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Filière textile : zoom sur la situation financière de la Cicam

Erosion continue des parts de marché, dégringolade du chiffre d’affaires, dettes dues aux fournisseurs et prestataires astronomiques, alourdissement des arriérés de salaires, commerce illicite, contrebande, exonérations fiscales généreuses à la concurrence, etc. plombent l’activité de cet ancien fleuron de l’industrie textile en zone Cemac.

La Cotonnière industrielle du Cameroun (Cicam), n’en finit pas de voir s’amonceler les hypothèques sur son fonctionnement ainsi que sur son activité. Le 9 septembre 2021, à la faveur d’un débrayage du personnel des sites de production de Douala I et II, suite au non-paiement des salaires des mois d’août et de septembre, la direction générale, face aux délégués du personnel, décide « de cantonner toutes les recettes issues des boutiques à compter du 9 septembre 2021, pour accorder une avance de 50 000 FCFA à chaque employé ». Aux problèmes de salaires, est venu s’ajouter en octobre dernier, l’incapacité de la société à assurer la production du pagne de la journée de l’enseignant. En fait selon des sources internes à l’entreprise, sur une commande initiale de 912 balles de pagnes, seules 100 balles ont pu être produites, soit un gap de plus de 800 balles et, à la clé, un manque-à-gagner estimé en centaines de millions de Fcfa. Face à l’accumulation de ces incapacités, Cicam, assurent des sources internes à l’entreprise, a souvent été contrainte de rembourser des avances perçues sur certaines commandes passées par des clients.

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Ce faisceau de problèmes a conduit la Commission technique de réhabilitation des entreprises publiques et parapubliques du Cameroun (CTR), à confier l’étude de la viabilité de la Cotonnière industrielle au cabinet d’études et d’audit comptable (Ceac). Aussi la synthèse de ce son rapport a-t-elle été soumise aux membres du comité interministériel dédié à la réhabilitation de l’entreprise le 3 novembre 2021 au ministère des Finances.

Le diagnostic du cabinet d’auditeurs sur le plan institutionnel et juridique dont le cadre reste à parfaire, fait ressortir «l’absence de manuels de procédures financières, budgétaires et comptables, l’inexistence de texte et de cadre organique adaptés». L’absence d’une « politique de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences» plombe le management « des ressources humaines».

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Sur le plan technique et commercial, l’outil de production est obsolète. 41% des équipements sont vétuste et demandent soit à être remplacés ou à réhabiliter. Le volet commercial laisse apparaître une dégringolade des parts de marché de 95% tandis que le chiffre d’affaires est passé de 15 milliards de Fcfa en 2015 à 7,5 milliards de Fcfa en décembre 2020.

C’est sur le plan financier que la conjoncture apparaît plus défavorable à la Cicam. D’après le rapport d’audit de Ceac, la structure financière est complètement déséquilibrée, avec des capitaux propres négatifs de -7,9 milliards de Fcfa au 31 décembre 2020. «Les dettes fournisseurs, sociales et fiscales et celles dues aux actionnaires sont évaluées à environ 20 milliards de Fcfa», assène le rapport.

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En fait, selon des sources proches du dossier, la société se trouve dans l’incapacité d’honorer ses engagements vis-à-vis de la Cnps ou de désintéresser ses fournisseurs d’énergie que sont Eneo et Gaz du Cameroun. La facture des impayés d’énergie électrique s’élève à un milliard de Fcfa, tandis que Gaz du Cameroun réclame 630 millions de Fcfa à la société. Quant à la Sodecoton, près de 02 milliards de Fcfa d’impayés ont été recensés.

La société accumule également des contreperformances économiques en raison d e l’obsolescence des investissements et des outils de production des trois sites de Garoua, Douala I et II. Conséquence, ces insuffisances « ne permettent ni de rémunérer les facteurs de production (coton, gaz et électricité), ni de pouvoir autofinancer son activité », souligne le rapport.

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Exonérations fiscales à la concurrence et prix élevés du coton : le coup de massue

Dans l’analyse des forces et faiblesses de la société, ex-fleuron industriel du textile, la CTR note que le corpus juridique et réglementaire du pays est à même de permettre à la Cicam de se protéger face à la concurrence et d’augmenter ses parts de marché. La loi du 10 août 1990 régissant l’activité commerciale au Cameroun stipule en son article 7, alinéa C, qu’«afin de permettre le développement ou le maintien sur le territoire national des activités de production, particulièrement exposées à la concurrence déloyale internationale, des mesures de sauvegarde peuvent être prises par voie réglementaire concernant l’importation de produits similaires à ceux fabriqués au Cameroun».

Une perspective déjà visible dans les mesures de sauvegarde contenues dans l’Accord de partenariat économique entre le Cameroun et l’Union européenne. Car selon des experts, le Cameroun est en droit de convoquer et d’édicter des mesures visant la protection son industrie c o n t r e l a c o n c u r r e n c e internationale qui bénéficie généralement de subventions de la part de leurs Etats. Seulement, la société qui doit affronter la contrebande et la contrefaçon qui érodent ses parts de marché, fait face aux largesses du gouvernement camerounais envers ses concurrents étrangers qui bénéficient d’exonérations fiscales généreuses.

Simon Pierre Mbarga

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