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Import-substitution : Le gouvernement privilégie la piste des bons d’achat

Création des magasins de stockage et de commercialisation des spéculations agricoles, émission de moyens de paiement innovants, renforcement du pouvoir d’achat des ménages, et augmentation des revenus des agents publics sont entre autres solutions qu’envisagent les autorités en vue de contrer la dépendance aux importations de denrées alimentaires et réduire l’évasion de devises.

Dans la loi des Finances 2021, le gouvernement a budgétisé à 50 milliards de Fcfa pour la mise en place de la politique d’import-substitution. A l’heure du bilan, les différentes administrations balbutient sur les résultats et le compte d’emploi de ces ressources. En réalité, au ministère des Finances, l’on indique que les sommes provisionnées par le ministre ont été victimes de l’effet d’éviction exercé par la pandémie de Covid-19 sur les caisses de l’Etat.

«L’usage que l’on devait faire de ces fonds n’avait pas été clairement défini ; on savait juste qu’il y a une provision pour lancer l’import-substitution. Lorsque les tensions de trésorerie se sont exacerbées avec la pandémie qui n’est toujours pas finie, on a recyclé cette provision dans les urgences et les priorités gouvernementales », explique-t-on sous anonymat au ministère des Finances.

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Pour 2022, la direction générale du budget a mâtiné et massifié la politique d’import-substitution. Selon les cadres de cette administration, il est question l’année prochaine d’augmenter les revenus des agents publics et des fonctionnaires dans le but de stimuler les achats de produits agricoles locaux. Ce qui passe par l’émission des bons d’achat. «Nous avons fait du benchmarking et nous sommes inspirés de ce qui s’est fait dans des pays comme le Vietnam en rapport avec la consommation du riz par exemple. Lorsque le problème de production de riz s’est posé dans ce pays d’Asie du sud-est, l’Etat a racheté toute la production qu’il a stockée dans des magasins. Avec les bons d’achat, ils venaient acheter dans les boutiques dédiées à cet effet», souffle une source proche du dossier.

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Ainsi, pour ce qui est du Cameroun, des bons d’achat seront émis et remis aux fonctionnaires pour augmenter dans un premier temps leurs revenus. Cela contribuera à augmenter les salaires, sans que l’Etat ne puise dans ses caisses pour rémunérer ses travailleurs. «Il s’agira de remettre ces bons d’achat dont la valeur va varier en fonction des salaires des uns et des autres. Les ménages présenteront ces bons dans les magasins construits à cet effet et dans lesquels ne seront vendus que des produits locaux», précise un expert de la direction générale du budget (DGB).

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Par exemple, si une ménagère veut des ignames, du maïs, riz, manioc, plantain, etc., elle présente un bon d’achat de manioc de 10 000 FCFA dans une boutique dédiée, et elle est servie. A terme, en plus de l’augmentation des revenus des fonctionnaires sans solliciter les caisses de l’Etat, le gouvernement entend améliorer mécaniquement la production agricole de toutes les spéculations. «Plus les bons d’achat seront utilisés, plus la demande sera forte et plus les producteurs redoubleront d’efforts pour approvisionner le marché en sachant qu’il y a une communauté d’acheteurs qui attend chaque mois. Ce qui va saturer le marché et réduire progressivement la consommation de produits importés», démontre l’expert de la DGB. Qui explique : «une fois l’opération liquidée, l’Etat se chargera de payer aux producteurs leur dû contre présentation de ces bons d’achats».

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Outre la hausse des volumes de production, la population agricole s’en trouvera étoffée et l’on devrait, poursuit-on au ministère des Finances, assister au renouvellement de la communauté des travailleurs de la terre. « L’exode changera de direction. La population urbaine oisive et même certains agents publics, migreront des villes vers les campagnes pour renforcer l’offre en produits agricoles. Ce qui aura également pour effet de fixer les populations rurales qui recevront alors directement des financements publics à travers cette opération», conclut-on à la DGB.

Opportunités et menaces d’une option

Les premiers bénéficiaires du rééquilibrage de l’import-substitution seront les producteurs. Ces derniers  recevront des financements directs dédiés à leurs secteurs  respectifs plutôt que de s’adresser aux coordonnateurs de programmes mis en place par les pouvoirs publics avec les risques liés à la gouvernance. La production connaîtra progressivement une amélioration en raison de l’augmentation de la demande.

L’on va enfin également donner suite à une option défendue bec et ongle par l’économiste Dieudonné Essomba : la monnaie binaire. Ces bons d’achats ne seront utilisés que pour les produits locaux et vont servir de financement direct à la production, de frein à l’évasion des devises utilisées pour l’approvisionnement du marché parfois en ignames, oranges et oléagineux. Ils ne seront pas accessibles contre de l’argent liquide.

L’autre bénéfice reposera sur la redéfinition du rôle et des objectifs de la Mission de régulation des approvisionnements des produits de grande consommation (Mirap). Celle-ci, plutôt que de rester murer dans la commercialisation ambulante de denrées alimentaires. Pour les ménages le défi sera d’acquérir les produits à des prix compétitifs parce que les coefficients budgétaires des ménages plus adossés aujourd’hui à la Consommation qu’à l’épargne devraient s’équilibrer de manière à leur faire réaliser des gains de compétitivité.

«Si un ménage gagne 100 000 Fcfa par exemple et consacre 95% de ses revenus dans la consommation et ne peut pas gagner en quantité et en qualité sur les produits locaux, il va considérer que la mesure à venir ne lui profite pas et pourra bouder ces bons d’achats. Donc, les autorités devraient penser à donner plus de poids à ces bons d’achat en agissant sur les prix et le sursaut nationaliste», pense Boniface Mbala, économiste.

Disponibilité, compétitivité, quantité et qualité doivent donc habiter les autorités des ministères de l’Economie et des Finances pour que la rationalité qui encadre les choix objectifs de politiques publiques ne l’emporte pas sur le nationalisme des producteurs. De plus, les 538 000 fonctionnaires et agents publics ne devraient pas à terme constituer la cible de cette option que saluent déjà certains économistes. Le reste de la population, urbaine et rurale, devrait être intégrée pour atteindre des résultats plus pertinents, de sorte que ce qui n’est pas gagné en valeur le soit en volume sur l’étendue du territoire.

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