Business et EntreprisesA la Une
A la Une

Les dessous de l’affaire « Gulfin »

Comment une commande de produits pétroliers dument effectuée par la Gulf of guinea investment and shipping corporation (Gulfin) a-t-elle entrainé l’incarcération de son Directeur général et de 4 autres personnes accusées d’abus de confiance ? Incursion au cœur de ce dossier qui s’ou-vrira au tribunal le 2 mars prochain.

L’affaire fait les choux gras de la presse depuis quelques semaines. Le 2 mars prochain, Samuel Lyodi, ex DG de Gulfin, ses collaborateurs Marie Christine Soppo Priso, ancienne DGA, Jean Yves Nlend, chef de Division Transports et approvisionnement; les nommés Paola Moukouri, ancienne char-gée de clientèle à la Société Générale Cameroun et Pamphile Fonhoue, agent commercial de Petroleum Energy Gas (PEG), comparaitront pour la première fois devant la chambre criminelle du tribunal de grande instance du Wouri.

Lire aussi : Approvisionnement en super les lettres de crédit retardent les operations

Cette information est la principale conclusion de l’enquête judiciaire menée par le juge d’instruction auprès du TGI du Wouri, dans le cadre de l’affaire dite Gulfin. C’est le nom donné à la polémique autour de la commande de produits pétroliers passée par ladite compagnie qui a malheureusement viré au différend commercial, avant d’atterrir dans les prétoires. Le président du conseil d’administration de Gulfin René Mbayen à l’origine de la plainte déposée par son entreprise le 23 septembre 2020, reproche aux 5 suspects d’avoir effectué en complicité une manœuvre dolosive visant à détourner l’usage de sommes destinées à l’achat de ces marchandises toujours pas livrées jusqu’à ce jour.

Aux origines du différend

A l’origine de cette affaire, un repositionnement marketing intenté par Gulfin, une entreprise de transport de pétrole brut et raffiné dont elle distribue une partie à travers son réseau de stations services. En 2017 en effet, les ruptures de stocks consécutives aux arrêts temporaires de l’activité industrielle de la Société nationale de raffinage (Sonara) ont inspiré aux responsables de Gulfin d’ouvrir le champ d’action de leur entreprise à l’aval pétrolier. Il s’agit d’un domaine où l’on retrouve l’ensemble des opérations financières liées au commerce des cargaisons d’hydrocarbures, ce qu’on appelle communément le Trading.

Gulfin se propose ainsi d’assister la Sonara dans sa mission de ravitailler le marché camerounais en produits pétroliers importés, et réussit à obtenir non sans difficultés l’agrément du ministère de l’eau et de l’énergie. Heureuse coïncidence, Paola Moukouri, ancienne chargée de clientèle à la Société Générale Cameroun où elle était responsable du portefeuille Gulfin, entame au même moment une prospection auprès des responsables de Gulfin, pour le compte de la Delta Consulting Recovery. Cette dernière est une entreprise d’intermédiation commerciale dirigée par Jean Pamphile Fonhoe, œuvrant pour le compte de la Petroleum energy Gaz (PEG). PEG quant à elle effectue ses premiers pas dans l’aval pétrolier. Elle est basée aux iles vierges britanniques, et dispose d’un siège commercial à Singapour.

Lire aussi : Chambre de commerce : qui succèdera à Christophe Eken ?

Les négociations entre Gulfin et l’intermédiaire commercial de PEGC au Cameroun, Delta Consulting Recovery débouchent sur un accord. Le 20 juin 2019, PEG dépêche son représentant Afrique, le kenyan Gilbert Ngugi Ndwiga pour la signature d’un contrat de vente portant sur la livraison de 30.000 tonnes métrique de gasoil et d’essence sur une période de 3 ans. Selon Me Jacques Nyemb qui représente les intérêts de Gulfin, la première opération portant sur la livraison d’environ 3416 tonne métriques de Gasoil et à peu près la même quantité d’essence avait alors donné lieu à l’ouverture d’une lettre de crédit d’un montant de 4 538 751 Euros émise par la BGFI. Ce document avait pour but de garantir au bénéficiaire PEG, qu’il sera payé une fois les conditions de la lettre de crédit satisfaites.

Mais l’affaire se corse. Quelques semaines plus tard, Gulfin accuse son partenaire de n’avoir pas respecté son engagement de livrer ses produits 30 jours après l’émission de la lettre de crédit tel que prévu à l’article 6 alinéa F du contrat. Elle demande la rupture du contrat, et sollicite un remboursement.

En face, PEG se défend en arguant que la lettre de crédit émise par Gulfin ne couvrait que 25% du montant global de la marchandise. Dans une lettre transmise aux responsables de Gulfin le 26 février 2020 et dont Ecomatin a obtenu copie, PEG affirme avoir bel et bien acquis les produits, mais qu’elle a été incapable de l’acheminer au Cameroun car les deux armateurs réquisitionnés exigeaient une nouvelle lettre de crédit d’un montant pouvant garantir l’ensemble des deux cargaisons. Ce qui n’aurait pas été produit. « Vous ne nous avez pas fourni assez de garantie financière équivalente à la quantité de produit que vous avez commandé », peut-on lire dans ledit document.

PEG tente alors de résoudre le différend à l’amiable et se propose de rembourser les sommes investies par Gulfin en trois tranches, après avoir vendu elle-même les produits commandés par le camerounais. Tentative de filouterie ou issue pouvant contenter les deux parties ? Le choix opéré par Gulfin par la suite donné un autre sens à l’affaire. Au lieu de se retourner vers la chambre de commerce internationale de Londres désigné par les deux parties comme l’Instance habilité à trancher tout litige dans ce contrat, les avocats de l’entreprise camerounaise font basculer la plainte au pénal.

Lire aussi : chambre de commerce : les résultats définitifs sont connus

Selon des sources concordantes, ce choix stratégique fait par les conseils de Gulfin a pour but « d’éviter une procédure en arbitrage onéreuse et surtout contraindre de façon insidieuse les protagonistes de cette opération à exécuter ou faire exécuter ». La plainte suivie de l’arrestation des cinq suspects incarcérés depuis décembre 2020 rentrerai donc dans cette option. Si jamais ils sont reconnus coupable, les personnes inculpés pourraient risquer jusqu’à dix ans de prison, et payer entre 100.000 et 10. Millions de FCFA d’amende. Une somme bien en deçà des 1,4 millions d’Euros que réclame la compagnie, et interroge sur le véritable sens de ces inculpations.

Afficher plus

Articles similaires

Bouton retour en haut de la page