifier son offre en réponse aux besoins du marché, Socatral a inauguré la première ligne de laquage en Afrique Central en octobre 2016. De ce fait, elle propose aujourd’hui des produits divers laqués sur son marché qui s’étend sur toute l’Afrique.

Unique unité de deuxième de transformation du groupe Alucam, Alubassa est spécialisée dans la fabrication des articles ménagers en aluminium pur et des accessoires de fixation des tôles de couverture. Elle a une capacité de production annuelle de 600 tonnes pour couvrir les besoins du Cameroun, des pays de la Cemac, des pays de l’Afrique de l’Ouest avec le Nigeria comme pôle principal.

Quant à Alucam, on se souvient que le groupe canadien Alcan qui avait absorbé le français Pechiney en 2001, avait décidé de porter la capacité de production de sa filiale camerounaise (Alucam) de 85 000 à 360 000 tonnes d’aluminium par an. Une décision motivée par la longue tradition de la maîtrise des techniques d’électrolyse par des techniciens et ouvriers camerounais; la disponibilité du deuxième potentiel hydroélectrique d’Afrique après la RDC et du coût du KWh d’électricité parmi les plus bas du continent; de la disponibilité de plus de 900 millions de tonnes de bauxite (Fongo Tongo et de Minim Martap). Le projet consiste à construire à côté de l’usine actuelle d’Edéa deux séries supplémentaires d’électrolyse de technologie AP 37, pour réduire la consommation d’électricité tout en augmentant la production. Ce qui renforcera la position du groupe sur le marché de l’aluminium en Afrique et sa contribution socioéconomique au Cameroun et dans la sous-région. Près de 20 ans plus tard, beaucoup d’eau a coulé sous le pont et le projet d’extension semble bloqué.

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Vivement un partenaire

Si une étude réalisée par le bureau d’Ingénierie Prescriptor évalue à près de 3,2% la contribution directe et indirecte d’Alucam dans la création de la richesse (PIB) du Cameroun, sur le continent c’est l’Afrique du Sud qui est le champion de la production d’aluminium. Elle possède une capacité d’environ 1 200 000 tonnes par an, suivie de l’Egypte avec 245 000 tonnes/an à Nag Hamadi, le Ghana avec une capacité annuelle de 200 000 tonnes à Tema et le Cameroun, pourtant première aluminerie d’Afrique Noire, se pointe avec une production d’à peine 100 000 tonnes.

D’ailleurs, en quittant l’actionnariat d’Alucam qu’il détenait à 46,7% jusqu’au 31 décembre 2014, le groupe canadien Rio Tionto Alcan indiquait par la voix de Claudine Gagnon, alors conseillère principale et chargée des relations médias, que « l’Avenir du groupe Alucam est de plus en plus conditionné au développement d’un nouveau modèle d’affaires orienté sur la fabrication locale des produits à plus forte valeur ajoutée, plutôt que sur l’exportation du métal primaire. Cette nouvelle vision ne s’inscrit plus dans les objectifs de Rio Tinto Alcan, qui se concentre sur la production du métal primaire et qui s’est désengagé de toutes les activités de transformation au cours des dernières années».

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