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Le Cameroun de retour sur le marché des eurobonds pour un emprunt de 450 milliards

Dans un contexte économique difficile, les fonds mobilisés devraient servir au refinancement de l’eurobond de 2015.

Pour la deuxième fois de son histoire, le Cameroun va retourner sur le marché international des obligations. Ainsi en a décidé le président de la République, Paul Biya. Pour cette seconde incursion, le pays tentera de mobiliser auprès des investisseurs internationaux, la somme de 450 milliards de FCFA à travers l’émission d’un eurobond (obligations publiques émises en devise), a appris EcoMatin d’une source crédible à la présidence de la République du Cameroun. En effet, le chef de l’Etat mise sur le succès de cette opération pour refinancer la première obligation du genre émise par le pays en 2015 et dont les échéances de remboursement sont prévues pour la période 2023-2025. D’ailleurs, Paul Biya l’a fait savoir au ministre des Finances à travers son SGPR. Une correspondance signée de Ferdinand Ngoh Ngoh le 24 mars dernier, donne l’accord à Louis Paul Motaze  pour le lancement de cette opération dont l’urgence reste signalée. Le ministre d’Etat, secrétaire général à la présidence de la République relaie ainsi les directives de sa hiérarchie directe sur ce dossier pour lequel elle avait été saisie un mois plus tôt.

Si c’est en novembre 2023 que le Cameroun sera appelé à effectuer un premier versement de 150 milliards pour éponger une partie de cet emprunt, le gouvernement mène des discussions depuis fort longtemps pour honorer son engagement. Dans un contexte économique marqué par la détérioration des cours des matières sur le marché international, deux solutions de financement étaient envisagées. La première était celle du refinancement de cette dette (soutenue par le FMI et le Ministre de l’Economie) et la seconde celle d’un remboursement à partir des ressources propres de l’Etat sur la base des provisions (tendance soutenue au Minfi). En optant pour la première solution, le chef de l’Etat veut non seulement éviter un défaut de paiement, mais surtout ramener le risque de surendettement du pays du niveau élevé à un niveau modéré. Pour l’instant, le pays jouit encore de la confiance des investisseurs avec une note de « B2 » assortie d’une perspective stable. Malgré les réserves émises par le FMI, l’agence de notation Moody’s reste optimiste sur la capacité du pays à honorer ses engagements malgré la crise sanitaire mondiale et ses effets sur l’économie. Au 31 décembre 2020, l’encours de la dette du Cameroun s’est situé à 10 164 milliards de FCFA, soit 46,9% du PIB ; en dessous du plafond d’endettement public en vigueur dans la zone Cemac qui est de 70% du PIB. 

Autre atout du Cameroun, selon Moody’s, est la relative diversification de son économie, ce qui a contribué à contenir l’impact du choc pétrolier par rapport à ses pairs régionaux et aux pays membres de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique Centrale (Cemac). En 2019, l’exportation de cette matière première a contribué à 41,8% des recettes d’exportations enregistrées au cours de cette année. La diversification des recettes d’exportation tient également de l’apparition depuis 2018 d’un nouveau produit à l’exportation, notamment le Gaz naturel liquéfié (GNL). Pour l’instant, les détails sur cette opération sont méconnus mais l’on sait qu’elle devrait avoir lieu au cours de cette année 2021.

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Le Cameroun et le défi du taux d’intérêt

Pourquoi le chef de l’Etat a-t-il opté pour un refinancement via l’émission d’une nouvelle euro-obligation ? Cette question est digne d’intérêt quand on se rappelle que la première opération du pays sur ce marché s’était soldée par un cuisant échec. En 2015, le trésor camerounais qui avait exprimé un besoin de 750 milliards de FCFA (1,3 milliards d’euros), n’avait finalement pu lever que 375 milliards de FCFA, (environ 693 millions de dollars) avec un taux d’intérêt autour de 10%, soit l’un des plus élevé servi par un pays africain. 06 ans après, le pays n’est pas à l’abri d’un nouvel échec, même si le contexte semble différent.

