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La Banque des PME sort du rouge

La Banque camerounaise des petites et moyennes entreprises (BC-PME), a vu, en mi-novembre dernier, son capital augmenter de 10 à 20 milliards FCFA.

L’information est de Théodore Nkodo Foumena, président du conseil d’administration (PCA) de la Banque camerounaise des petites et moyennes entreprises (BC-PME), banque dont l’actionnaire unique est l’Etat du Cameroun. Le PCA indique que le 16 novembre 2018, au cours d’une assemblée générale mixte, à Yaoundé, il a été décidé de l’augmentation du capital de cet établissement bancaire.

L’augmentation du capital a été rendue possible grâce à l’émission de 1 000 000 d’actions nouvelles de 10 000 FCFA chacune, par apports en numéraires de l’Etat du Cameroun. Clôturant les travaux, Gilbert Didier Edoa, Secrétaire général (SG) du ministère des Finances (Minfi) et président de séance ce 16 novembre-là, a « rassuré le président du conseil d’administration et la direction générale de la banque sur l’engagement et le soutien continu du chef de l’Etat, et du gouvernement tout entier, à la BC-PME, dans l’accomplissement de ses missions », rapporte M. Nkodo Foumena.

Pour comprendre le soutien de l’Etat à la BC-PME, il faut se rappeler que cette banque est presque en faillite alors qu’elle a à peine 4 ans de fonctionnement au compteur

Pour comprendre le soutien de l’Etat à la BC-PME, il faut se rappeler que cette banque est presque en faillite alors qu’elle a à peine 4 ans de fonctionnement au compteur. Dans le cadre du programme économique et financier avec le Fonds monétaire international (FMI) pour la période 2017-2020, l’Etat camerounais a pris l’engagement de restructurer cet établissement bancaire. Et pour cause, à la date du 31 août 2015, la Commission bancaire de l’Afrique centrale (Cobac) avait relevé l’infraction à la norme relative à la représentation du capital minimum. C’est-à-dire que la BC-PME ne disposait pas de fonds propres qu’elle doit pouvoir justifier à tout moment. Finalement, le 30 août 2018, la Cobac, le gendarme financier dans la sous-région Cemac, a ouvert une procédure disciplinaire à l’encontre de la Banque camerounaise des PME et de ses dirigeants, dont la DG, Agnès Ndoumbé Mandeng, pour non-respect des termes d’une injonction datant du 16 octobre 2017.


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A l’issue de la 3ème revue du programme économique et financier avec le Fonds monétaire international (FMI), Louis Paul Motaze, ministre des Finances (Minfi), avait confirmé, le 12 novembre 2018, la nouvelle selon laquelle la restructuration de la Banque camerounaise des PME est en cours. « Il y a eu effectivement une réflexion pour la restructuration de la Banque camerounaise des petites et moyennes entreprises. Nous avons tenu une réunion ici au ministère des Finances avec le président du conseil d’administration de ladite banque, le directeur de la Banque et le ministre de tutelle, celui des Petites et Moyennes Entreprises, de l’Economie sociale et de l’Artisanat», a déclaré le ministre des Finances.

Toujours, selon lui, il était question de réfléchir sur le format de cette banque à capitaux publics et sur comment il faut changer de paradigme ou non. « Le conseil d’administration s’est déjà tenu et nous avons convoqué l’assemblée générale pour prendre des décisions. Les décisions qui seront prises seront, bien entendu, soumises à l’approbation de la hiérarchie et puis transmises au Fonds monétaire international », avait précisé le membre du gouvernement.

Alphonse Nafack, DG d’Afriland First Bank a déclaré : « La PME pense qu’il suffit d’entrer dans une banque et de bénéficier d’un crédit. Elle n’a pas pris en compte le fait que, même sur le marché bancaire, le financement de la PME ne relève pas de la politique de toutes les banques ».

Une banque pour sauver les PME

A l’occasion de la 10ème édition de l’Africa Banking Forum (ABF), plateforme d’échanges sur l’économie, qui s’est tenue à Douala du 28 au 29 juin à Douala, le secteur bancaire a expliqué pourquoi les Petites et moyennes entreprises (PME) camerounaises, ont du mal à trouver des financements. Gwendoline Abunaw, directrice générale (DG) d’Ecobank Cameroun, a évoqué un « environnement réglementaire qui n’autorise pas les banques à prendre certains risques avec la PME ». « Les PME doivent savoir que les banques ne peuvent pas financer des structures qui ne présentent pas un certain nombre de garanties. Or, très souvent, ces entreprises évoluent dans l’informel. Ce qui rend difficile l’apport en financement d’une banque ».

