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Flux Financiers illicites : le Cameroun aurait perdu 18 000 milliards Fcfa entre 2008 et 2017

C’est l’estimation d’une étude sur la question menée par un consortium d’Ong financées par l’Union Européenne récemment rendue publique à Yaoundé.

31,5 milliards de dollars US, soit près de 18 000 milliards Fcfa. C’est, selon une récente étude du Centre Régional Africain pour le Développement Endogène et Communautaire (Cradec) rendue publique le 30 septembre 2020, ce que le Cameroun aurait perdu entre 2008 et 2017, sur son commerce extérieur, au titre des Flux Financiers Illicites (FFI). Par comparaison, le Produit intérieur brut (PIB) c’est-à-dire la somme des richesses créées au Cameroun, est monté à 16 264 milliards Fcfa en 2018, selon le gouvernement. Pour l’année 2019, le même gouvernement l’estime à 16877 milliards Fcfa. Pour 2020, le même annonce un repli à-1,1% de ce PIB, tandis que la Banque des Etats de l’Afrique centrale (BEAC) prévoit un repli à-2,9 % en 2020. En somme, pour cette 2020, le Cameroun produira moins de 16 264 milliards Fcfa de richesse.

Si les données de l’étude du Cradec sont justes, alors un montant beaucoup plus élevé que celui-là a été soustrait de l’économie camerounaise en 10 ans, à travers les FFi, seulement sur le poste du commerce extérieur. L’étude a aussi essayé de rapporter ce montant de pertes à l’endettement public du pays. «Il est à noter que cette estimation de valeurs perdues en matière de commerce international entre le Cameroun et ses partenaires étrangers représente 1,8 fois le montant de la dette camerounaise telle qu’évaluée par le FMI (Fonds Monétaire international, ndlr) à l’occasion d’une de ses récentes analyses sur le Cameroun et 2,3 fois si on s’en tient uniquement à l’évaluation miroir», écrit le rapport de l’étude. Qui ajoute : «De même, on peut oser l’hypothèse que si on avait appliqué un seuil d’imposition minimal de 37,5% aux ressources qui apparaissent perdues dans l’analyse des gaps, mais aussi sur toute la chaîne des ressources perdues sur les intermédiaires au commerce, cela aurait au moins rapporté 9,6 milliards USD aux services des impôts, soit pratiquement une année de budget pour le pays».

Et encore, comme le souligne le jour ce chiffre n’a pas été actualisé, c’est-à-dire qu’il n’intègre pas d’éventuelles ressources qui auraient pu être générées par ces fonds s’ils avaient été placés par exemple dans un compte d’épargne. «Si tous ces 31,5 milliards USD avaient été injectés dans l’économie du Cameroun, en prenant un effet multiplicateur de la monnaie de 5, ils auraient permis de générer, en dix ans, une richesse de l’ordre de 150 milliards USD. Cela vous donne une idée de la perte réelle», explique Idriss Linge, le journaliste d’investigation financière qui a mené l’étude au nom du Crader (qui est le chef de file d’un consortium baptisé ADIN composé en outre des ONG AfroLeadership, Dynamique Mondiale des Jeunes, Transparency International Cameroon).

Lire aussi : Lutte contre la corruption : 300 milliards de FCFA de fonds publics en sursis

Et encore, comme son rapport le précise, «l’étude a aussi choisi de ne pas rentrer dans le volume des pertes qui sont le fait d’une appréciation de la valeur de change entre l’Euro, monnaie de référence du Cameroun à l’étranger, et le dollar, monnaie des échanges au niveau international».

Donc, in fine, pour le Cameroun, et même si cette estimation est déjà querellée (lors de sa présentation, le rapport a fait l’objet de vives réserves de la part de plusieurs experts présents, qui doutaient en particulier de l’estimation des pertes), la facture est très salée.

A quoi la doit-on ? Selon le rapport, ces pertes de valeurs, ces «gaps», pour respecter la terminologie prudente employée dans ce document, sont le fait de «fausse facturation (surfacturation et sous facturation), (du) bénéfice abusif des accords fiscaux avantageux et des exonérations fiscales accordées unilatéralement, et une mauvaise anticipation des ventes à l’export», ainsi que le détaille le tableau ci-dessous.

Face à une telle «hémorragie», le Crader recommande au gouvernement d’ «inscrire la réduction des flux financiers illicites sur la liste des objectifs prioritaires de la réforme des finances publiques (…) ; de doter le comité national de réforme de la gouvernance financière d’une équipe dédiée à la surveillance des risques des flux financiers illicites (…); de renforcer les compétences de l’Agence nationale d’investigation financière (…)», entre autres.

Illustration : tableau récapitulatif des estimations basiques de pertes de ressources financières dans le commerce international

Nature de la perte estiméeMontants en milliards USD
Gaps de revenus constatés sur les opérations d’import/Export12,5
Pertes estimées de revenus, construites sur une analyse critique de certaines dispositions de la loi pétrolière13,2
Pertes potentielles de revenus fiscaux sur les activités de services extérieurs (prises sur une base fiscale de 37,5%)5,8
Total31,5
Source : Etude Cradec

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