Dans non édition n°412 du 10 mars dernier, EcoMatin évoquait l’alternative d’une mobilisation des fonds sur le marché financier sous régional pour refinancer cet eurobond. Alternative louable qui pourrait sans doute apporter de la dynamique à ce marché atone depuis la fusion des 2 places boursières. Mais à regarder de très près l’affaire semble plus complexe.  Avec une pondération de 85% attribuée par la Cobac, il est plus que difficile pour le pays de réussir  un emprunt obligataire à la Bourse des valeurs mobilières d’Afrique Centrale(Bvmac). A cela, il faudrait ajouter le problème de la disponibilité des liquidités car le marché sous régional est beaucoup sollicité cette année ; ce qui pourrait amoindrir les ressources des investisseurs et par ricochet, relever les coûts de crédit. Après le Congo qui a lancé son emprunt de 100 milliards, le Gabon lancera le double dans les prochains jours. Pas sûr qu’en sollicitant 450 milliards, le Cameroun aurait eu un taux de souscription de 100% ou plus. « Le risque d’indisponibilité des liquidités sur le marché européen des titres, comme cela pourrait être le cas à la bourse sous régionale, est moindre » commente un responsable au Ministère des finances.

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Conditions favorables

Si à la bourse sous régionale la mobilisation des financements est hypothétique, à l’internationale, c’est tout le contraire. Depuis l’avènement de la pandémie du coronavirus, les conditions des marchés obligataires internationaux sont devenues particulièrement favorables aux Etats. A titre d’exemple, le Bénin a en janvier dernier, réussi à lever auprès des investisseurs internationaux 1 milliard d’euros (656 milliards de Francs CFA) pour une maturité de près de 30 ans, avec des taux de 4,875% et 6,875%. Avant le Bénin, la Côte d’Ivoire avait déjà émis, en novembre 2020, un eurobond de 1 milliard d’euros sursouscrit 5 fois, pour 10 ans de maturité et un taux d’intérêt de 5%, le plus bas de l’histoire du pays. « Le Cameroun pourrait profiter de cette conjoncture favorable qui va s’étendre sur toute l’année 2021 » explique Brice Tchougoue. Ajouté à son profil de crédit qui reste relativement stable du fait de la diversification de son économie, le Cameroun pourrait être dans les bonnes grâces des investisseurs. Mais seulement, selon les experts du marché, une sortie différée en 2022 pourrait être sujette à un coût élevé dans un contexte de reprise économique dans les pays développés.

Pour rappel, les fonds levés par le Cameroun à la faveur de l’eurobond de 2015 co-arrangé par la Société générale et la Standard Chartered Bank, devaient servir à financer le plan d’urgence triennal du gouvernement (2015-2017), doté d’une enveloppe totale de 925 milliards de francs Cfa. Des projets tels que la construction de deux axes routiers de désenclavement dans chaque région, la création d’agropoles et de 120 000 hectares de périmètre hydro-agricole, de grands marchés de ravitaillement en denrées et l’aménagement d’ouvrages de retenue d’eau dans les trois régions du nord du pays devaient être réalisés. 

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Une loi des finances rectificative en préparation

Pour l’année 2021, le Cameroun a tablé sur une croissance du PIB réel de 3,3%, un taux d’inflation de 2,5%, après une remontée à 2,9% en 2020, un prix du baril de pétroles à 43,8 dollars contre 41 dollars US en 2020, et un objectif de déficit budgétaire global de 2,8% du PIB. S’agissant du budget, celui-ci s’équilibre en ressources et en emplois à 4865,2 milliards de FCFA. Pour financer son déficit budgétaire qui s’établit à 1 481,9 milliards FCFA, le gouvernement tablait sur un endettement via les instruments suivants : tirage sur prêts-projets (703,4 milliards), émissions des titres publics (350 milliards de FCFA), financement bancaire (102 milliards de FCFA) et appuis budgétaires (260 milliards de FCFA). Des données qui devront être modifiées compte tenu de l’exigence présente ; celle de l’émission par le pays d’une seconde euro-obligation de 450 milliards de FCFA sur les marchés financiers internationaux pour refinancer celle de 2015.

Si le premier remboursement est prévu pour le mois de novembre 2023, le gouvernement devrait réaliser l’emprunt cette année compte tenu des conditions favorables qu’offre actuellement le marché. A cet effet, le chef de l’Etat prescrit au ministre des finances de « présenter un projet d’ordonnance afin de revoir à la hausse le budget de l’Etat 2021 à hauteur du montant à modifier » peut-on lire sur la correspondance signée du Ministre d’Etat Secrétaire Général à la Présidence de la République, Ferdinand Ngoh Ngoh.

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