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Import-substitution : entraves à l’implémentation d’une politique (pourtant) ambitieuse

L’année 2021 finissante n’a pas véritablement servi de galop d’essai à cette nouvelle politique qui aurait permis au gouvernement de reprendre en main son économie à travers la promotion du «made in Cameroon ». Le rythme des importations s’est accru au détriment de la production locale.

Il y a une semaine, l’hebdomadaire « Cameroon Business Today » annonçait que le Président de la République Paul Biya avait autorisé le gouvernement à importer 25.000 tonnes de riz pour anticiper sur une éventuelle pénurie de cette denrée sur le marché camerounais en perspective aux fêtes de fin d’année, grande période de consommation souvent influencée par des tensions inflationnistes. Ces quantités de riz devraient être exonérées de taxes douanières à l’importation a-t-on appris, et les importateurs qui en bénéficieront sont tenus en contrepartie de les écouler en deçà des prix homologués afin d’aider le gouvernement dans la régulation des prix sur le marché. Cette mesure, même si elle est prise à titre conservatoire au bénéfice du consommateur, contraste avec la politique d’import-substitution prônée dans la Loi des finances 2021 par le gouvernement. Celle-ci consiste à réduire considérablement les importations de biens dont le Cameroun a la capacité de produire localement, en surévaluant les taxes douanières sur ces produits à l’importation.

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Au demeurant, il n’est pas superflu d’indiquer que cette mesure d’importation de 25.000 tonnes de riz révèle un échec de cette politique plutôt ambitieuse, pour sa première année d’implémentation. S’il est vrai que le Cameroun est en phase de relance de sa politique économique suite aux effets néfastes de la Covid-19, et que seul l’approvisionnement de son marché local lui garantit une sécurité alimentaire, il n’en demeure pas moins vrai que pendant ce temps, le pays n’a pas véritablement mis en place des mécanismes visant à promouvoir le « made in Cameroon » qui aurait été une panacée aux affres de la pandémie. Et pourtant, à cause de la covid-19, la plupart des pays producteurs ont décidé de réduire leurs exportations pour approvisionner en priorité le marché local. Conséquence : les prix produits alimentaires importés par le Cameroun, dont le riz, le blé, le lait, le poisson…, ont été renchéris au grand dam du consommateur.

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Selon le Dr Rodrigue Gabriel Biloa, économiste et enseignant-chercheur à l’Université de Douala, « les causes reposent sur la restriction des exportations des pays d’importation pour assurer leur approvisionnement domestique, l’explosion des coûts du transport maritime et la rareté des devises qui par ailleurs ont été provoqués par la pandémie». Pour ce Quantitativiste et spécialiste en économie du développement, « il est urgent pour le Cameroun d’être auto-suffisant en utilisant son potentiel de production et son héritage naturel. Cependant, il faut demeurer réaliste car dans la loi des finances 2021, il était prévu qu’à compter de janvier 2021, que l’on réduise considérablement l’importation des biens dont le Cameroun a la capacité de produire localement », analyse-t-il.

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Cette politique d’import-substitution, pourtant salutaire et convenable aux producteurs locaux, continue de regorger des insuffisances, et à l’analyse des statistiques produites par l’Institut National de la Statistique (INS) au premier trimestre 2021, les retombées d’une telle politique devraient encore se faire désirer. En effet, 319 330 tonnes de riz ont été importés au premier semestre 2021, soit une augmentation de 23% par rapport à la même période l’année dernière. Le poisson dont la demande globale se situe autour de 550 000 tonnes connait un déficit de 185 000 tonnes que l’on doit importer. Quant au blé dont la demande se situe à 900 000 tonnes par an, le Cameroun n’en produisant pas, près de 800 000 tonnes ont été importés en 2020…

« Il est donc évident que si le Cameroun veut réellement booster la production des biens qu’il importe et dont il a la capacité de produire, un vrai plan de développement à moyen terme, devrait être mis en place avec la contribution des collectivités locales, la mise à disponibilité des parcelles cultivables et les facilités aux investisseurs privés locaux », suggère le Dr Rodrigue Gabriel Biloa.

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