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Journée du 22 septembre : les pertes économiques limitées

Manifestations à Ndokoti, plus grand carrefour de la capitale économique, liaison entre les arrondissements de Douala 1er, 2ème, 3ème, 4ème et 5ème, ont légèrement perturbé la circulation, obligeant les commerces à baisser les rideaux en matinée. Par mesure de précaution, certains camions en provenance des pays de l’hinterland (Centrafrique et Tchad) ont préféré garer.

L’appel à manifester pour les marches du 22 septembre 2020 au Cameroun, lancé par le Pr Maurice Kamto du MRC a mis en alerte les populations de la ville de la Yaoundé. Cependant la montagne n’aurait accouché que d’une souris.

Contrairement aux attentes, les commerçants ont préféré vaquer tranquillement à leurs occupations quoique de façon timide. Il est 8h15 au marché acacias et les portes des boutiques et autres étalages s’ouvrent tranquillement dans une ambiance euphorique. C’est sans empressement que ceux-ci achalandent leur marchandise sous le regard des forces de maintien de l’ordre venu encadrer les grandes agglomérations. Abordée au pif Martine rigole « tu crois que je dois laisser ma marchandise pour partir marcher en route que je suis devenue folle. Je ne peux pas, j’ai d’abord mal aux pieds »même, si la population un peu apeurée n’a pas encore totalement envahi le marché comme à l’accoutumé, les commerçants ne s’en plaignent pas puisque ce n’est que le début de la journée.

Pascaline A. n’a pas dérogé à la règle. Sa structure Passy Design elle l’ouvre tous les jours à 8h et ce 22 septembre elle est bien à l’heure pour accueillir ses clientes de la journée. « J’ai des engagements à respecter pour un mariage qui aura lieu ce week-end. Leur marche ne me concerne en rien du tout. Ma cliente sera là d’une minute à une autre et nous devons travailler ». Même jour à 12h11minute au marché du Mfoundi, un des lieux annoncés comme point de rencontre de la dite marche, les allées grouillent plutôt de monde et chacun s’occupe de son business sans peur ni crainte. Commerçants et clients continuent leurs échanges engagés sur les prix des produits. Aucune trace d’une quelconque marche annoncée. La seule crainte serait alors de se faire soutirer son portefeuille ou son téléphone portable comme d’habitude dans ce lieu de grande affluence qui regroupe également de nombreux petits voleurs de la ville de Yaoundé.

Rappelons que les autorités camerounaises ont interdit les manifestations annoncées par le MRC de Maurice Kamto ce mardi. L’opposant a invité les Camerounais à manifester pour réclamer le départ du président Paul Biya et le report des élections régionales prévues en décembre, si la crise dans les régions anglophones n’est pas réglée et si le système électoral n’est pas reformé de manière consensuelle.

Dans la même foulée, le ministre de la Santé Dr Manaouda Malachie demandait aux autorités compétences d’interdire ces rassemblements au vu de la pandémie du nouveau coronavirus qui sévit encore au Cameroun. Malgré tous les avertissements, le leader du MRC a maintenu ses appels de manifestation projetées pour le 22 septembre 2020, et même qu’il a publié le code du marcheur pacifique.

D’un autre côté, Célestin Djamen membre du bureau politique du Mouvement pour la renaissance du Cameroun ne donnait pas long feu à cette initiative. Sur les antennes d’une chaine de radio privée, l’homme politique estimait que le peuple camerounais vit dans la peur du lendemain. Ceci étant, pour les autorités administratives, tout manifestant interpellé ce 22 septembre 2020 dans une manifestation pourra être présenté à la justice et recevoir sa sentence judiciaire.

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La ration journalière réduite

« Je m’en vais prendre une il n’y a pas travail demain », argue un homme au carrefour province ce 21 septembre en prenant son taxi. Ce qui laissait déjà entrevoir la coloration du jour suivant. Une journée très attendue pour certains mais redoutée par d’autres. Ce 22 septembre, jour dit de la marche « pacifique» annoncée par le Mouvement de la renaissance du Cameroun (MRC) par la voix de son président Maurice Kamto, le 8 septembre 2020, la matinée a débuté sur des allures morose dans les artères de la capitale politique.

Pour avoir alors un taxi, l’usager devait compter pas plus de 10 minutes sur place, avec une ambiance plutôt timide. L’engouement habituel enregistré les jours ouvrables n’était pas au rendez-vous. On se serait cru un dimanche matin.

Malgré le déploiement du dispositif sécuritaire dans les rues de Yaoundé, l’on préfère jouer la carte de la sécurité. « Il est vrai que j’ai cours demain, mais avec les marchés annoncées aujourd’hui moi je ne mets pas le pied dehors, je ne voudrai pas être une victime collatérale », confie la jeune Nathalie. Ceci qui a de fait un impact direct sur les coûts journaliers que perçoivent les taximen et moto-taximen.

