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Gestion des approvisionnements : les entreprises se tournent vers les solutions locales

La pandémie de la Covid-19 ainsi que la fermeture des fron­tières nationales ont contraint bon nombre d’entre elles à réviser leurs stratégies en cette matière.

La décision des pouvoirs publics de fermer les frontières nationales, le 17 mars 2020 pour limiter la propagation de la maladie à Coronavirus (Covid-19) a obligé les entreprises, en par­ticulier celles qui opèrent dans le segment de la transformation (agroalimentaire) à réviser leurs stratégies en matières d’appro­visionnements en intrants. Un coup dur d’autant plus que ces dernières se plaignaient déjà d’être affectées par la pénurie des devises qui limitait leurs marges de manœuvres d’impor­tation desdits intrants. « Nous sommes dans contexte de crise de devises qui fait en sorte que l’accès à celles-ci pour l’impor­tation des intrants, devient de plus en plus problématique », relevait déjà Pr Isaac Tamba, directeur général de l’Economie et de la planification des inves­tissements publics au ministère de l’Economie, de la Planifica­tion et de l’Aménagement du territoire (Minepat).

Un programme destiné à l’ac­compagnement des producteurs d’intrants locaux a été mis sur pied par le Minepat. Ce pro­gramme regroupe en son sein, l’administration, les produc­teurs ainsi que des entreprises utilisatrices desdits intrants. Il vise à aider les producteurs locaux d’intrants, à répondre de manière satisfaisante à la de­mande de l’industrie nationale. D’où l’option du gouvernement de subordonner l’octroi des licences d’importation desdits intrants à l’administration de la preuve, à la diligence des entre­prises demanderesses de ces licences, de l’indisponibilité de ces intrants au plan local.

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La piste des intrants locaux

L’utilisation des produits du ter­roir est la voie sur laquelle les pouvoirs publics encouragent les entreprises. Les Brasseries du Cameroun (Sabc) ont déci­dé d’explorer cette piste il y a de cela 10 ans comme l’a déjà relevé Steve Oyono Elemva, responsable en charge des rela­tions publiques dans cette entre­prise. «A une certaine époque, nous étions pratiquement à 5% tandis qu’aujourd’hui, l’entre­prise est à 60% d’utilisation des intrants locaux. A titre d’illus­tration, nous utilisons 100% du sorgho local dans la fabrication de la bière », expliquait-il il y a quelques mois.

Pour sa part, Guinness Came­roon, filiale du groupe Diageo, dit acheter chaque année pour 2,5 milliards Fcfa de sorgho aux producteurs locaux. Cette entreprise brassicole envisage par ailleurs de substituer le malt au sorgho produit au Cameroun. De son côté, Nestlé a décidé d’introduire le poivre de Penja dans les intrants du cube « Mag­gi ». Alors que Camlait a pris la résolution d’ajouter des yaourts de variété faits à base du soja produit au Cameroun.

Après une expérience réussie avec l’Institut agricole pour le développement (Irad), l’entre­prise a décidé de renoncer à l’importation du soja, principal intrant utilisé dans la fabrica­tion des produits laitiers, pour se tourner vers les producteurs locaux. « Aujourd’hui, la totali­té du soja que nous utilisons est produite localement. Par consé­quent, notre production s’est accrue», a indiqué Omer Nzui­ko, directeur industriel de cette entreprise. D’où le satisfécit du gouvernement camerounais qui espère ainsi rééquilibrer sa ba­lance commerciale déficitaire. «Nous voulons faire savoir aux entreprises locales principale­ment celles qui opèrent dans le domaine de l’agroalimentaire, qu’il y a des produits substituts. A titre d’exemple, la farine de froment qui coûte entre 250 à 300 milliards de Fcfa d’importa­tions par an, peut être substituée à celle du manioc, la pomme de terre et bien d’autres tubercules et céréales », expliquait il y a encore peu, le directeur général de l’Economie au Minepat cité plus haut.

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L’Office national des zones franches industrielles (Onzfi) encourage particulièrement les entreprises à s’intéresser aux in­trants locaux. En le faisant, elles vont accroître la production agricole nationale. Un appel sans doute entendu par certaines autres entreprises à l’instar de SIC Cacaos engagée au niveau local, dans la transformation du cacao camerounais qui est par la suite exporté. L’implantation de Neo Industry à Kekem, dépar­tement du Haut-Nkam, région de l’Ouest, et d’Atlantic Cocoa à Kribi, chef- lieu du départe­ment de l’Océan, région du Sud, poursuit cette visée.

