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Fridolin Ngoulou : « En Centrafrique, internet reste un produit de luxe »

Coûts élevés des télécoms, mauvaise qualité du service, régulation défaillante…le journaliste et coordonnateur de la Plateforme des acteurs pour la défense des droits numériques en RCA décrit un paysage des télécommunications encore en deçà des standards dans la sous-région, malgré la connexion récente du pays au haut débit.

Le service des télécommunications en RCA s’est-il amélioré depuis la connexion du pays au haut débit il y a environ un mois ?

Le lancement de la connexion à haut débit n’était qu’une cérémonie politique. Depuis le 15 janvier 2024, date de la connexion à haut débit, personne ne ressent encore les retombées.  Sur les trois sociétés, deux se sont connectées (Telecel et Moov), ont proposé au régulateur les nouvelles tarifications. Mais Orange, pour quelle raison a pris du retard. Alors que sur le plan de la couverture géographique, c’est cette société qui atteint la majeure partie du territoire. Donc, près d’un mois après, il n’y a pas eu de changement notable. La vente de la connexion à fibre optique aux usagers n’est pas encore effective.

Entre Moov, Telecel et Orange, quel est d’après-vous, l’opérateur qui se démarque en termes de qualité du service?

C’est bonnet blanc et blanc bonnet. Un Centrafricain est obligé d’utiliser au moins trois réseaux à la recherche de la meilleure qualité du service. Si Telecel a plus d’abonnés (plus d’un million) et se positionne comme le premier opérateur télécom privé du pays, il est utilisé par une catégorie de personnes qui ont des moyens pour supporter le coût. La ligne et la connexion sont bonnes. Les données sont un peu fluides et en conséquence, ne tardent pas à s’épuiser. Donc, il faut un budget conséquent pour utiliser ses services. Chez Moov, la qualité semble être la meilleure, mais ce réseau ne couvre pas une large partie du pays. Même dans la capitale, il y a des zones de fracture. Donc, sa qualité est relative au nombre réduit de ses abonnés. Depuis que cette société a commencé à enregistrer une migration importante d’abonnés des autres compagnies de téléphonie mobile, son réseau est de plus en plus saturé et dégradé. Orange, pour sa part, offre un service aussi nettement bon. Mais, tout comme Telecel, c’est l’épuisement anormal des données mobiles. Il faut disposer d’un budget conséquent pour utiliser ces deux réseaux. En somme, contrairement aux pays voisins dont le Cameroun, on ne peut pas dire qu’il y a une société qui offre les meilleurs services en Centrafrique. Le seul service qui marche bien, malgré quelques perturbations, c’est la voix. Les appels et les SMS sont de meilleure qualité. Mais, Internet fait dormir debout.  

La qualité du service laisse encore à désirer pour ce qui est de l’internet. Est-ce que les conditions sont désormais réunies pour un meilleur développement des services télécoms en général ?

Internet reste un produit de luxe au lieu d’être un outil de travail. Le coût des data mobiles restent trop élevés. Exemple : 1 Go se vend à 2.650 FCFA, 8 Go à 15.900 FCFA, 12 Go à 21.200 FCFA par mois, la taxe de 7% y compris. En plus d’être coûteux, les data d’un mois n’arrivent jamais à couvrir deux semaines. Donc, il faut doubler ou tripler son budget. Sachant qu’un Centrafricain lambda vit avec environ 1  dollar par jour, il faut avoir des moyens financiers conséquents pour maintenir sa présence en ligne. Du coup, cela ne crée pas un environnement propice pour le développement des TIC en RCA.

Qu’en est-il du prix de la minute d’appel téléphonique ?

Selon les données les plus récentes disponibles, qui datent de 2020, le coût par minute des appels est à 25 Fcfa entre le même réseau (Telecel et Orange), 15 Fcfa pour Moov et à 35 F/minute entre les différents réseaux.

Quelle appréciation faites-vous du travail de régulation ?

Le régulateur, notamment l’Autorité de régulation de la communication électronique et de la poste (ARCEP) dispose d’un cadre juridique approprié et d’une compétence pour faire le travail. Sauf que, cette régulation reste impuissante face aux sociétés de télécommunications qui se font du beurre dans le dos des consommateurs. L’ARCEP ne dispose pas des équipements de contrôle efficaces pour confronter les données fournies par les opérateurs télécoms. C’est un manque à gagner pour l’Etat et pour les consommateurs livrés à eux-mêmes. Même si l’ARCEP fait des mises en demeure régulièrement, aucune amélioration n’est observée au niveau des consommateurs. A tel point qu’on ignore même l’existence du régulateur.

Est-ce qu’on a une idée du taux exact de pénétration de l’internet en République centrafricaine aujourd’hui ?

Selon les données officielles de We Are Social et Hootsuite, au début de l’année 2023, la République centrafricaine comptait 599,7 milliers d’utilisateurs d’Internet, avec un taux de pénétration de 10,6 %. Vers la fin de l’année, on avançait les chiffres de 11,4%. Par contre, le gouvernement table sur un taux de 14% en 2023. Mais, ce qui est sûr, le taux de pénétration de l’internet reste en dessous de 15% dans le pays.

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