Du côté des personnes exerçants dans le secteur en question, l’on peine a rempli son objet de travail ce matin-là. « Il y’a quelques clients vraiment mais qui sont paniqués. Même mon camarade avec qui on travaille m’a demandé comment le dehors est. Je lui ai dit que il y’a n’y a pas beaucoup de gens », confie un conducteur de taxi ayant requis l’anonymat.

Pour ceux de cette catégorie qui trouve leur pain quotidien de la sorte on est dehors pour avoir ce qu’on va ramener à la maison le soir. « Si je ne sors pas de la maison je vais perdre. Même si c’est 3000 FCFA que je gagne aujourd’hui c’est quand même quelque chose pour madame. La journée ci pourrait ne pas être comme les autres ou je peux ramener 10 à 15 000 FCFA à la maison », renchérit-il.

Tout le monde n’étant pas alors propriétaire d’un taxi, ceux qui ont alors des patrons, ont joué comme la plupart des camerounais vivants dans les chefs-lieux de régions la carte de la prudence.

Arnaud chauffeur de taxi : « mes recettes je les remets à mon patron, qui me donne mon pourcentage en fin de journée, en fonction aussi de ce que j’ai ramené. Avec l’allure dont on parle de la journée de demain je prendrai le risque de faire sortir la voiture jusqu’à peut-être 12H puis aller la remettre. C’est vrai la recette de la journée sera divisée en deux mais ça m’évite des problèmes », confie-t-il.

Du côté de la ville de Douala, les choses ne se sont pas produites de la même façon. L’on a observé qu’aux heures de pointes pour le début de journée qui se fixe entre 7h et 10h, les véhicules qui assurent la liaison entre le cœur de Douala et ses environs étaient à l’arrêt. Ceci à cause des manifestants qui empruntaient ces itinéraires. Notamment celui du Carrefour Ndokoti ou 7500 véhicules y compris les motos circulent par heure, ce sont vu ainsi à l’arrêt pour attendre que les choses se tassent.

Du côté des agences de voyage notamment à United qui dessert les villes de Yaoundé et Douala, l’on nous a fait savoir que pour cette journée tout s’est déroulé sans incident majeur.

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Activités commerciales perturbées à Ndokotti

Globalement, la capitale économique du Cameroun, Douala, a connu une atmosphère particulière ce 22 septembre 2020, même si la situation est restée différente d’un arrondissement à un autre. Les arrondissements de Douala 1er, 2ème, 4ème et 5ème ont connu une activité économique contrastée.

La majorité des commerces ont en effet levé rideau, alors que d’autres enseignes ont préféré fermer boutique. Les marchés Central, Dakar, Ndogpassi, Bonamoussadi, Missoke, New-Déido, Sandanga ou Saker, principales places commerciales de Douala, ont connu une effervescence soutenue, mais prudente compte tenu de la situation sécuritaire liée à la marche organisée par le Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (Mrc). Les milliers de commerçants du marché central de Douala ont achalandé leurs boutiques de produits divers. Alors que tout près, on pouvait remarquer la présence peu discrète des éléments des forces de l’ordre.

A Akwa, le quartier des affaires de Douala, toutes les grandes entreprises ont ouvert, mais dans une ambiance de grande prudence. Par exemple, le dispositif sécuritaire autour des directions générales, techniques et commerciales de Mtn Cameroon et Orange Cameroun a été renforcé. Banques, microfinances, grande distribution, services et agences de transport sont restés actifs. L’avenue Ahmadou Ahidjo, point névralgique du commerce de gros, a été très tôt envahi par ses commerçants habituels. Même si là aussi, la prudence est restée de mise: «Nous observons la situation. C’est calme ici. Mais nous voyons les rotations des véhicules des forces de l’ordre. Ça nous inquiète», confiait une vendeuse de chaussures. A Bonanjo, le quartier administratif de Douala, tous les services publics ont ouvert, malgré une faible affluence compréhensible.

La sécurité a été également renforcée autour et dans les principaux bâtiments publics: services du gouverneur, préfecture, sous-préfecture, mairies, tribunaux, délégations régionales de ministères etc…..De bonne source, au Port de Douala, l’activité portuaire est restée intense comme d’habitude. «Les dispositions sécuritaires sont les mêmes. Tout va bien ici», rassurait une source.