L’offre nationale inférieure à la demande

Toutefois, encourager les entre­prises à recourir aux solutions locales, impose donc de doper cette production intérieure de sorte qu’elle soit à même de répondre à la demande non seulement en termes de qualité et de quantité. Dans la filière des oléagineux par exemple, les opérateurs sont parfois contraints malgré eux, de recou­rir aux importations d’huile de palme pour combler le déficit de la production nationale qui ne leur permet pas de transfor­mer leurs produits. Pis encore, la cessation d’activités d’en­treprises telles que la Came­roon Development corporation (CDC), Pamol et bien d’autres, rend inévitable l’importation de cet intrant indispensable à la fabrication du savon (produit de plus en plus sollicité par ce temps de Covid-19) ainsi qu’à l’alimentation. Aucun substitut ne peut véritablement rempla­cer cet intrant importé principa­lement de la Malaisie ou encore du Gabon voisin.

A côté, les entreprises telles que «Panzani», « La Pasta » et bien d’autres spécialisées dans la fa­brication des pâtes alimentaires n’ont pas d’autres alternatives que de recourir aux importa­tions de blé, qui constitue la matière première essentielle à la fabrication de ces produits. Au cours d’une concertation orga­nisée au premier trimestre de l’année en cours par le ministère du Commerce (Mincommerce) à Yaoundé, les responsables de ces structures ont indiqué que leurs productions étaient suffisantes pour satisfaire la demande locale grâce au blé importé. Autant d’indicateurs à côté des techniques agricultu­rales entièrement dépendantes des saisons, qui poussent les entreprises à s’engager sur la voie des importations de leurs intrants en dépit de la conjonc­ture (fluctuation des cours mon­diaux, pénurie de devises, crise sanitaire et bien d’autres). A titre d’illustration, environ 80% de la matière utilisée dans la zone industrielle de Douala-Bassa serait importée. Ce, malgré les règles d’origine imposées dans les accords commerciaux signés par le pays au plan bilatéral et multilatéral.

INTERVIEW

ANGELINE AKOA-Présidente d’une coopérative de producteurs de manioc « Les accompagnements sont insuffisants »

Votre coopérative est-elle ca­pable de répondre aux besoins des entreprises en intrants agri­coles ?

Nous ne pouvons pas actuelle­ment satisfaire une demande in­dustrielle, tout simplement parce que la production elle-même, n’est pas industrielle. Mais, c’est dans nos projets. Nous sollici­tons l’appui du gouvernement et des partenaires au développe­ment pour pouvoir arriver à ce niveau.

Certaines entreprises se plaignent du fait que les pro­duits du terroir pour la plupart, ne sont pas aux normes. Que leur répondez-vous ?

Ce qu’il nous faut, c’est juste un accompagnement comme je l’ai dit tantôt. Cela permettra aux producteurs que nous sommes de répondre normalement aux attentes placées en nous. Je di­rai aussi que c’est un problème de moyens financiers. Car, les banques ne font toujours pas confiance à l’agriculture. C’est ce problème qui fait en sorte que les producteurs restent au niveau où ils sont à l’heure actuelle. Si on avait un accompagnement à la fois au plan technique et fi­nancier, je ne crois pas que nous serions incapables de répondre à la demande locale. Vu que nous disposons des terres.

Vous évoquez l’absence d’ac­compagnements, pourtant il nous a été rapporté que vous en bénéficiez déjà. Dans ce cas, de quels autres types d’accompa­gnement aviez-vous besoin ?

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Il y a aussi l’accompagnement technique qui fait défaut. C’est d’ailleurs nécessaire. Au niveau de la coopérative de producteurs dont j’ai la charge, nous sommes en train de construire notre usine. Les travaux sont d’ailleurs en cours d’exécution. Nous voulons mettre sur pied une unité indus­trielle. Si nous avons l’accom­pagnement des ministères et pas celui des techniciens, je ne pense pas que nous pouvons réussir. Nous avons également besoin d’accompagnement au plan lo­gistique. Car, si je prends notre cas, nous sommes en zone fores­tière. Du coup, il sera impossible de cultiver 100 hectares avec des tronçonneuses comme nous le faisons actuellement. Voilà en gros, les difficultés auxquelles nous sommes confrontés. Donc, pour conclure, je dirai simple­ment qu’il y a déjà des appuis de l’Etat. Mais, nous pensons qu’il faut en faire davantage pour per­mettre aux producteurs de satis­faire la demande locale.

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