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Importation de blé : les allègements fiscaux du gouvernement jugés marginaux par les meuniers

Le ministre d’Etat, secrétaire général de la Présidence de la République, Ferdinand Ngoh Ngoh, a instruit certaines administrations de suspendre quelques contraintes fiscales sur les importations de cette matière première, pour tenter de dissuader les meuniers de l’initiative de cesser toute livraison de la farine et de son de blé. Et pourtant, ceux-ci se sont obstinés, non satisfaits par ces mesures, et croient savoir que seule une augmentation du prix de la baguette de pain pourrait résoudre le problème.

Le gouvernement camerounais a décidé le 1er février dernier, d’accorder une série de mesures d’allègement fiscales aux meuniers pour l’importation de blé. Le ministre d’Etat, secrétaire général à la présidence de la République, Ferdinand Ngoh Ngoh, a adressé des correspondances à plusieurs membres du gouvernement au déclenchement de cette crise du blé, pour les instruire de lever certaines contraintes à l’importation de cette denrée, alors que les meuniers menaçaient déjà de suspendre les importations et donc, la livraison de la farine et de son de blé sur l’étendue du territoire camerounais.

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Il s’agit notamment de la suspension pour une période de six mois de la redevance de pesage au profit des importateurs de blé par le ministère des Transports. « Dans le prolongement des mesures prises en vue de lutter contre la hausse des prix des produits de grande consommation, j’ai l’honneur de vous relayer les très hautes instructions du président de la République demandant la suspension, pour une période de six (06) mois, du paiement de la Redevance de pesage au profit des importateurs de blé », peut-on lire dans cette correspondance. De la suspension du programme d’évaluation de la conformité avant embarquement (Pecae) au profit des importateurs de blé par le ministère des Mines, de l’Industrie et du développement technologique. En clair, les importations de blé sont exemptées de test de conformité durant les six prochains mois. Par conséquent, différentes variétés de blé sont susceptibles d’entrer sur le marché camerounais sans test préalable.

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La troisième mesure concerne la suspension de l’acompte d’impôt sur le revenu au profit des importations de blé par le ministère des Finances. Autrement, les meuniers vont continuer de payer des précomptes sur les achats à l’importation du blé, mais bénéficieront d’une exemption de paiement d’acompte de l’impôt sur le revenu au moment de la vente de leurs produits au Cameroun, durant les six prochains mois.

Entre blé turc et insatisfaction

En effet, le marché des denrées alimentaires est tenu en haleine depuis quelques jours par un bras de fer entre le gouvernement et les industries meunières, au sujet de l’importation de blé. Ceux-ci, excédés par le renchérissement des cours mondiaux de blé, et ne pouvant plus supporter les surcoûts, ont sollicité des pouvoirs publics des mesures d’accompagnement pour continuer à garantir l’approvisionnement du marché en farine et en son de blé.

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« Nous avons saisi le gouvernement en vue de voir dans quelle mesure on pouvait bénéficier d’un accompagnement public pour aider la filière car la hausse sans précédent des cours du blé comparée à nos prix de vente de la farine créait en nous une crainte légitime et fondée de ne pouvoir couvrir totalement le marché à compter de janvier 2022; au cours des échanges, le Ministre du commerce a émis l’idée d’importer de la farine à prix hyper compétitif dont il se chargerait lui-même de la négociation, dans le but de combler le déficit de couverture annoncé. Est-il raisonnable de proposer à un industriel qui a investi de fortes sommes d’argent dans son entreprise, qui attend de vous un accompagnement pour l’acquisition de sa matière première, d’importer en lieu et place de cette dernière le produit fini ? Y-a-t-il meilleur moyen pour tuer cette industrie ? », s’interrogeait naguère le secrétaire général du groupement des meuniers, Alfred Momo Ebongué.

Vers l’inévitable hausse du prix de la baguette ?

En lieu et place de leurs doléances, les meuniers se sont vus proposer par le ministre du Commerce, Luc Magloire Mbarga Atangana, de recourir aux importations de blé turc à des tarifs compétitifs, au détriment du blé russe, visiblement le plus prisé des meuniers. Dans ce dialogue de sourds, les meuniers, sentant le gouvernement arc-bouté sur sa posture, ont entrepris le 8 février dernier de suspendre la livraison de farine et de son de blé sur l’étendue du territoire, alors même que le gouvernement avait préalablement décidé d’une série de mesures d’allègement fiscalo-douanières à l’importation de blé. Lesquelles ne les satisfont guère car, à en croire certains opérateurs de la filière, lesdits allègements fiscaux ne représentent que 7% des pertes enregistrées jusqu’ici par les meuniers. Ils les jugent donc marginaux, et croient savoir qu’en l’état, la seule alternative est que le gouvernement fléchisse sur sa position, et autorise une augmentation du prix de baguette, qui passerait alors de 125 à 150 FCFA. EcoMatin a appris d’une source gouvernementale qu’il est prévu une réunion de crise la semaine prochaine à la Présidence de la République, entre acteurs du gouvernement et le secteur privé, pour tenter de démêler l’écheveau.

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Il importe de souligner que dans la foulée, certains opérateurs de la filière ont mis leur menace de suspension de la livraison de farine de blé à exécution. C’est le cas de la société « La Pasta », qui a suspendu le 8 février dernier ses activités de production et de commercialisation de cette denrée, provoquant l’ire du ministre du Commerce. Luc Magloire Mabarga accuse cette société de violer les dispositions de la loi n°2015/018 du 21 décembre 2015, régissant l’activité commerciale au Cameroun, et enjoint son directeur général « à un retour immédiat à la légalité et à l’esprit républicains », et de privilégier « une démarche de dialogue constructif avec les pouvoirs publics ». Il va sans dire qu’on est en plein dans la crise de blé, et que les positions risquent de se radicaliser davantage, entre le gouvernement et les meuniers, au grand dam des consommateurs. 

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