Pour sa part, Alphonse Nafack, DG d’Afriland First Bank a déclaré : « La PME pense qu’il suffit d’entrer dans une banque et de bénéficier d’un crédit. Elle n’a pas pris en compte le fait que, même sur le marché bancaire, le financement de la PME ne relève pas de la politique de toutes les banques ». Néanmoins, a indiqué le DG d’Afriland, les contraintes réglementaires ne doivent pas continuer d’être un obstacle pour accompagner les PME. « Nous devons trouver des solutions alternatives. Et ces solutions, elles existent. Il faut se rapprocher des bailleurs de fonds qui peuvent accorder des ressources longues pour financer les hauts de bilan des PME», préconisait-il.


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Malgré des initiatives publiques (une banque, Agences de promotion,…) et privé (Centre de développement des PME du Gicam), les petites entreprises restent encore confrontées au difficile accès aux financements. Et pourtant, les PME représentent officiellement 90% du tissu économique du Cameroun.

Partenariat agricole

Le coordonnateur national du Projet d’investissement et de développement des marchés agricoles (PIDMA), Thomas Ngué Bissa, et la directrice générale de la Banque camerounaise des PME (BC-PME), Agnès Ndoumbé Mandeng, ont signé le 23 mai 2018 à Yaoundé, une convention de partenariat visant le financement des projets portés par les sociétés coopératives soutenues par le PIDMA. Destiné à accroître la production du maïs, du manioc et du sorgho dans le pays, en vue d’approvisionner les agro-industries locales, le PIDMA, qui est financé à hauteur de 50 milliards de FCfa par la Banque mondiale, accroche ainsi son 5ème partenaire financier, après les filiales locales des groupes bancaires français BPCE (Bicec) et Société Générale, puis la banque camerounaise Afriland First Bank, et l’institution de microfinance Renaprov.

Le modèle économique de la Banque camerounaise des Petites et moyennes entreprises (PME) est en cours de révision

En effet, selon le mécanisme de financement du PIDMA, en plus des subventions accordées aux sociétés coopératives et l’apport personnel des bénéficiaires (qui culmine à 10% du montant du projet à financer), ceux-ci doivent ensuite compléter les financements nécessaires pour leurs projets auprès des institutions financières partenaires, qui se sont engagées à pratiquer des taux d’intérêt ne dépassant pas 9%. Selon M. Kengné, assistant technique en financement rural au PIDMA, ce projet entend densifier son réseau d’institutions financières partenaires au cours de cette année 2018. Avec notamment les MC2 (Mutuelles communautaires de croissance), un réseau d’institutions de microfinance contrôlé par Afriland First Bank, et les établissements de microfinance du réseau Camccul, le plus grand du pays.

Cette captation de nouveaux partenaires financiers, selon M. Kengné, vise principalement à rapprocher les sociétés coopératives des financiers du projet, d’une part, et de diversifier les produits financiers dont peuvent bénéficier les sociétés coopératives soutenues par le PIDMA, d’autre part. Par exemple, souligne l’assistant technique en financement rural du PIDMA, au lieu des lignes de crédits généralement mises à la disposition des sociétés coopératives, au moins deux partenaires financiers du PIDMA ont déjà expérimenté le crédit-bail avec des bénéficiaires du projet.

Ce qui reste à faire à la Banque des PME

Le modèle économique de la Banque camerounaise des Petites et moyennes entreprises (PME) est en cours de révision. De source fiable, les concertations entre les autorités camerounaises avec la Banque mondiale et la Banque africaine de développement (BAD) ont été entamées et un plan de restructuration a été décidé au mois d’août 2018. Le nouveau modèle économique de cet établissement bancaire public, « s’appuiera sur le financement indirect auprès des banques commerciales (garanties, lignes de financement) et le cofinancement avec les banques commerciales et prévoira un abandon progressif du financement direct des PME au guichet de la banque ». Par ailleurs, ajoutent nos sources, le nouveau modèle permettra notamment de s’appuyer sur l’expertise des banques commerciales en termes de gestion des risques et aura un effet multiplicateur en incitant les banques commerciales à octroyer plus de crédits aux PME


>> Lire aussi – Une procédure disciplinaire contre la Banque des PME


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Dans le cadre du programme économique et financier triennal (2017-2019) qui le lie au Cameroun, le Fonds monétaire international (FMI) a proposé une restructuration de la Banque des petites et moyennes entreprises fonctionnelle seulement depuis trois ans. « Le plan d’affaires de la Banque des PME sera remis à jour. En particulier, nous étudierons la possibilité de favoriser l’octroi de garanties ou de lignes de financement à des banques commerciales plutôt que l’octroi de prêts directs», avait suggéré le FMI dans son rapport publié sur le Cameroun, le 16 janvier 2018. Et pour cause, selon Bretton Woods, l’accès élargi aux services financiers, particulièrement pour les PME, reste évasif.

En juillet 2017, la Banque des PME a présenté un bilan selon lequel, il a accordé 11,5 milliards FCFA de prêts et près de 40 milliards de caution, au profit de 1 600 personnes. Seulement, la rentabilité de ces prêts n’a pas produit les effets escomptés ; d’où la restructuration en cours.

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