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Financement : les Banques camerounaises coupent les vivres aux PME

Après le choc négatif lié à la crise sanitaire du Covid-19, le secteur productif camerounais doit faire face à des banques de plus en plus frileuses à financer l’économie, malgré les facilités consenties par la Banque centrale. Que ce soit pour les grandes entreprises comme pour les PME, le volume des concours bancaires s’est rétréci de 38% au 1er semestre 2020.

Dans sa récente publication intitulée Bulletin des statistiques sur les coûts et conditions du crédit (Bsccc) dans la Cemac, la Banque des Etats de l’Afrique Centrale (Beac) décrit l’évolution des crédits octroyés par les banques et établissements financiers des différents pays de la sous-région entre le 1er janvier et le 30 juin 2020. Une période particulièrement difficile pour les économies de la sous-région frappés de plein fouet par la crise sanitaire liée à la pandémie du Coronavirus, et la dépréciation des termes de l’échange en raison de la chute du prix du pétrole brut, principal produit d’exportation de la zone. Il faut le dire, ce contexte crisogène caractérisé par des perspectives économiques incertaines a renforcé la méfiance des banques vis-à-vis des agents économiques. L’offre de crédit dans la sous-région au cours de cette période a cumulé à 3 066,3 milliards (-11,2%) avec un flux mensuel de crédit en moyenne de 400 milliards, contre 500 milliards en glissement annuel. Cette tendance baissière a davantage été tirée par les établissements de crédits implantés au Cameroun. Si elles contribuent à près de la moitié de l’enveloppe totale des concours bancaires dans la sous-région, il n’en demeure pas moins que leur contre-performance sur ce segment a fortement impacté la tendance dans la sous-région. Selon la Beac, le volume de nouveaux crédits octroyés par les banques commerciales camerounaises s’est situé à près de 1,5 milliards au 1er semestre 2020, contre environ 1,9 milliards au cours de la même période en 2019, soit une baisse de 22%.

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Suivant la répartition par type de bénéficiaire, l’offre de crédit est restée concentrée sur les entreprises du secteur productif, qui concentrent près de 1 123 milliards de FCFA, soit environ 75,3% du total des prêts. Le montant capté par les PME au cours de la période sous-revue s’élève à 242,7 millions contre 295,4 millions en 2019, soit une baisse du volume de 18%. L’écart s’est davantage creusé pour les grandes entreprises qui totalisent 880,3 millions de FCFA de crédits des banques contre 1,4 milliards 1 an plus tôt, en repli de 38%. Pourtant, selon le Comité de politique monétaire (CPM) de la Beac, la liquidité du système bancaire sous régional s’est renforcée au cours de cette période. « Après le choc négatif lié à la crise sanitaire (Covid-19) en mars 2020, la liquidité bancaire de la Cemac s’est consolidée de façon progressive en passant de 2 423,3 milliards en mars 2020 à 2 631,5 milliards en juin 2020, contre 2 431,7 milliards en juin 2019 » explique le CPM. Une situation qui prévalait déjà bien avant. A fin février 2020 le FMI pointait une situation de surliquidité des banques de la sous-région. Leurs réserves excédentaires étaient estimées par l’institution de Bretton Woods à près de 2000 milliards de FCFA.

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Coûts de crédits

La réduction des concours bancaires au cours de la période sous-revue pourrait trouver son explication dans l’augmentation des taux d’intérêts pratiqués par les banques. Selon la Beac, le pays affiche des taux d’intérêt moyens de 11,93% sur les emprunts de moyens terme et 10,27% pour les emprunts de long terme. Une hausse considérable quand on sait qu’au premier semestre 2020, les coûts de crédits dans ces deux catégories d’emprunts, très prisés par les opérateurs économiques, étaient en deçà de 10%. Malgré tout, les banques installées au Cameroun n’ont pas été les plus chères en matière de crédit dans la Cemac. La République Centrafricaine (RCA) et le Gabon ont affiché les taux effectifs globaux (TEG) moyens les plus élevés sur les crédits à court terme, avec respectivement 12,46 % et 11,58 %. Quant aux crédits à moyen terme, le Gabon affiche le TEG le plus élevé, suivi de la RCA et du Cameroun (avec respectivement 14,23 % ; 12,47 %). Pour les concours à long terme, le Gabon affiche toujours le taux le plus élevé (14,53%).

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Situation critique

Cette réduction des crédits aux entreprises pourrait davantage détériorer la situation déjà critique des entreprises camerounaises. Selon une enquête réalisée par le Groupement Inter patronal du Cameroun, C’est plus de 96% des entreprises qui ont été négativement impactées par la Crise sanitaire du Covid-19. Un impact qui se ressent à plusieurs niveaux de fonctionnement. Par exemple, sur les entreprises interrogées, 87% d’entre elles ont été obligés de procéder à des mises en chômage technique ou à des réductions d’effectifs. Réductions d’effectifs très prononcée chez les PME car selon le Gicam, 50% d’entre elles ont choisi cette option pour se maintenir. Rappelons que selon les résultats du dernier recensement général des entreprises, les PME représentent plus de 99% des entreprises au Cameroun. Avec une contribution de 34% au chiffre d’affaires total des entreprises, elles emploient plus de 7 travailleurs sur 10, soit 72,26% des emplois permanents.

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L’économie peu impactée

Afin d’assurer la continuité de financement du secteur productif et des Etats de la Cemac, malgré la crise sanitaire du coronavirus, la Beac, avait, au mois de mars 2020, adopté une série de mesures allant de l’assouplissement des conditions monétaires au soutien à la liquidité du marché monétaire. Il s’agit entres autres de la révision à la baisse de ses principaux taux d’intérêts directeurs, l’accroissement de 260 milliards du montant de liquidités à injecter sur le marché monétaire, l’élargissement de la gamme des effets privés admis comme collatéral des opérations de politique monétaire et la révision à la baisse des décotes applicables aux effets publics admis comme collatéral pour les opérations de refinancement de la Beac.

A cela se sont ajoutées les interventions spéciales telles que l’injection de 150 milliards de FCFA à des maturités de long terme, et le rachat sur le marché secondaire des titres publics pour un montant maximal de 600 milliards de FCFA.

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A mi-parcours, une évaluation de ces mesures sur l’économie permet de constater que les effets escomptés n’ont pas été atteints. En lieu et place d’une augmentation des concours bancaires aux agents économiques, par exemple, l’on a assisté plutôt à une réduction. Au premier semestre, le volume de nouveaux crédits accordés par les établissements de crédit a baissé de 11,2 % en glissement annuel, pour se fixer à 3 066,3 milliard contre 3 471 milliards. De plus, les crédits de courte maturités ont été prédominants dans cette enveloppe, soit 79 % du total des crédits accordé. Les crédits à moyen terme et à longs termes représentent respectivement 15 et 6% avec les taux les plus élevés. Pourtant, ces maturités sont les plus sollicités par les entreprises du secteur productif.

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