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Juridiction financière : Yab Abdou présent, la Cours des comptes absente

La Chambre accueille son 3e président officiellement nommé depuis sa création. Cependant l’opinion ne semble toujours pas satisfaite du statut de cette entité de la Cour suprême. Ce d’autant plus que depuis 2011 le pays s’est engagé à la transformer en une cours des comptes totalement indépendante.

Le décret du Premier ministre du 22 juillet dernier fixant la répartition de la dotation du Fonds spécial de solidarité nationale pour la lutte contre le coronavirus et ses répercussions économiques et sociales au titre de l’exercice 2020, a remis au goût du jour le débat sur la pertinence d’une chambre des comptes au Cameroun. Dans une lettre adressée au Premier ministre, le ministre Mbah Acha a clairement fait savoir au PM que sa décision est «de nature à constituer une atteinte grave aux principes régissant le contrôle externe des finances publiques». « Convoquant les dispositions textuelles en vigueur, elle fait observer que le Consupe qui est l’institution supérieure de contrôle des finances publiques est l’organe étatique chargé d’effectuer l’audit externe au niveau le plus élevé. La Chambre des comptes de la Cour suprême, quant à elle, «contrôle et juge les comptes ou les documents en tenant lieu des comptables publics patents ou de fait ». A cet effet, « elle rend, sur les comptes qu’elle est appelée à juger, des arrêts qui établissent si les comptes jugés sont quittes, en avance ou en débet», peut-on lire.

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Cette plainte du Consupe mets le Cameroun à porte à faux au niveau de la Cemac. En effet si l’on s’en tient au fait que les traités et accords internationaux ratifiés par un pays priment sur les lois nationales, la Chambre des comptes devrait déjà être transformée en Cours des comptes comme le prévoit les « Directives du cadre harmonisé de gestion des finances publiques de la Cemac ». Celles-ci stipulent en son article 72  que : « Le contrôle juridictionnel des opérations budgétaires et comptables des administrations publiques est assuré par une Cours des comptes qui doit être crée dans chaque état membre. Cette Cours des Comptes est une juridiction et ses membres ont le statut de magistrat. Elle est indépendante par rapport au gouvernement et au Parlement et autonome par rapport à toute autre juridiction. Elle décide seule de la publication de ses avis, décisions et rapports. Elle est l’institution supérieure de contrôle de chaque Etat ».

Au niveau de la Cemac alors les missions attribuées à une cours des comptes sont d’: «assister le   Parlement dans le contrôle de l’exécution des lois de finances ; certifier la régularité, la sincérité et la fidélité du compte général de l’Etat ; juger les ordonnateurs, les contrôleurs financiers et les comptables publics dans les conditions prévues aux articles 74 à 78 de la présente directive ; contrôler la légalité financière et la conformité budgétaire de toutes les opérations de dépenses et de recettes de l’Etat. A ce titre, elle constate les irrégularités et fautes de gestion commises par les agents publics et fixe, le cas échéant,  le montant du préjudice qui en résulte pour l’Etat. Elle peut en outre prononcer des sanctions. Evaluer l’économie, l’efficacité et l’efficience de l’emploi des fonds publics au regard des objectifs fixés, des moyens utilisés et des résultats obtenus ainsi que la pertinence et la fiabilité des méthodes, indicateurs et données permettant de mesurer la performance des politiques et administrations publiques ».

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Fonctionnement national

En tenant compte de la définition et des missions de la Cours des comptes au niveau de la sous-région, le Cameroun fonctionne en marge de la réglementation. Mais selon le gouvernement, la Chambre des comptes disposerait des mêmes prérogatives que la Cours des comptes tel que définie par la Cemac quoique qu’elle soit érigée en chambre. Chose qui sur le plan fonctionnelle limite le pouvoir d’action de cette instance juridictionnelle de l’Etat en matière de comptabilité publique.

Pour s’arrimer aux normes, tel que le prévoit les textes de la sous-région. Le gouvernement a certes  élargir les prérogatives de la Chambre des comptes mais il devrait donc penser à revoir sa Constitution pour rendre la juridiction financière autonome et indépendante. Quoique prévue par la Constitution, la Chambre ne dispose pas d’un budget propre et ne fonctionne qu’avec une dotation tirée du budget de la Cours suprême. Depuis une décennie, la juridiction financière voit son enveloppe diminuée. Par exemple dans le budget de la Cour suprême de l’exercice 2015, il a été  alloué à la Chambre des Comptes des autorisations de dépenses d’un montant  de 530 000 000 FCFA hors dépenses de personnel  contre 774 000 000 FCFA en 2014, soit une diminution de 244 000 000 FCFA en valeur nominale.

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Qui est Yap Abdou, le nouveau président de la chambre des Comptes ?

Le magistrat hors hiérarchie du premier groupe Yap Abdou  a été nommé président de la Chambre des comptes de la Cours suprême. C’était le  10 août 2020 à l’issu du Conseil supérieur de la Magistrature que présidait le président de la République Paul Biya. Il remplace à ce poste Marc Ateba Ombala, décédé. Ce diplômé de l’Ecole nationale d’Administration et de magistrature (Enam), revêt près de 35 années d’expérience au sein de l’appareil judicaire camerounais.

Depuis sa sortie de l’école, il aura occupé entre autres fonctions celles de substitut du Procureur de la République auprès des tribunaux de la Lékie, président des Tribunaux de première et grande instance du Dja-et-Lobo à Sangmélima ; Procureur du Tribunal de première instance de Mfou ;  président du Tribunal de première instance de Yaoundé. De là il sera nommé au Secrétariat général de la présidence de la République en tant que chargé de missions. A ces différentes fonctions s’ajoute la présidence du Tribunal criminel spécial (TCS), dont il sera le tout premier président dès sa création. Poste qu’il occupera jusqu’en 2017. Par la suite, son parcours se poursuivra à la Cours suprême où il est nommé en tant que premier avocat général au parquet général de cette Cours.

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Le nouveau promu a désormais pour objectifs au sein de la chambre de Comptes d’œuvrer à atteindre les différentes missions qui lui sont assignées entre autres : contrôler et statuer sur les comptes publics et ceux des entreprises publiques et parapubliques ; déclarer et apurer les comptabilités de fait ; donner son avis sur toutes questions relatives au contrôle et au jugement des comptes ; donner son avis sur les projets de lois de règlement présentés au Parlement et un rapport de certification sur le compte général de l’Etat y annexé entre autres.

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