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Grève des enseignants : péril sur les recrutements dans les autres corps de la fonction publique

La tentation de céder à la pression des enseignants en satisfaisant toutes leurs revendications pourrait pousser le gouvernement à geler les recrutements dans les autres corps de la fonction publique ; ce à quoi il s’est toujours opposé malgré la pression du Fonds monétaire international depuis au moins 2014.

Le ministère de la Fonction publique et de la Réforme administrative (Minfopra) vient d’achever le traitement de plus de 8000 dossiers d’intégration des enseignants, dans le cadre de l’initiative à résultats rapides (Irr) lancée le 02 mars dernier par le chef de ce département, Joseph Lé. Ce chiffre représente à peu près 1/3 du nombre d’enseignants formés et attente d’intégration et de prise en solde dans le seul sous-secteur des Enseignements secondaires. Le bureau exécutif national du collectif des enseignants indignés du Cameroun parle de 21000 dossiers à traiter pour ce seul chapitre. L’une des revendications à l’origine de la grève qui paralyse le secteur de l’éducation, revendication reprise par le sous-secteur de l’Education de base qui produit le gros des effectifs en attente d’un matricule, c’est que les pouvoirs publics instaurent désormais l’intégration systématique des produits des écoles normales. Cette intégration systématique devra induire le paiement immédiat de la totalité du salaire et des rappels et non plus les 2/3 comme cela se fait jusque-là, notamment pour les enseignants du secondaire – ceux du primaire, même après l’intégration, doivent souvent attendre plusieurs années. Le gouvernement qui a déjà de la peine à régler « dans l’immédiat » comme exigé par le corps enseignant, la dette de 181 milliards Fcfa ( selon le ministère des Enseignements secondaires contre 121 milliards selon le ministère des Finances) relative aux rappels, avancements, allocations familiales, et autres primes, promet du bout des lèvres de satisfaire ces desiderata.

Présidence de la République

Dans sa logique, certes, il est question d’apporter des réponses de manière progressive à ces revendications comme cela a déjà été le cas avec le déblocage par le trésor public d’un montant de 2,7 milliards Fcfa pour le règlement des arriérés dus aux enseignants mobilisés dans le cadre de la correction des examens officiels, mais cela réduira pas l’incidence sur la trésorerie de l’Etat étant donné le flux des enseignants mis sur le marché chaque année, qui devront émarger automatiquement dans les caisses de l’Etat. Jusque- là, l’Education est dans le premier peloton des secteurs qui pèsent le plus sur le budget de l’Etat. En 2022, il capte jusqu’à 707,10 milliards Fcfa sur les 5 752,4 milliards Fcfa de l’enveloppe budgétaire votée par le Parlement. Les engagements déjà pris par le gouvernement dans le sens de la satisfaction des revendications des enseignants ont déjà provoqué une augmentation imprévue des dépenses du personnel de l’Etat. C’est du moins ce que laisse entendre la présidence de la République, qui, le 21 mars dernier, a ordonné le ministre des Finances à « procéder à un réajustement du cadrage budgétaire de l’exercice en cours ».

Effet boomerang

Cette situation est un vrai casse-tête pour le gouvernement, qui pourrait être amené, décision extrême, à geler les recrutements dans les autres corps de la fonction publique de l’Etat avec tout ce que cela peut provoquer comme effet boomerang. Le gouvernement du Cameroun s’est toujours opposé à mettre un bémol sur les recrutements comme le lui suggère depuis 2014 le Fonds monétaire international (FMI), face aux crises qui s’empilent. Dans l’armée et des forces du maintien de l’ordre, le pays a même accéléré la cadence des recrutements en raison de la montée spectaculaire des tensions sécuritaires à l’intérieur et à ses frontières. L’économiste et homme politique Bernard Ouandji soutient que l’Etat du Cameroun ne dispose plus d’une assez grande marge de manœuvre pour recruter massivement. « La preuve c’est toutes les tergiversations du gouvernement quand on demande de payer. Tantôt c’est des annonces faites en conférence de presse par cinq ministres, tantôt c’est des hautes instructions qui, évidemment, ne seront pas exécutées, car, le ministre des Finances va payer qui et laisser qui ? (…) Payer les enseignants au détriment des militaires ? Ou payer les enseignants au détriment de Rothschild ? »

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D’après cet ancien cadre de la Société nationale d’investissement (SNI), le gouvernement, depuis une dizaine d’années, s’est comporté comme s’il avait un accès illimité aux ressources. Pour augmenter les ressources d’origine nationale, il a multiplié des taxes surprenantes. S’agissant des ressources extérieures, le gouvernement a répété que le Cameroun n’est pas endetté. Alors, que le ministre des Finances paie tout le monde et immédiatement ».

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