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La contre-attaque de la CUD                            

Cependant, le contraste dans la situation des pénétrantes Est et Ouest de Douala, portes d’entrée et de sortie de diverses marchandises, était saisissant. A la porte Ouest de Douala qui compte des quartiers comme Bonaberi, la situation est restée sous contrôle. Les activités commerciales et les rotations des véhicules lourds et légers de transport en provenance des régions de l’Ouest, du Nord-ouest et du Sud-ouest étaient fluides. Cependant, le trafic des cargaisons en provenance des pays de l’hinterland (Centrafrique et Tchad) a été sérieusement perturbé par les tentatives de marche des militants du MRC à Ndogpassi. «La majorité de nos camions ont garé, en attendant que la situation se calme. Nous souffrons déjà beaucoup des troubles en République centrafricaine», informe une source au Syndicat national des transporteurs du Cameroun (Sntrc).

Face à la menace annoncée d’occupation des espaces marchands par des commerçants activistes politiques, la Communauté urbaine de Douala (CUD) a en effet pris les dispositions nécessaires pour assurer la sécurité des équipements collectifs sous la gestion de la mairie de Douala, en collaboration avec les forces de l’ordre. Les éléments de la police municipale ont même procédé à une casse surprise des boutiques et stands construits sur la chaussée par des commerçants récalcitrants.

A Ndokoti, plus grand carrefour de la capitale économique, liaison entre les arrondissements de Douala 1er, 2ème, 3ème, 4ème et 5ème, la situation est restée électrique. Tous les commerces jouxtant cette plaque tournante ont baissé rideau au forceps. De groupes d’activistes ont en effet battu le pavé dans le cadre de la marche pacifique programmée par le MRC. Suscitant une fermeture illico presto des boutiques, ventes à la sauvette et à l’étalage, supermarchés ou boulangeries et quincailleries. Généralement bruyant, le mythique carrefour Ndokoti de Douala présentait le visage d’une zone morte. La confrontation entre les forces de l’ordre et les marcheurs du MRC a provoqué une débandade générale.

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La facture sécuritaire

Comment évaluer l’impact économique de manifestations organisées le 22 septembre dernier dans quelques villes du Cameroun sans aborder la question des dépenses consenties par les pouvoirs publics à cet effet ? Si elle n’est très souvent perçue que sur l’angle de l’impact social, les manifestations publiques constituent de véritables poches de dépenses pour l’Etat.

A la suite de l’annonce des manifestations organisées par les partis de l’opposition avec à la tête le Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (Mrc), le gouvernement s’est tout de suite inscrit en faux ; taxant celles-ci d’insurrectionnelles.

Le gouvernement de la République a pris connaissance des appels à l’insurrection et au renversement des institutions de la République, par des responsables d’un parti politique […] Par conséquent, tous ceux qui s’associeront à un tel projet devront s’attendre à en répondre devant les instances judiciaires compétentes. Les forces de sécurité prendront à cet égard toutes les mesures nécessaires pour assurer fermement le maintien à l’ordre public et de la paix sociale » avait indiqué de ton ferme le ministre de l’Administration territoriale, Paul Atanga Nji.

En vue de dissuader les manifestants, un important dispositif sécuritaire a à cet effet été déployé dans les grandes villes et ce plusieurs jours avant la manifestation. C’est ainsi que du matin au soir des hommes en tenue (Policiers et gendarmes) surveillaient les carrefours et axes routiers afin de prévenir tout «soulèvement». Un déploiement dont le coût peut être difficilement évalué car « il faut connaître le nombre d’hommes en tenue qui ont été déployés, le nombre de jours exact qu’ils ont passé sur le terrain, le corps auquel ils appartiennent, leur grade ainsi que les engins déployés» nous renseigne sous anonymat un ancien commissaire de la police aujourd’hui à la retraite. L’on apprendra par exemple que pour ce type d’opérations, la prime versée agents varie entre 2000 et 15 000 FCFA par jour. A cela s’ajoutent les dotations spéciales de carburant pour les patrouilles. S’agissant des gendarmes, ceux-ci bénéficient également de primes de risques, suffisants pour alourdir l’enveloppe sécuritaire.

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Dans la loi des finances 2020, l’enveloppe allouée la délégation générale à la Sûreté nationale (DGSN) s’élève, après collectif budgétaire, à 95,7 milliards de FCFA ; et celle du ministère de la défense à 226,333 milliards de FCFA. Parmi les objectifs de la Dgsn pour cette année, se trouve la protection des institutions, des libertés publiques des personnes et des bien ; la maîtrise du flux migratoire et le renforcement de la lutte contre la criminalité transfrontalière et enfin la mise à disposition permanente d’un renseignement intégral complet et de qualité. S’agissant du ministère de la défense, celui-ci a, en plus de renforcer le dispositif de dépense sur le territoire a pour objectifs de garantir les conditions de sécurité et de paix favorables au développement mais surtout d’apporter un appui dans les domaines spécifiques en contribuant au développement socio-économique du Cameroun.

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